Dans la rubrique BruxellesVies, un.e acteur.ice du monde culturel se livre en trois expériences bruxelloises. Anne Wetsi Mpoma a révolutionné la scène des arts plastiques en dédiant une galerie à la valorisation des artistes noir.e.s.

Lorsque j’étais enfant, différentes peintures décoraient les murs du salon familial. Il y avait une série de petits tableaux sur lesquels figuraient des maisons rondes aux toits en paille, de grands arbres, des petits personnages au bord de l’eau et des crocodiles. Des décors qui plaçaient les scènes dépeintes en Afrique. Lorsque je posais des questions sur ce que j’y voyais, c’était l’occasion de faire parler les adultes autour de moi du Zaïre. Le pays de naissance de mes parents et où l’on était censé retourner vivre un jour.

Aux murs, était également accrochée la peinture à l’huile sur bois d’un visage d’homme africain représenté quatre fois sous divers angles et expressions. Ce tableau faisait la fierté du foyer. Les invités s’extasiaient devant lui en disant que c’était une reproduction d’un ancien tableau d’un grand maître flamand qui était exposé dans un grand musée par des Blancs ! Ah ! Le graal ! Dans ma famille et dans mon cercle familial, la plupart des gens avaient la peau brune. Je ne voyais donc rien d’exceptionnel à ce qu’un personnage qui leur ressemble trône sur un des murs du salon. Ce que j’appréciais, c’est l’admiration qu’il suscitait.

En y réfléchissant, à cette époque, la graine de ma passion pour les arts était déjà plantée. Jusqu’ici, je faisais remonter cet intérêt à une visite scolaire des Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique lorsque j’avais 13-14 ans. Je m’y étais extasiée sur un monochrome d’Yves Klein. Je rattachais également mon engagement pour la valorisation de la culture africaine à mes souvenirs traumatiques des visites de l’ainsi nommé Africa Museum avec mes « oncles blancs ». Pardonnez mon langage, je m’exprime ici avec les mots de mon enfance.

Revenons à notre tableau. Commençons par son titre. À l’époque, on l’appelait Têtes de nègre, tout simplement. C’est une copie – l’original étant conservé à Bruxelles, aux Musées Royaux des Beaux-Arts – parmi de nombreuses autres d’une œuvre de Peter Paul Rubens, maître flamand du XVIIe siècle. Si aujourd’hui, l’utilisation du « n word » semble tout à fait inappropriée, à l’époque cela ne choquait pas. Le titre actuel de l’œuvre est Quatre études de la tête d’un Maure. Aucune indication sur l’histoire du titre de l’œuvre n’accompagne les cartels actuels de l’œuvre. Soit on connaît l’ancien titre, soit cette partie de l’histoire de l’œuvre disparaît. Cette question faisant écho aux débats sur les monuments publics coloniaux m’interpelle forcément.

Faut-il faire disparaître et remplacer par du neuf ou bien faut-il contextualiser, expliquer ? Et comment le faire ? En continuant à montrer les images du passé que l’on veut dénoncer, au risque de leur donner un nouveau souffle de vie ? Ou bien peut-on trouver un moyen d’expliquer, sans montrer les images et sans les effacer totalement ?

Ce que je retiens de cette réflexion et qui me fascine aussi, c’est de découvrir que ma quête actuelle d’une meilleure représentation de la culture et des personnes africaines remonte à ce tableau. À une volonté de retrouver ce qui m’a été présenté comme la norme lorsque j’étais enfant. La représentation noble et majestueuse d’un visage d’une personne aujourd’hui identifiée comme noire. Et de me dire que tout cela aurait commencé sur un malentendu… je trouve cela cocasse. Car dans l’Histoire de l’art, ce tableau était une innovation pour la qualité de la carnation et le naturel des expressions.

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