La Zouze : la fête décolle aux Halles

Gilles Bechet
© Agenda Magazine
14/01/2014
Le chorégraphe français Christophe Haleb et sa compagnie La Zouze investissent les Halles de Schaerbeek avec Evelyne, leur personnage fétiche, pour un flamboyant spectacle total.

Pendant trois jours, les Halles seront le théâtre d’une fête mutante, improbable croisement entre un salon artistique du XIXe et une rave rétrofuturiste. Maître d’œuvre de l’événement : Christophe Haleb, chorégraphe basé à Marseille et grand ordonnateur de La Zouze, une troupe transdisciplinaire qui rassemble danseurs, comédiens et musiciens. Ce métissage artistique aura un ancrage résolument local puisqu’on y retrouvera des jeunes circassiens de l’ESAC et qu’une partie des costumes sera réalisée par les élèves de 3e année de stylisme à La Cambre. « Notre travail porte sur une réinterprétation des crinolines », précise Tony Delcampe, directeur de La Cambre Mode. « En collaboration avec les performeurs, avec qui on va travailler une dizaine de jours, on va voir comment transformer cet accessoire qui contraint le corps pour lui permettre de soutenir le mouvement ». En accueillant La Zouze, les Halles renouent avec plaisir avec les grands moments festifs qui ont embrasé les lieux dans les années 70. « C’étaient des moments très particuliers où l’équipe et les artistes s’emparaient de tout le site pour créer un événement total et pluridisciplinaire », confie Christophe Galent, directeur des Halles. « Cela correspond à notre envie présente d’inventer des projets pour inviter des populations qui ne fréquentent pas nécessairement les salles de spectacle. Avec sa cinquantaine d’artistes, La Zouze est une invitation à la danse et un grand show qui peut rassembler les amateurs de spectacles hors normes comme ceux qui sortent en boîte et aiment les fêtes décalées ».

Avec ce spectacle, vous abolissez les distances entre artistes et spectateurs, on ne sait plus dans quelle époque on danse ni qui donne le spectacle. À quoi nous invitez-vous ?
Christophe Haleb : J’appelle ça simplement une fête. On oublie parfois combien une fête peut être subversive. Et la représentation n’est jamais loin, car la fête, c’est aussi une façon de se mettre en spectacle. Après, c’est très subjectif. Ce serait quoi une fête idéale ? Ce serait que tout le monde vienne avec l’envie de faire la fête, que les gens s’emparent de leurs désirs, qu’on n’attende rien de particulier et que tout se passe dans le moment présent. De notre côté, on est là aussi pour amener des cadres avec une scénographie, une trame musicale et des performances qui dessinent un scénario ponctué de rendez-vous. Cette fête est aussi un objet qui fonctionne sur l’apparat, sur l’apparence. On joue avec le vêtement, l’apparition, la disparition et tout ce qui fait le jeu du salon artistique, la sculpture sociale. On sculpte une mondanité. On s’amuse à être au monde ensemble, le temps d’une fête dans un lieu à chaque fois inédit, si possible.
En général, les fêtes se terminent quand il n’y a plus personne. Chez vous, est-ce qu’il y a un début et une fin ?
Haleb : C’est une bonne question. Au bout d’une heure et demie, deux heures, ça commence toujours à se tordre. On voit ceux qui sont venus voir un spectacle partir parce qu’ils n’ont pas assez de spectacle et qu’ils se rendent bien compte qu’il y a des dérives. Il y a des moments où il se passe des choses dont on peut se saisir et d’autres où différents événements se passent en simultanéité, en d’autres lieux. Il faut donc aussi accepter de pas tout voir. Cela amène certaines personnes à partir, alors que d’autres arrivent encore. Ceux qui restent commencent alors à comprendre la logique de la fête. Ils sont là pour circuler, s’amuser à se déplacer à l’intérieur et à changer de rôle. Si on a bien fait notre travail, on peut disparaître et laisser les gens s’emparer de l’espace pour danser. L’idée, c’est qu’à un moment, on arrive au même niveau que le public. Ça prend du temps. C’est un jeu de mise à distance, de rapprochement et de séduction, le jeu de la fête quoi ! Pour les Halles, où on dispose d’un grand espace assez neutre avec de très beaux volumes, on s’est demandé si on n’allait pas s’y perdre. On a commencé à travailler sur un labyrinthe pour nous permettre de jouer avec le temps.

Vous êtes chorégraphe, comment avez-vous travaillé avec vos danseurs dans ce projet-ci ?
Haleb : Je ne suis pas quelqu’un qui écrit le mouvement de façon stricte. Je donne plutôt des tâches à suivre. J’aime bien structurer les improvisations comme un outil de composition et je m’appuie sur la créativité collective. C’est un réseau créatif que j’essaie de dynamiser pour que les gens soient indépendants, comprennent les règles du jeu, les débordent eux-mêmes et les amènent ailleurs. Avec la troupe, il faut savoir rester maître du tempo. Il faut pouvoir sentir l’ambiance et soit accélérer, soit attendre un peu plus parce que les gens n’ont pas besoin qu’on leur donne quelque chose tout de suite parce qu’ils sont déjà en train de faire leur vie tout seuls. On a quand même pas mal de changements de costumes, plusieurs « tableaux vivants », des choses qui peuvent être très mouvementées, ou statiques mais même statique, le corps est en mouvement. La fête est un objet plastique aussi. J’aime bien la plasticité de l’espace, la plasticité du corps et je trouve que le corps commun du public qui danse, c’est beau à voir. C’est une expérience physique du son aussi. Il y a un moment où l’on sent comme une force tellurique. À nous de la faire décoller.

(© Robin Petillault)

Au cœur de ces fêtes-spectacles que vous avez déjà fait décoller aux quatre coins du monde, il y a Evelyne et sa house of shame. Qui est-elle ?
Haleb : Chacun d’entre nous peut incarner un petit bout d’Evelyne. Elle est comme une peau, une enveloppe. C’est aussi un leurre, un fantasme. Dans chaque lieu, on se demande qui serait notre Evelyne dans sa « maison de la honte » ? De quoi a-t-on peur aujourd’hui ? J’arrive de Cuba. Depuis l’Amérique latine, l’Europe paraît assez sombre. Ce sont d’autres réalités. En investissant les Halles, j’ai eu envie de revenir à la mythologie et à l’enlèvement d’Europe. Ce n’est pas rien de se coltiner cette Europe alors qu’on ne sait pas où elle va. La confrontation des mondes me plaît bien. Revenue d’Amérique latine, Evelyne est aujourd’hui un peu « tropicalisée ». Elle a des ascendances socialistes soviétiques et en même temps, elle est anarchiste royaliste. Qu’est-ce qu’on fait de tout ça ? On le danse !

LA ZOUZE: HNONYM FEVER • 17 & 18/1, 20.30, 19/1, 16.00, €10/23/25 (€10 pour ceux qui viendront déguisés), Hallen van Schaarbeek/Halles de Schaerbeek, Koninklijke Sint-Mariastraat 22A rue Royale Sainte-Marie, Schaarbeek/Schaerbeek, 02-218.21.07, www.halles.be

Fijn dat je wil reageren. Wie reageert, gaat akkoord met onze huisregels. Hoe reageren via Disqus? Een woordje uitleg.

Read more about: Muziek

Iets gezien in de stad? Meld het aan onze redactie

Site by wieni