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Interview

François Troukens (Tueurs): 'Arrête le braquage, prends la plume'

05/12/2017

Le criminel condamné François Troukens s’est formé au métier de réalisateur en prison. Et ça lui va plutôt bien. Son premier long-métrage Tueurs est un thriller qui fait écho aux Tueries du Brabant. "On n’a pas les mêmes moyens que les Américains mais on peut se débrouiller."

Le long-métrage de Michaël R. Roskam Le Fidèle n’était pas le seul film de gangsters belge à être sélectionné au festival de Venise. Les Tueurs a également fait son entrée au Lido. Dans ce violent film noir, un gangster de la vieille école fait un retour pour le moins tourmenté. Non pas à cause de son grand braquage mais parce qu’il est suspecté d’être un des tueurs fous qui, trente ans après les faits, frappe à nouveau. Aux côtés d’Olivier Gourmet, on reconnaît Bouli Lanners, Kevin Janssens et Lubna Azabal. L’histoire du coréalisateur et scénariste François Troukens est encore plus spectaculaire que le film. Il a lui-même été un bad boy. « J’ai été condamné pour un total de dix-neuf ans. J’ai fait dix ans de prison, principalement pour des attaques de fourgon. Lors d’une fusillade, j’ai blessé un policier dans ses jambes. Aujourd’hui, il n’est heureusement pas handicapé, » dit Troukens.

Radicalisé en prison
Son apprentissage du métier de réalisateur est remarquable mais ne tombe pas totalement du ciel. « J’avais fait des études de photographe et réalisateur avant de tomber dans le banditisme. Mes années d’enfance étaient plutôt artistiques. Mais après un travail de vacances dans la sécurité, j’ai accepté un job comme bodyguard. C’était payé l’équivalent de 3 500 euros par mois. J’avais vingt ans. Après quatre ans, mon boss s’est retrouvé en prison. J’ai eu le sentiment que les politiciens et les hommes d’affaires étaient des salauds et qu’il n’était pas possible de devenir riche en travaillant et payant ses impôts. Ça m’a fait basculer. » Il atterrit très tôt en prison. « La prison est traumatisante. Je n’aurais plus jamais fait des braquages si, au bout de dix jours de cellule, on m’avait dit: ‘oké, jong, maintenant tu sors et tu poursuis tes études à l’université’. Mais j’ai dû rester en prison, j’ai rencontré d’autres braqueurs qui devenaient presque des amis. On m’a radicalisé dans la violence. »

La plume
En 1997, Troukens s’évade et mène avec sa femme et son enfant une vie de fugitif jusqu’en 2004. C’est pendant cette période qu’il rencontre chez des amis José Giovanni. « Dans les années quarante José Giovanni était braqueur. Plutôt collabo: ils ont attaqué des juifs. On devait lui couper la tête. En prison, il a décidé de tout arrêter et il a écrit le scénario pour Le Trou de Jacques Becker. Après il a écrit et réalisé plusieurs films dont Deux hommes dans la ville avec Alain Delon et Jean Gabin. Giovanni m’a dit: ‘Arrête le braquage, prend la plume! Il y a quelque chose dans ton écriture qui fait que ton cinéma sera authentique. Tu peux raconter des choses de l’intérieur’. » Ça n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd. « Si José Giovanni a pu le faire, pourquoi pas moi? »

Troukens purge sa peine en France et en Belgique. Dans la prison française, il a la possibilité de suivre une formation de la Sorbonne en littérature. Il se jette ensuite sur le cinéma. Il lit chaque livre qu’il a sous la main et regarde des films à la chaîne. « En Belgique, c’était plus difficile d’étudier en prison mais j’ai pu faire plusieurs petits films dans des ateliers de cinéma. Après ma sortie, la société de production liégeoise Versus me proposait des stages de film. J’ai plus appris sur le set qu'à l’école. »

Populaire mais pas vulgaire
Une des intrigues centrales de Tueurs s’inspire des Tueries du Brabant. « Je situe la petite histoire d’un braqueur dans la grande histoire. Je raconte des choses qui sont proches de la vérité. » Le réalisateur a un avis tranché sur l’affaire du Brabant. Il croit dur comme fer que les attaques n’ont pas été commises par les tueurs mais devaient servir à installer un climat de terreur. « Je n’invente pas beaucoup. Tout est déjà dans les dossiers. Il suffit de les lire. Mais je ne suis pas journaliste. Je ne voulais pas faire une enquête. J’ai juste envie de raconter comment les choses ont pu se passer. C’est ma vision. Et maintenant, la réalité dépasse ma fiction. »

Troukens brigue « un cinéma populaire mais pas vulgaire. » « On n’a pas les mêmes moyens que les Américains mais on peut se débrouiller. Je veux que les gens passent un bon moment au cinéma. En même temps, le film fait parler de sujets, de politique. Je parle, entre autres, des conditions de vie dans la prison. »

Bruxelles arrive
Troukens offre à Bruxelles un rôle de choix dans son film. « Je voulais que Bruxelles soit un vrai personnage. Je ne voulais pas filmer la ville laide. Je voulais magnifier Bruxelles. La nuit, la ville n’est pas moins belle que Los Angeles. Il y a des lumières fantastiques. Tu sens qu’il y a une âme belge. C’est un film d’ici - pas un film français ou américain - avec des acteurs francophones et flamands. » La musique aussi est considérée comme un personnage. « Je voulais un son urbain et j’ai contacté la crème du rap belge. Damso fait maintenant polémique. Moi, je trouve qu’il a un talent incroyable. Si l’on s’intéresse à ce qu’il est, on voit des similitudes avec mon univers. On a aussi un Flamand sur la B.O.: Zwangere Guy. La culture n’a pas de frontières. »

> Tueurs. BE, dir: François Troukens, Jean-François Hensgens, act.: Olivier Gourmet, Bouli Lanners, Kevin Janssens, Lubna Azabal

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