Interview

Tim Hecker: Chœurs polyphoniques et collages électro à Bozar

Tom Peeters
© BRUZZ
13/09/2016

Le concert au Bozar Electronic Arts Festival de Tim Hecker, le producteur d'ambient canadien qui donne le ton, promet d'être une expérience totale comprenant brouillard, lumière et compositions chorales déformées par l'électro qui font leur entrée sur son dernier album Love Streams.

Sur la pochette de Love Streams on trouve un instantané agrandi d'un accident qui s'est produit dans la ville chinoise de Bijie. Un chœur de police de 80 chanteurs est tombé de cinq mètres lorsque la scène du Grand Théâtre s'est effondrée. L'épisode, immortalisé par une caméra, a fait le tour du monde. "L'image montre le moment juste avant la chute", explique Tim Hecker qui compare la scène à l'insécurité du métier de musicien. " Lorsque je l'ai découverte, Je m'intéressais aussi bien à la musique chorale qu'aux accidents musicaux, et cette image combine les deux d'une manière presque poétique ". "Faire de la musique a toujours été un dur labeur", poursuit-il, " avec beaucoup d'obstacles inattendus sur la route ". C'est la première fois que Hecker fait usage de chœurs dans ses collages majestueux dans lesquels, depuis ses débuts en 2001, il entrechoque et entremêle tour à tour bruits ambiants, instruments acoustiques et sons digitaux. Les chœurs sont au centre de Love Streams et de sa récente recherche sur la voix humaine. Une réflexion qui a commencé avec la découverte du compositeur flamand-wallon de la fin du 15e siècle Josquin – Joske – des Prez pour connaître son apothéose dans le studio du compositeur (de musique de film) Jóhann Jóhannsson.

Comment êtes-vous tombé sur le polyphoniste Josquin des Prez, un des plus importants compositeurs de son temps, et un Flamand francophone de surcroît ?
Tim Hecker : Ces derniers temps j'écoutais beaucoup de musique chorale, et surtout les polyphonistes. J'avais envie d'explorer l'expression musicale, la tonalité et les relations harmoniques étranges du genre, et leur donner un nouveau look électronique contemporain. Le travail de Josquin des Prez permet cela. En plus, ça faisait un petit temps que je m'intéressais aux voix. C'est juste que je n'avais pas encore trouvé de place pour les intégrer dans mon œuvre.

Ce qui est étonnant, c'est qu'il s'agit à la base d'une musique sacrale, chose que vous ne recherchez absolument pas dans votre musique.
Hecker : Oui, tout à fait. La religiosité ne m'intéresse absolument pas, ce qui m'attire c'est la sonorité et l'harmonie. J'approche la musique de Josquin des Prez de manière séculière. Je l'utilise en tant que matière classique, comme un peintre contemporain qui s'inspire des traditions classiques pour en faire des pâtés de peinture et des collages.

Ça se traduit comment concrètement ?
Hecker : Jóhann est un génie dans l'accompagnement des transformations musicales. C'est pourquoi je lui fournissais d'abord quelques versions électroniques brutes. Et il se chargeait d'y ajouter des arrangements choraux. Le résultat fut enregistré dans son studio, avec un chœur de huit chanteurs.





Ça aussi c'est nouveau. Vous aviez déjà l'habitude de travailler avec des mixeurs réputés comme Ben Frost et Oneohtrix Point Never, mais jamais avec une compagnie si nombreuse.
Hecker : Je viens en effet d'un monde où on fait tout soi-même. Ça vous donne une grande liberté, mais d'un autre côté, après un certain temps, vous décelez des structures figées dans votre travail. Il n'y a pas de mal à cela. Par exemple, j'ai un faible pour les accords en mineur. Mais j'essaie d'en être conscient. La collaboration vous force à sortir de ces formes figées. C'est à la fois un défi et un exutoire. Bien sûr qu'ensuite j'ai à mon tour manipulé le tout avec ma technologie pour en faire autre chose. Cette impulsion à déformer des sons est devenue ma raison d'être artistique.

Pour le show en live, vous travaillez à nouveau avec l'artiste vidéo Marcel Weber, alias MFO. À quoi faut-il s'attendre ?
Hecker : À une synthèse entre de l'audio et du visuel. On utilise des effets de lumière et du brouillard pour enclencher l'effet musical. Comme on y voit à peine à cause du brouillard, l'expérience auditive est renforcée.

Love Streams est paru chez 4AD. Ce label indie avait à ses débuts la réputation de défendre des voix atypiques et des groupes comme Cocteau Twins, Dead Can Dance et Le Mystère des Voix Bulgares. Un hasard ?
Hecker : Pas tout à fait, mais j'ai remarqué cette ressemblance particulière seulement plus tard. J'ai toujours été fan de ce label. C'est que, moi aussi j'ai eu ma période gothique, vous voyez. Je n'ai jamais porté de rouge à lèvres noir, mais les idées noires, ça, je connais.

Tim Hecker, 24/9, 21.30, Bozar

ILS SERONT DE LA PARTIE AU BEAF

Comme à son habitude, le BEAF accueille les grands noms de le musique électronique actuelle. Voici cinq performances à ne pas manquer.


Vessels
La compagnie de Leeds a troqué ses guitares et ses batteries pour des synthés et des boîtes à rythmes et fait du post-postrock au rendu plus introspectif et chaleureux que jamais, tandis qu'elle continue d'hypnotiser la dancefloor.
23/9, 23.00

Gold Panda
Goof Luck and Do Your Best, c'est ce qu'un chauffeur de taxi a dit au compositeur/producteur britannique lors d'un voyage au Japon en compagnie de la photographe Laura Lewis. Ces mots furent à la base du disque et de son titre. Ça n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd.
24/9, 0.30

Consouling Sounds presents Aidan Baker + Dirk Serries
Le label gantois qui fêtera en 2017 son dixième anniversaire présente l'ambient expérimental de Aidan Baker, un guitariste qui a déjà travaillé avec Tim Hecker, ainsi que vidnaObmana, le projet d'ambient minimal de l'Anversois Dirk Serries.
24/9, 20.00

Silk Saw
Au printemps, les Bruxellois Gabriel Séverin et Marc Mœdea nous ont surpris avec leur 33 tours Imaginary Landscape après nous avoir privés pendant neuf ans de leur glitch maculé. Des sons brusques et industriels se font de l'œil dans une expérience classique contemporaine.
24/9, 22.30

James Holden
Il a travaillé avec Caribou et Thom Yorke, fait des remix pour Madonna et New Order et avec son label Border Community, il est un tremplin pour les jeunes talents. L'icône techno présente son nouveau groupe et sa nouvelle matière à Bozar.
25/9, 0.30

BOZAR Electronic Arts Festival, 22/9, 19.00, 23 & 24/9, 20.00, Bozar

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