Alex Barbier entre chien et loup

Kurt Snoekx
© Agenda Magazine
12/06/2013
Ce n’est guère un hasard si Alex Barbier (1950) expose au Lycaon, un établissement qui s’est installé à côté du Dolle Mol il y a un an et qui fait revivre la rue des Éperonniers, à deux pas de la Grand-Place. Pour son nom, ce restaurant et lieu culturel s’est inspiré de la grande œuvre de ce peintre auteur de bande dessinée, Lycaons, rééditée par Frémok, éditeur excentrique bruxellois. Naïla Akli et Baptiste Brunello, chargés de la programmation culturelle, et Thierry Anger, gérant et cuisinier inspiré, forment le triumvirat autour duquel s’articule Le Lycaon.

Le Lycaon est en métamorphose constante : de resto à petite salle de concert, d’espace d’exposition à scène de performance. Et, comme d’habitude dans les transformations, l’un ou l’autre détail rappelle sa fonction antérieure et fait pâlir la frontière entre les différentes dimensions. Ce mois-ci, par exemple, la carte du menu est faite d’anciennes planches de l’édition originelle de Lycaons, une édition qu’Alex Barbier voit comme le premier drame qui frappa le livre. Le deuxième étant l’incendie de son atelier en 1983, causé par un pyromane qui a réduit en cendres l’atelier, de grandes parties de Lycaons et la quasi-intégralité du Dieu du 12. Les originaux que Le Lycaon expose aujourd’hui viennent essentiellement du Dieu du 12.

Après s’être lancé dans Charlie Mensuel au milieu des années 1970, c’est l’association de Barbier avec « la bande dessinante » de Frémok qui a concrétisé sa position unique à l’avant-garde de la bande dessinée. Barbier combine de belles séquences narratives avec un superbe graphisme, réalisé à la couleur directe. Le pape du Frémok ne se limite pas aux conventions BD existantes, il s’ouvre à la peinture, à la littérature et aux visions qui émanent de sa propre vie – avec des références récurrentes à Burroughs, Soutine, Hopper, Kafka ou Stanislas-André Steeman. Le tout résulte dans un trip hallucinogène engloutissant, à travers un cœur sombre, un univers parsemé de saleté et de sueur, plein de sexualité (homo-érotique) brûlante, de signes précurseurs d’agression, d’envies primitives, d’imagerie surréaliste, de couleurs sauvages et de rêves obscurs.
Les originaux exposés au Lycaon portent la marque de l’incendie et de l’eau qui ont dévoré l’atelier et les archives de Barbier, mais donnent aussi un surplus au statut légendaire de ses livres. Et ce ne sont pas que des causes tangibles qui ont causé de gros trous noirs dans le travail de Barbier. Le feu interne de l’auteur, la liberté et l’entêtement qui lui sont chers, sont transférés au lecteur, qui doit essayer de trouver sa voie dans un univers erratique qui est à la fois détaillé et trouble, séducteur et répugnant, vital et menaçant, sur-coloré et trempé dans l’acide. Ce jeu d’attraction et d’aversion est aussi addictif qu’un shot d’héroïne. Il est reconnaissable comme la bonne fiction doit l’être : pas du tout et tout à fait en même temps. Un dîner cinq étoiles pour un lycaon affamé.

ALEX BARBIER : LES PLANCHES RESCAPÉES > 25/6, Le Lycaon, Spoormakersstraat 54-56 rue des Éperonniers, Brussel/Bruxelles, www.facebook.com/Lycaon.bxl, chanoinelagalerie.blogspot.be

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