Dans l'antre d'artistes : Arié Mandelbaum

Estelle Spoto
© Agenda Magazine
16/05/2012


Dans quelques jours, Arié Mandelbaum s’envolera pour les États-Unis. Il passera quelques mois à Washington, en résidence pour la Honfleur Gallery, dans le quartier d’Anacostia, puis à New York, à TriBeCa exactement, non loin des anciennes tours jumelles. « Là-bas, je ne fais que travailler, sans être distrait par les visites ». Pour l’heure, l’artiste est à Bruxelles, sa ville natale, où il a également enseigné pendant de nombreuses années.

Son atelier, en plein centre, à quelques pas du Manneken-Pis, est relativement ordonné, le départ étant imminent. Près de la porte, des réchauds électriques, des poêlons, des pots de yaourt récupérés pour les mélanges attestent de la petite « cuisine » qui lui permet de s’exprimer à travers la tempera. « C’est comme une mayonnaise, ou plutôt comme une béarnaise », explique-t-il quand on l’interroge sur cette ne technique picturale utilisée depuis l’Antiquité et où l’œuf constitue le liant de l’émulsion. La peinture à l’œuf, Mandelbaum la mêle aujourd’hui sans complexes au fusain, à la craie, au pastel... « Avant, j’aurais été gêné de dire qu’il y avait du fusain dans ma peinture. Maintenant, ça m’est complètement égal. Depuis une quinzaine d’années, il y a quelque chose qui s’est désinhibé dans mon utilisation des techniques. Mais je crois que la technique ne veut pas dire grand-chose. Dès qu’on a un crayon, un fusain ou un stylo-bille en main, on a une technique. Le tout, c’est de savoir ce qu’on en fait... »

En cinquante ans de carrière, Arié Mandelbaum, né en 1939 dans une famille juive et polonaise, n’a cessé d’imprégner sa peinture d’un engagement politique présent en lui depuis l’enfance. C’est d’ailleurs à travers la revue littéraire et culturelle Les Lettres Françaises, liée au Parti communiste et longtemps dirigée par Louis Aragon, qu’il découvre sa vocation à l’adolescence, face aux reproductions des œuvres de Picasso et de Fernand Léger. « Je ne comprenais pas grand-choses aux articles, mais ce que je trouvais bien chez ces peintres, c’est qu’ils étaient engagés ».
Contre les trois murs de brique nue surmontés par une antique verrière, une série de ses œuvres plus anciennes sont entreposées, dans l’attente d’une rétrospective bruxelloise qui devrait prochainement être mise sur pied. Arié Mandelbaum en sort une composition de 1970 où il a détourné une affiche de la Société Générale encourageant l’utilisation de la carte de crédit, et une autre 1967, sur la guerre du Viêtnam. « Le tout est de tout dire, et je manque de mots/Et je manque de temps, et je manque d’audace/Je rêve et je dévide au hasard mes images/J’ai mal vécu, et mal appris à parler clair » : dans le coin d’une de ces œuvre figurent quelques mots du poème Tout dire de Paul Éluard, dont les textes paraissaient régulièrement dans Les Lettres Françaises. « Le côté engagé était sans doute plus évident auparavant, mais moi je prétends que c’est encore très présent. C’est la facture de cet engagement qui a changé. Je ne veux sans doute plus en dire trop ».
Depuis dix ans, Mandelbaum utilise ce grand atelier, jouxtant l’ancien aux dimensions plus modestes, qui lui sert aujourd’hui de « salle de séjour ». Ce changement de lieu a induit dans son travail plus de blancheur, une lumière qui envahit le papier ou la toile et dans laquelle le sujet semble se dissoudre. Face à ces œuvres, il faut prendre le temps d’observer, approcher pour percevoir les détails ou au contraire reculer pour cerner l’ensemble. Des portraits de famille, les scènes cruelles de la prison d’Abou Ghraib, le visage d’Anne Franck ou Adam et Éve chassés du paradis tels que les a peint Masaccio au XVe siècle. « Ces motifs empruntés chez Masaccio, Piero della Francesca ou Matthias Grünewald, ce ne sont pas des choix, ce sont des évidences. Il y a là un drame qui se joue et qui dépasse le sentiment religieux. C’est le drame des hommes et des femmes. Dans mon travail, je pars de l’intime, du particulier - mes amis, mes enfants, le couple - et je vais vers le général. Ça se fait naturellement. Je crois que c’est valable pour tout artiste : on parle de soi, de ce qu’on connaît pour aller vers quelque chose de plus universel ».
COMMUNE : Bruxelles
EXPOSITIONS RÉCENTES : Arié Mandelbaum - Mentsh, Quest 21, Bruxelles; Die Humwelt, Honfleur Gallery, Washington D.C.; Arié Mandelbaum, Galerie Concha de Nazelle, Toulouse
À VOIR ACTUELLEMENT À BRUXELLES : > 27/5, Le temps d’aimer est aussi le temps de l’histoire - Arié Mandelbaum. Work of a decade, Musée Juif de Belgique, www.mjb-jmb.org
INFO : www.ariemandelbaum.org

PHOTOS © Heleen Rodiers

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