1599 Mathilde Renault
© Ivan Put | Mathilde Renault.

Mathilde Renault: 'J’aimerais parfois ne pas être aussi sensible'

Gilles Bechet
© BRUZZ
23/01/2018

Six ans après son premier album Cameleon Boat, Mathilde Renault revient avec Lucky Number. Un album piano-voix enregistré à Bruxelles qu’elle a pris le temps de faire mûrir et qu’elle a édité grâce au soutien de fans disséminés aux quatre coins du monde.

Ici, c’est mon deuxième chez moi, » explique-t-elle en embrassant d’un regard le vaste espace de 250 m2. Mathilde est dans le studio A des studios Dada comme Cendrillon dans sa salle de bal. Avec son parquet, ses hauts plafonds, on y est presque. Mais c’est surtout le Steinway D, un piano à queue, une bête de concert qui fait briller ses yeux. C’est ici, à Schaerbeek, près de la place Dailly, qu’elle a enregistré son album Lucky Number et c’est ici qu’elle fait mûrir ses chansons.

« Je viens ici depuis dix ans. Il y a la résonance des cordes du piano à queue, mais c’est aussi une question de feeling. Surtout la nuit. Quand tout le monde s’en va, que les lumières s’éteignent et que je suis toute seule, il y a comme un déclic qui se déclenche. »

Généreuse, elle peut aussi partager ses émotions musicales comme quand elle a invité des amis à découvrir ses nouvelles chansons pour une session de nuit. Couchés. « Moi-même, j’aime bien écouter certaines musiques en position allongée. Alors on l’a fait pour un concert privé. Pas mal de gens qui me suivent depuis le début m’ont dit que mes chansons sonnaient encore mieux à l’horizontale. »

Mathilde Renault est apparue sur la scène musicale en 2011 avec l’album Cameleon Boat. Même si elle avait déjà publié deux autres disques, c’était le premier où elle prenait les commandes des compositions, du chant et des arrangements. Avec des chansons qui chaloupent entre pop et jazz coloré et mélancolique. La suite s’est fait un petit peu attendre, mais Mathilde ne voulait pas se mettre la pression.

« Je n’ai pas vu le temps passer. Il y a une part de moi qui a hiberné, l’autre qui continuait à esquisser des bribes de chansons qui ne me satisfaisaient pas. Pour que ça revienne, il faut lâcher prise et accepter qu’on ait des creux d’inspiration. »

Pendant cette période, elle a publié un EP, fait des concerts et enregistré des maquettes chez elle avec son piano Bechstein et chanté des bouts de mélodie sur son smartphone. « Quand je joue ici et que j’improvise, je laisse toujours tourner l’enregistreur. Il y a des chansons qui ont été bouclées en une heure, d’autres qui ont pris un an à se concrétiser. Après Cameleon Boat, j’attendais d’avoir du nouveau, quelque chose de différent. Comme j’ai vécu plein de trucs, j’ai l’impression que le suivant viendra plus rapidement. »

Petite musique de nuit

La tonalité de l’album est plus nocturne. Neuf compositions en piano-voix où la chanteuse et musicienne se laisse guider par ses émotions et ses intuitions mélodiques. Un album qui a la particularité aussi d’avoir été enregistré avec son père, le pianiste Jean-Christophe Renault qui signe certaines musiques et tous les textes.

« On n’a pas décidé de faire un album ensemble. C’est un solitaire qui aime composer dans son coin. À plusieurs reprises, on s’est croisés dans son refuge-studio à la campagne et on a commencé à échanger des trucs. Certaines chansons ont été écrites à deux. Il a écrit et moi j’ai changé un accord ou l’inverse. Au début, quand je lui suggérais un changement, il tiquait et puis le lendemain, il disait: c’est mieux comme ça. Ça s’est vraiment imbriqué petit à petit, mais avec le recul, il est très content du résultat, tout comme moi. »

Les premières réactions à l’album Lucky Number sont positives. Et elles viennent des quatre coins du monde puisqu’elle l’a financé en crowdfunding avec des fans qui vivent au Mexique, en Nouvelle-Zélande ou en République tchèque. « Même si ce disque est plus mélancolique que le précédent, les réactions sont plus intenses et plus fortes. Les gens qui l’apprécient m’écrivent qu’ils l’écoutent en boucle. Il suscite pas mal de coups de cœur. »

Pour gérer sa carrière, Mathilde enfile pour le moment pas mal de casquettes. À côté de la musique, elle est son propre manager, elle discute des contrats d’édition à l’étranger. Même si elle sait que la situation est provisoire, c’est quelque chose qui ne lui déplaît pas.

« J’aime bien être le boss » sourit-elle. « C’est plus fort que moi. Pendant la tournée de Cameleon Boat, j’allais dire aux musiciens ce que j’avais envie d’entendre. Avec mon père, c’est pareil, j’ai adoré travailler avec lui pour tout ce qu’il a apporté, mais je sens aussi ce dont j’ai besoin. »

C’est pour s’inscrire à l’INSAS, il y a treize ans, qu’elle s’est installée à Bruxelles. Après un an, elle a quitté l’école de cinéma quand elle a compris qu’elle ne pourrait pas assumer en même temps la direction photo et la musique de film. Si la ville l’a inspirée, ce serait plus par ses habitants et les rencontres qu’elle peut y faire.

À tout considérer, la ville est aussi devenue l’extension de son studio. Il lui arrive fréquemment, quand il n’y a pas trop de monde autour d’elle, de faire des vocalises en extérieur pour échauffer sa voix. « J’aime bien les halls de gare et les parkings pour tester l’acoustique, ou sinon ça m’est déjà arrivé à l’abbaye de La Cambre. »

Depuis qu’elle a été obligée de quitter son appartement, il y a quelques mois, elle mène une vie de nomade, accueillie provisoirement chez l’un ou l’autre ami. « Après treize ans, j’ai l’impression que Bruxelles est devenue trop petite pour moi et en même temps trop grande, question pollution. Si j’en ai les moyens, j’aimerais déménager à la campagne, quelque part entre Bruxelles et Paris. Mais rien n’est décidé. Si je trouve un lieu qui m’inspire, une maison avec des vieux planchers et des hauts plafonds, je pourrais bien rester. »

Mathilde est contente que son album soit sorti et qu’elle ait pu faire ce qu’elle voulait sans devoir louvoyer entre les avis et conseils de directeurs artistiques bien intentionnés. Les chansons sont fragiles, honnêtes et sensibles. « Pour moi, la sensibilité, c’est avoir des antennes pour certaines choses. Pour écrire des chansons, c’est l'idéal. Dans la vie de tous les jours, ce n’est pas toujours un avantage. Au quotidien, dans certaines situations, j’aimerais parfois ne pas être aussi sensible. »

> Mathilde Renault. 24/1, 20.00, Botanique, Bruxelles-Ville

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