Armes blanches pour nuits noires

Estelle Spoto
© Agenda Magazine
14/05/2012
(© Joel-Peter Witkin, Story from a Book, 1999, tirage argentique, 32x38,5 cm, Gift print Courtesy Baudoin Lebon)

Lorsque l’homme, maîtrisant le travail du métal, a inventé la lame, il s’est doté d’un outil efficace mais aussi d’une arme. L’Iselp consacre une exposition à cet objet banal mais mortellement dangereux, hyper chargé symboliquement, en rassemblant 19 artistes contemporains connus et moins connus.

De toute la panoplie d’armes existantes, la plus répandue est sans conteste le couteau, présent en général en plusieurs exemplaires dans chaque foyer en tant qu’accessoire indispensable de la bonne ménagère. Détournant les clichés sexistes, la photographe canadienne Mariel Clayton met en scène dans des intérieurs reconstitués en miniature une poupée Barbie devenue psychopathe. Dans sa cuisine ornée de poêles à frire et de mitraillettes, la figurine de Mattel pose fièrement, son couteau planté dans le torse d’un Ken décapité. On retrouve d’autres couteaux de cuisine chez Carlos Aires. L’artiste espagnol les grave de paroles de chansons d’amour/haine évocatrices – « Love will tear us apart », « Cry me a river », « Why does your love hurt so much », « I want to break free »… - et les aligne sur une plaque aimantée ou les fait tomber en une pluie de larmes sur le corps d’un Christ doré portant la trace de la lance qui a percé son flanc lors de la crucifixion. Chez Erwin Olaf, roi du mélange de la provocation et de l’esthétique léchée, Jules César, prenant les traits d’un éphèbe blond, fixe le spectateur alors que la lame de son assassinat politique est encore fichée dans son dos.
(© Marina Abramovic, Thomas Lips (The Star), 1975-1993 - Collection 49 Nord 6 Est – Frac Lorraine, Metz (FR) Photo: Rémi Villaggi © Adagp)

Mais dans cette exposition, la violence dont est porteur tout couteau n’est sans doute jamais aussi insoutenable que lorsqu’elle est retournée contre soi-même, quand le sang est vrai et la plaie visible. Une vidéo présente une
performance de la grande prêtresse du body art dans les années 70, la Serbe Marina Abramovic, qui incise avec une lame de rasoir la surface de son ventre en y dessinant une étoile. Âmes sensibles s’abstenir. Dans le diptyque de l’Américain Andres Serrano, deux mains semblent tendues l’une vers l’autre, dans une pose qui rappelle le geste de Dieu insufflant la vie à Adam dans la fameuse fresque de Michelange au plafond de la chapelle Sixtine. Sauf qu’ici, les poignets portent la marque d’un suicide et que ces photographies sont extraites de la série The Morgue.
Par sa forme même, le couteau est aussi un symbole phallique. Pointé comme une menace, il se dresse à la hauteur du pubis d’une jeune femme vue de profil dans une photo du Tchèque Jan Saudek. Il se plante à de multiples reprises dans une fleur, symbole du sexe féminin, dans l’installation du Belge Leo Copers qui, juste à côté, convoque une des plus célèbres lames de la littérature, Excalibur, attendant qu’Arthur vienne la tirer de la roche. En explorant ces différents aspects, l’exposition, qui traduit par ailleurs le pouvoir de fascination de cet instrument de mort et de pouvoir, offre une autre approche - alternative à celle des faits divers, par exemple - à quelques questionnements universels. (© Erwin Olaf, Julius Caesar † 44 BC, 2000 - Courtesy Flatland Gallery Utrecht)


Armes blanches pour nuits noires (de la lame à l’incise de la chair)
> 7/7 • ma/lu/Mo > za/sa/Sa 11.00 > 17.30, gratis/gratuit/free
L’ISELP boulevard de Waterloolaan 31B, Brussel/Bruxelles,
02-504.80.70, accueil@iselp.be, www.iselp.be

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