La Smala : l’esprit du clan

Nicolas Alsteen
© Agenda Magazine
08/04/2015
Nouveaux héros du hip-hop bruxellois, les petits gars de La Smala remisent les clichés au placard avec des mots ordinaires et une collection de chansons singulières. Retour sur l’ascension surréaliste de gens extrêmement normaux.

Travailleurs de l’ombre, Dj X-Men, F.L.O, Rizla, Seyté, Senamo et Shawn-h s’activent depuis quelques années dans les bas-côtés du hip-hop. Animés d’un véritable esprit de famille, le DJ et les cinq MC’s président, ensemble, à la destinée de La Smala. Après le coup d’éclat réalisé l’an dernier avec l’album Un murmure dans le vent, le groupe revient à la charge en publiant Un cri dans le silence. Une façon comme une autre de retracer l’itinéraire d’une formation pas comme les autres. Des premiers chuchotements aux clameurs d’une Ancienne Belgique annoncée sold-out, leur parcours vaut forcément le détour.

Pouvez-vous revenir sur vos débuts ?
Senamo : Au départ, nous sommes tous des amateurs chevronnés. On a donc créé un réseau de passionnés. De fil en aiguille, nos affinités se sont métamorphosées en liens d’amitié. Du passe-temps solitaire où chacun écrivait ses textes sur des instrus bricolées avec trois fois rien, le projet a pris la forme d’un groupe organisé et animé par une seule et unique motivation : faire avancer le hip-hop. Officiellement, La Smala a vu le jour en 2007.

Vous avez attendu près de sept ans pour publier votre premier album physique, Un murmure dans le vent. Comment expliquez-vous ce long délai de fabrication ?
Senamo : À l’origine, on n’affichait aucune ambition professionnelle. On se contentait de faire vivre notre passion entre amis. C’était juste une partie de plaisir, comme un mini-foot le dimanche après-midi. Un jour, on s’est décidés à rassembler quelques sons en vue de les diffuser gratuitement sur Internet. C’est l’histoire de la mixtape On est là là. Vol 1. Contre toute attente, cette sortie virtuelle a suscité un engouement sur les réseaux sociaux. Vu l’enthousiasme, on a renouvelé l’expérience en publiant les Vol 2. et Vol 3. Ces compilations font partie de notre genèse. Mais nous n’avons jamais eu la prétention de les commercialiser. Parce qu’à l’époque, nous étions en pleine phase de développement. Cela étant, ces compilations ont plu aux gens. Progressivement, nos concerts ont drainé un public… C’est ce qui nous a amenés à poursuivre l’effort en proposant Un murmure dans le vent, un album produit dans un véritable studio avec du bon matériel et des moyens conséquents.
(Shawn-h / F.L.O / Senamo / DJ X-Men / Seyté / Rizla)

Après plusieurs années d’activités, La Smala rencontre aujourd’hui un solide succès. Comment l’expliquez-vous ?
Senamo : C’est toujours compliqué d’expliquer pourquoi, à un moment donné, tout se met bien en place. On a longtemps galéré dans notre coin. On n’a jamais provoqué le succès. On s’est contentés de faire de la musique pour le fun. Au final, ça a été l’élément déclencheur. À force d’obstination, on a imposé notre style. La visibilité dont on bénéficie est aussi à mettre en parallèle avec l’émergence des réseaux sociaux. Ils n’ont jamais été aussi développés qu’aujourd’hui. Dès le début, on a évité de se prendre la tête. On n’allait pas se rendre malades si ça ne prenait pas. Le titre de l’album découle de ce raisonnement. Un murmure dans le vent, c’est quelque chose qu’on peut entendre, qui peut attirer l’attention. Ou pas. On reste lucides. On sait que tout ça est fragile.

Vous êtes également impliqués dans le collectif À Notre Tour (avec entre autres Caballero, Exodarap et J.C.R.). Vu la popularité croissante de cette communauté et de La Smala en particulier, avez-vous l’impression de porter les valeurs d’une nouvelle scène ?
Senamo : On n’a pas la prétention de le crier haut et fort. Mais vu l’emballement suscité par La Smala sur Bruxelles, on commence sérieusement à se dire qu’il se passe un truc. De manière générale, les lignes sont en train de bouger un peu partout sur la scène francophone. Cette effervescence doit, en partie, se comprendre à l’aune de l’énergie impulsée par des collectifs français comme L’Entourage ou 1995. Avec La Smala, on essaie d’insuffler une nouvelle âme au hip-hop. On n’est plus du tout dans une logique de marginalisation. Dans le groupe, nous sommes tous issus de la classe moyenne. On s’est approprié les codes du genre pour les adapter à notre mode de vie qui, au fond, est un peu celui de Monsieur et Madame Tout-le-Monde. On essaie de décloisonner le hip-hop. Désormais, il est à la portée de tout un chacun et plus nécessairement enchaîné aux réalités du ghetto. La Smala est juste un projet en phase avec son époque. Aujourd’hui, on assiste à un renouveau du hip-hop : un mouvement qu’on peut mettre en parallèle avec ce qui s’est passé aux USA. Là-bas, le hip-hop est désormais parfaitement intégré à la culture populaire.

Si votre répertoire se joue surtout à l’énergie, certains morceaux (Pour être franc ou Douze ans d’âge) exhibent un côté mélancolique. Cette facette fait-elle partie de votre personnalité ?
Senamo : Notre musique est une extension de notre quotidien. Il y a des jours où tu es motivé et d’autres où tu l’es moins. Je pense que nos morceaux reflètent bien cette ambivalence. Pour écrire les textes, on s’inspire de notre vécu. Cela implique des décharges d’adrénaline et des coups de blues. D’un côté, il y a les regrets et quelques frustrations. De l’autre, il y a de la joie de vivre et un attrait pour la fête. Ce qu’on propose, c’est authentique. Avec La Smala, on reste hyper spontanés. On n’est jamais dans le calcul.
Avec sa pochette bourrée de références à Bruxelles (le tram, l’Atomium, etc.) et ses chansons truffées d’expressions du cru, La Smala s’affirme comme un groupe belge. Cet ancrage local, c’est une fierté ?
Senamo : Évidemment. C’est ce qui fait notre identité. On n’a jamais cherché à déformer la réalité, à dénaturer l’essence du projet. On ne va pas se mettre à imiter des rappeurs français ou américains. Parce qu’ils racontent des choses qui ne nous ressemblent pas. Notre nature est belge et typiquement bruxelloise. Dans nos chansons, on retranscrit notre réalité. On a grandi en écoutant des acteurs locaux : des gens comme James Deano, Ultime Team ou OPAK. Notre vie à Bruxelles, c’est ce qu’on raconte dans nos morceaux. Ce n’est pas extraordinaire. Ça reste très terre à terre. Mais, au moins, tout le monde peut l’entendre.

LA SMALA
10/4, 20.00, Ancienne Belgique, www.abconcerts.be

Fijn dat je wil reageren. Wie reageert, gaat akkoord met onze huisregels. Hoe reageren via Disqus? Een woordje uitleg.

Read more about: Muziek

Iets gezien in de stad? Meld het aan onze redactie

Site by wieni