Interview

Guy Nader et Maria Campos décomposent le temps

Sophie Soukias
© BRUZZ
04/08/2016

Pour sa 22ème édition, le Festival International des Brigittines orienté vers la danse contemporaine, rend hommage à la grâce et au désastre avec une programmation à la pointe qui ne compte pas moins de huit premières en Belgique.

Patrick Bonté, en charge de la direction artistique, décrit la grâce comme « un instant d’exception dans nos vies » dont la disparition est vécue comme un désastre. « Mais qu’importe ! Au plus profond de nous, nous aurons été mis en mouvement ». Le mouvement, dans sa forme la plus épurée, se trouve justement au centre de la nouvelle création de Guy Nader et de Maria Campos Time Takes The Time Time Takes (TTTTT) présentée pour la première fois en Belgique dans l’atmosphère envoûtante de la chapelle des Brigittines. Comment représenter par les mouvements du corps le temps qui passe ? L’homme a tenté d’apprivoiser le temps, de le rendre tangible en créant des objets capables de le mesurer. Le mécanisme de l’horloge, le rythme du métronome, le mouvement du pendule sont autant de sources d’inspiration pour Guy Nader et Maria Campos qui nous emmènent avec trois autres danseurs pour un voyage métaphorique de 60 minutes au cœur du temps.

Vos deux dernières performances ont en commun d’exploiter le potentiel créatif qu’offre le temps. En quoi cette notion vous inspire-t-elle?
GUY NADER : Le temps est présent partout dans nos vies et dans la danse. À travers le rythme, la musicalité, les mouvements et l’espace. Quand on a commencé à travailler sur la thématique du temps pour notre précédent spectacle Zenith, on utilisait des bâtons comme prolongement de notre corps pour créer des modèles rythmiques et on générait la musique à travers nos propres mouvements. Dans TTTTT, on a voulu faire un pas de plus vers l’abstraction. Le temps est approché comme un continuum en ce sens que la vie ne s’arrête pas, comme la roue qui tourne et qui tourne.

1532 Time Takes the Time
En parlant d’abstraction, est-ce que ça n’était pas ça aussi le défi, représenter quelque chose qui n’est pas palpable ?
MARIA CAMPOS : Oui, c’est ça. Par exemple, à plusieurs reprises les danseurs forment au contact de leurs corps des figures immobiles qui donnent l’impression que le temps est, tout à coup, suspendu. Pourtant, si le mouvement s’arrête, le temps, lui, continue de passer.
NADER : Parce que la notion du temps est très abstraite, on voulait la contraster avec la précision des mouvements. Cette précision rappelle les mécanismes de l’horloge. Le rythme suggère le métronome. Le temps est abordé comme quelque chose de circulaire et non pas de linéaire. Dans nos sociétés, le temps est considéré comme quelque chose de très linéaire : le passé, le présent, le futur. Dans d’autres sociétés ou dans la religion par exemple, le temps est cyclique. Il n’est pas mesuré en heures, en minutes ou en secondes, il englobe beaucoup plus d’aspects de la vie. La chorégraphie intègre également des éléments cycliques et répétitifs. Chaque mouvement finit par revenir.
La musique de Miguel Marin intervient-elle pour renforcer cette idée de rythme et de répétition ?
NADER : Au niveau de la musique, on voulait quelque chose d’énergétique, de puissant. La musique nous accompagne et nous conduit tout au long de la performance. C’est une heure de danse non-stop. Go, go, go. Interdiction de s’arrêter. Le tempo est ultra-nécessaire dans cette idée de survie. La musique crée un effet hypnotique par son tic tac tic tac.
Vous avez commencé à créer ensemble en 2006 avec des thématiques très concrètes et actuelles comme les frontières et l’immigration pour en arriver à un travail très abstrait sur le temps.
CAMPOS : Au début on apprenait à se connaître. Moi je viens de la danse et Guy vient du théâtre. Notre intérêt se portait sur des formes plus théâtrales et plus concrètes. Progressivement, on s’est tournés vers des propositions plus épurées. Nos derniers travaux sont nettement focalisés sur le mouvement sans pour autant faire de l’abstrait pour de l’abstrait. TTTTT est minimaliste à tous les niveaux, jusqu’aux vêtements qui sont extrêmement simples. Le fait de passer de solos/duos au travail en groupe a également été un grand pas. Le partage avec d’autres artistes nous a été précieux. Comparée à la proposition initiale, la chorégraphie de TTTTT a énormément évolué.
NADER : On essaie de dire que la danse est aussi un moyen de transmettre des idées, des pensées aux gens. Ça ne doit pas nécessairement se faire de manière théâtrale. Le corps peut dire beaucoup, pas besoin d’en rajouter. D’ailleurs, vous pouvez mentir avec des mots mais le corps, lui, ne ment pas.

TIME TAKE THE TIME TIME TAKES
22 & 23/8, 20.30, Les Brigittines (Kapel/Chapelle), www.lesbrigittines.be

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