Rencontre: Damien Daufresne, le voyageur contemplant une mer de nuages

Sophie Soukias
© BRUZZ
29/09/2016

Ce samedi, Damien Daufresne, photographe français vivant à Berlin, viendra présenter son travail photographique et se livrer sur sa pratique à Recyclart dans le cadre de la programmation Extra Fort.

Damien Daufresne a tout d’un artiste romantique du 19e siècle. Ses images en noir et blanc, développées chez lui dans sa chambre noire, traduisent la sensibilité, la complexité et la subjectivité de son être, comme le préconisait jadis le courant romantique, né en opposition au classicisme, jugé impersonnel. Pour réaliser ses images, le photographe, qui est aussi peintre, n’hésite pas à parcourir le monde, s’aventurant dans des contrées lointaines et reculées, non pas à la recherche d’un quelconque exotisme, mais pour aller au bout de l’errance, pour atteindre l’état d’esprit adéquat, celui qui lui permettra d’entrer en contact avec les émotions qu’il désire communiquer. «Je ne voyage pas pour rapporter des souvenirs, au contraire. Je laisse là-bas ce qu’il y a en trop pour pouvoir être le plus nu possible, pour que les émotions soient les plus brutes possible ».

Tel le « voyageur contemplant une mer de nuages » dans le célèbre tableau du romantique allemand Caspar David Friedrich, Damien Daufresne erre seul. Et de cette solitude, douloureuse et créatrice, naissent des images d’un monde mystérieux et mélancolique, à la fois familier et inconnu, réel et irréel, où toutes traces temporelles et géographiques ont été effacées. « Je pense que ceux qui m’influencent plus que tout ce sont les peintres. J’ai toujours un peu peur de citer des noms, mais quand on regarde la lumière dans les peintures de Goya par exemple, tout y est : la violence, la tendresse, la mélancolie. Pour moi, il n’y a pas plus fort ». En résulte une série intitulée Ressac faite de photographies puisées dans ce que l’artiste appelle son « sac à dos d’images » accumulées sur cinq ans, voire plus.

Dans le monde de Damien Daufresne, la nature se déchaîne, les vagues viennent se fracasser contre les rochers des côtes comme dans les romans de Joseph Conrad et d’Herman Melville dépeignant la vie dangereuse des marins. D’ailleurs le photographe n’a pas hésité à prendre lui-même le large, à vivre sur un tanker pour retrouver l’état d’esprit de ces auteurs qu’il affectionne tant. « Le mouvement est vraiment important pour moi. Il est celui des vagues, des battements du cœur. Avant le contre-mouvement, il y a cette espèce de cassure. Et quand on prend une photo, c’est pareil : un mouvement où le souffle s’arrête ». Les caprices ou les beautés contemplatives de la nature sont autant de moyens de traduire l’intimité de l’artiste, de dire les tourments ou l’exaltation qui le traversent. Les animaux participent également de ce langage. Un chien aboie de toutes ses canines, tel un animal enragé, des mouettes affolées envahissent l’espace de la photographie. Sur une plage en pleine nuit, des chiens errants se dirigent sans but vers l’infini de la mer.

Les êtres humains se frayent aussi un chemin dans l’univers de Damien Daufresne. L’homme est seul, accoudé à une table, le regard dirigé vers le vide. La femme est fuyante, insaisissable, tantôt détournant le regard, tantôt tournant son dos nu à l’objectif. Les situations humaines sont d’une grande puissance narrative, cinématographique. On identifie sans trop de difficultés les références à Tarkovski et à Bela Tarr que le photographe explique porter dans son cœur. « Il y a aussi des influences qui sont très différentes de ce que je fais. J’aime beaucoup la Nouvelle Vague, par exemple ». Rien d’étonnant à cela quand on sait que le mouvement cinématographique français né à la fin des années cinquante encourageait le réalisateur à révéler l’intimité de sa personne à travers ses films.

Si quand on parle avec Damien Daufresne, on reconnaît l’homme derrière l’œuvre, c’est précisément parce qu’il s’est livré émotionnellement. Et ce qui nous touche ça n’est pas tant le sentiment d’identification qu’on peut en retirer, mais la sincérité de sa démarche. « Chacun a ses obsessions, ses peurs et ses émotions. Une fois que la photo est faite, chacun est libre de percevoir l’image selon sa propre sensibilité et de projeter ses propres questions ».

EXTRA FORT: DAMIEN DAUFRESNE - LEWIS KHAN + CONCERT
1/10, 20:30, Recyclart, www.recyclart.be

Fijn dat je wil reageren. Wie reageert, gaat akkoord met onze huisregels. Hoe reageren via Disqus? Een woordje uitleg.

Read more about: culture

Iets gezien in de stad? Meld het aan onze redactie

Site by wieni