WK1527 Lucie Lanzini
© Ivan Put

Wunderkammer : Lucie Lanzini

Michel Verlinden
© BRUZZ
14/06/2016

Chaque semaine, BRUZZ part à la recherche des sons et des images de Bruxelles. C'est au tour de Lucie Lanzini de nous emmener dans son atelier bruxellois où elle pousse la matière dans ses derniers retranchements.

C'est dans un bâtiment qui servait il y a peu encore à entreposer de l'huile d'olive que se situe l'atelier de Lucie Lanzini. Doté d'une belle hauteur sous plafond et augmenté d'une mezzanine que la plasticienne a fabriquée elle-même, il offre d'intéressantes possibilités de stockage, " un vrai plus quand on pratique la sculpture ", souligne Lucie Lanzini. Autre avantage : des voisins peu soucieux du bruit, ce qui est utile dans la mesure où il s'agit d'un vrai lieu de production dans lequel l'intéressée se confronte à la matière, ponceuse ou autre instrument de torture à la main.

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Originaire de Belfort dans l'est de la France, c'est fraîchement diplômée qu'elle débarque à Bruxelles en 2010. " Cela s'est fait sur un coup de tête, je voulais rompre les amarres. Je ne me voyais ni à Lyon où j'avais fait mes études aux Beaux-Arts, ni à Paris, où je pressentais que les choses seraient compliquées ". Elle débarque dans la capitale sans connaître personne, si ce n'est " une amie d'enfance sage-femme ". La solitude joue plutôt en sa faveur car l'année de son installation, elle décide de participer à Art Contest… et en remporte le prix. Il n'en faut pas plus pour qu'elle soit lancée sur la place bruxelloise. Elle entre dans la danse des expositions, parfois personnelles, souvent collectives. Depuis six ans, Lucie Lanzini trace une route rectiligne sur laquelle il convient de poser un autre jalon important : l'obtention de la Bourse COCOF. Celle-ci a débouché sur une résidence de janvier à juin 2016 à la Maison d'Art Actuel des Chartreux (MAAC) où elle présente, depuis le début du mois, l'exposition qui résulte de ce séjour.

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On y découvre toute l'étendue du talent de cette sculptrice de trente ans. Captives étale la grammaire formelle de Lucie Lanzini en deux volets séparés. La première salle décline des travaux plus anciens qui se font écho à travers la pièce. Une sorte de rideau, à peine palpable, se met en mouvement au moindre courant d'air. Il s'agit d'une impression sur mousseline de soie. Ce voile diaphane, proche de l'apparition, fait place à un double motif vibratoire : des cristaux de sel tels que l'on peut les voir au microscope et une nuée de chauve-souris telle qu'elle hante l'inconscient collectif. " Je m'attache beaucoup à la charge symbolique des objets, cette approche m'a menée à m'intéresser également aux croyances populaires qui entourent les animaux ", explique Lanzini.

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Dans Qu'est-ce que la littérature ?, Jean-Paul Sartre présentait les poètes comme des êtres qui avaient un contact " de l'intérieur " avec les mots. Au vu du travail de Lucie Lanzini, on ne peut s'empêcher de penser que la jeune femme entretient une relation tacite du même genre avec la matière. Tout se passe comme si elle pensait en formes et textures là où d'autres sont obligés d'en passer par le langage. Ce don lui permet de traduire ses obsessions en trois dimensions. Mieux, elle parvient à transgresser les limites des matériaux pour y inscrire, parfois comme un trompe-l'œil, des impressions inattendues. Tel bloc qui semble inamovible est en fait composé de mousse polyuréthane… Tout se mêle, le fragile et le solide, le présent et l'absent, le transparent et le réfléchissant. C'est encore plus évident dans la seconde partie de l'exposition où une installation à la fois minimaliste et polysémique déroule verre, mousse polyuréthane, résine et cordage. Deux cordes de 3 mètres de hauteur, nouées à la charpente, interpellent.

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© Ivan Put

Elles renvoient directement à l'atelier de la plasticienne dans lequel deux énormes moules en silicone témoignent encore de leur fabrication. " J'aime explorer le caractère équivoque des choses. La corde est à la fois ce qui lie, ce qui permet de s'échapper mais également ce qui enserre. En fabriquant une corde en résine, je la délivre de son usage, elle devient fragile, j'invite à la repenser ", précise l'artiste. On pointe aussi les fameux blocs évoqués plus haut. Loin de ce que leur aspect monolithique pourrait laisser penser, ils sont marqués en creux par les traces – un ornement en stuc, une porte, une plinthe… - d'éléments domestiques. L'intime, le presque-rien, se voit ainsi pérennisé de façon inattendue. Il n'en faut pas plus pour être ému aux larmes.

Mauvais augure
Une œuvre de l'exposition à la MAAC synthétise les mécanismes qui opèrent au sein du champ de la sculpture tel que le conçoit Lucie Lanzini. Elle a pour nom : Crows. La pièce procède elle aussi de la réflexion sur les croyances qui entourent le monde animal. Pour faire surgir la silhouette du corbeau, riche en symboles, la plasticienne imagine un dispositif qui fait l'économie du corps de l'animal pour n'en retenir que les serres. La métonymie est effrayante. Les pattes en question sont posées sur des blocs en mousse polyuréthane portant les traces d'intérieurs domestiques. En faisant ainsi s'approcher l'oiseau de mauvais augure de l'intime, du familier, Lanzini réussit à nous faire palper la menace. Un point précis condense cela, il s'agit de l'endroit où les griffes acérées entrent en contact avec l'aspect lissé, évoquant la pierre, du bloc. Le tout synthétise à la perfection la rencontre de deux catégories du vivant et rappelle combien l'une ne veut absolument pas être rapprochée de l'autre.

Commune : Bruxelles (Ville)
Expo : « Captives », > 2/7, MAAC, www.maac.be
Info : www.lucie-lanzini.com

Wunderkammer

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