Sous-sols: la poésie de la géométrie

Kurt Snoekx
© Agenda Magazine
03/10/2012
On est toujours un peu plus bluffé par ce que les Bruxellois de Frémok parviennent à tirer de mondes souterrains étouffants. Sous-sols, petit bijou signé DoubleBob, est de la poésie pure sous forme de récit en images.
BD | Sous-sols ●●●●
DoubleBob Frémok, 36 p., €9

Frémok se spécialise depuis des années dans l’édition de littérature graphique qui nage à contre-courant des tendances et des conventions. La plate-forme d’édition bruxelloise expérimentale livre des ouvrages qui offrent au lecteur tout l’espace pour vagabonder, mais sans boussole et avec un souffle menaçant dans la nuque.
Sous-sols du Français DoubleBob est lui aussi du Frémok vintage. Y chercher un récit traditionnel, linéaire, est une entreprise vouée à l’échec. Sous-sols s’enfonce dans les profondeurs au long de systèmes d’escaliers et d’échelles escheriens. Tout droit – enfin, pas tout à fait… – vers l’obscur point de convergence où début et fin se rencontrent, où « toute chose s’endort et se réveille ». Le domaine fascinant de la nuit fournit le décor d’un récit récalcitrant qui ouvre violemment toutes les frontières : entre l’ombre et la lumière, la réalité et le rêve, l’amour et l’angoisse, le corps et l’esprit, l’intérieur et l’extérieur, la surface et les abysses.
La terre ferme est rare. L’espace de protection – une sorte de tente – où s’est enroulé le personnage comme dans une deuxième peau – un utérus ? – se transforme. La géométrie parfaite du triangle semble être un système poreux où toutes sortes de créatures bestiales se créent un accès à la surface par des crevasses, des fentes et des fissures. Le triangle étincelant se métamorphose en une énigmatique pyramide, une porte d’accès à un réseau labyrinthique et souterrain. Différentes dimensions se déploient, les frontières ne sont pas solides, mais liquides.
Cette attention pour la forme ne signifie pas du tout que le jeu d’ombres que DoubleBob met en scène est abstrait et sans âme. L’univers de Sous-sols met à nu une intimité qui enlace et étouffe à la fois, où l’angoisse – sur la couverture, « SOUS-SOLS » se mue presque imperceptiblement en « SOS SOS » – ne croît peut-être pas en une menace mais justement en un adieu. Et peut-être que cette ambiguïté est l’ouverture dont le lecteur fait l’expérience quand il voit ce mince joyau s’étendre bien au-delà des frontières du papier. La manière dont DoubleBob transforme un empilement de formes anguleuses en un flux circulaire est épatante. La vie et la mort se touchent et créent une absence de frontières visuelles et narratives, un cycle qui offre d’innombrables façons d’embarquer au lecteur. Ce dernier peut presque se glisser dans la peau de ce que DoubleBob fond au crayon sur le papier : des détails extrêmement subtils et chargés émotionnellement – cette expression du visage ! ce bras surgi du monde des ombres qui enlace le personnage ! – qui dégagent une limpidité épurée et des figures fantomatiques aux contours flous. Sous-sols glisse le brûlant foyer de ses lignes convergentes sous la peau du lecteur lui-même.

Expo Doublebob: > 27/10 (vernissage: 5/10, 18.30), Ptyx, www.librairie-ptyx.be

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