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En route avec l'écrivaine Nadine Monfils: 'J'adore les défauts chez les gens'

Gilles Bechet
© BRUZZ
13/06/2017

Marraine du festival Boulevard du Polar, l’écrivaine Nadine Monfils nous emmène autour de la Bourse sur les traces des personnages qu’elle affectionne dans la vie et les romans.

Nadine Monfils nous avait donné rendez-vous au fond d’une impasse bruxelloise. Elle y était invitée avec quelques potes, des gratte-papiers qui, comme elle, sèment les macchabées au fil des pages. Il fallait annoncer un festival du Polar, dont elle est la marraine. Une quarantaine de romans à son actif, des polars pour la plupart, Nadine Monfils a le profil idéal pour le job.

D’autant plus que ses bouquins qui collectionnent les personnages sérieusement « skettés » et les rebondissements à la chaîne suintent la belgitude par tous les bas de page, même quand ils se passent en dehors des frontières noir-jaune-rouge. Le plus étonnant, c’est que la raconteuse, elle crèche à Montmartre depuis plusieurs années. Sans doute pour mieux chérir et fantasmer Bruxelles, la ville de son cœur où elle revient souvent.

« Quand on habite dans deux endroits séparés, on apprécie toujours mieux l’absent. Ma grand-mère était bruxelloise. J’ai connu Bruxelles toute petite, c’était le Bruxelles de Brel. Quand je reviens, je ne manque pas d’aller boire une bière chez Lynn et Willy, place du Jeu de Balle, là bat encore le cœur de Bruxelles. »

On est chez Toone et il y a ses complices du jour, Lou Deprijck, José Géal et Freddy Bozzo du BIFFF et même Yvan Mayeur. Si elle est tout sourire, c’est parce qu’elle fête la sortie de son dernier bouquin Ice-cream et châtiments qui met en scène Elvis Cadillac, le sosie belge du King, qui doit se coltiner quelques cadavres et une belle bande de tapés du bocal.

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Autant se dire qu’on ne s’ennuie pas une seconde dans cet univers où le burlesque et le trash sont voisins de comptoir. « Tant qu’on ne s’emmerde pas, on ne pense pas à la mort. » glisse-t-elle avec son sourire malicieux. « Les gens sans surprise, ils m’emmerdent. Quand je tombe dessus dans la vie, je me casse. Et dans mes romans, je les tue. »

C’est ce que doit penser aussi un client de l’estaminet qui après vérification que la dernière goutte de pils est bien passée dans son gosier, murmure, juste pour lui-même : « Oué, on rigole, sinon ça va barder ! »

L’Art du «Schief»
Bon, il est temps de partir pour notre promenade. Sortis de l’impasse de la Poechenelle, on descend la rue du Marché aux Herbes. En ce début de soirée, on y croise des touristes et des citadins pressés de rentrer chez eux. Nadine Monfils apprécie Bruxelles chaque fois qu’elle y revient, ses pavés, ses habitants, mais ce qu’elle préfère, ce sont les Marolles.

« J’ai toujours cru aux signes qui se répètent dans la vie. Mon fils a fait ses études à l’Athénée Robert Catteau et c’est Place du Jeu de Balle qu’un libraire m’a sauvé la vie quand j’étais au fond du trou. Il m’a payé un café et m’a permis de sortir la tête de l’eau. » Et c’est tout naturellement qu’elle a domicilié Elvis Cadillac à la rue du Chevreuil, celle des Bains de Bruxelles.

« C’est une rue que j’aime bien parce qu’elle est ‘schieve’. Et puis, il y a un brocanteur qui avait un jour mis en vitrine des trucs bizarres dans des bocaux, comme au musée Spitzner. Tout ce que j’adore. Je n’aime pas ce qui est rectiligne. J’adore les défauts chez les gens. Ça les rend humains. Les maisons, c’est pareil. »

Plus que les rues et les maisons, ce qui touche Nadine Monfils, ce sont les gens, parfois à côté de la plaque mais toujours vrais, à l’image des personnages qui habitent ses romans. Et les gens, il y en a partout. Comme cet homme avec un short et un chapeau qui promène son chien. Nadine, qui aime sa dégaine, va lui causer. Il a appelé son toutou Sarko, parce qu’il est petit et nerveux. « C’est le genre d’humour et de surprises que j’aime chez les gens. »

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Comme dans ses bouquins qu’elle truffe de notes de bas de page pour expliquer aux Non-Belges ce que sont les spéculoos, les cuberdons, les gosettes et les homes, elle peut à l’occasion jouer les guides quand une bizarrerie la fait sourire. En passant, à côté de l’église Saint-Nicolas, elle nous fait remarquer que, comme elle est construite sur un angle, son chœur n’est pas dans l’axe de la nef et qu’elle abrite une châsse avec une poignée d’ossements des martyrs de Gorcum.

À la Bourse, elle souligne l’intérêt qu’elle porte au Piétonnier. « C’est difficile au début, les gens doivent se l’approprier. Une fois que le cap sera passé, ils ne pourront plus s’en passer. » Devant une ambulance hésitante qui débouche de la rue Orts, elle lève les bras. « Écrasée par une ambulance, ce serait une belle fin et une belle photo, non ? »

Devant notre peu d’enthousiasme, elle continue avec nous vers la rue Dansaert. De la porte ouverte de l’Archiduc diffuse déjà la lumière particulière aux lieux de nuit, chaude avec un discret effluve de vice. Elle y a passé quelques soirées et nuits pas piquées des vers avec son ami Arno. « Un soir, je lui avais écrit une chanson qu’il a glissée dans la fente d’un fauteuil et puis l’a oubliée. C’est là que tu penses à la fille devenue clocharde qui entend son hit passer à la radio » lance-t-elle dans un éclat de rire.

Place du Jardin aux Fleurs, on lui montre l’Atelier Coppens où elle sera gardée à vue pour trois jours, le temps du festival. Les polars, elle s’y sent comme chez elle. Mais à sa sauce, c’est une préparation pleine de surprises qui ne ressemble à aucune autre. Ce n’est pas un hasard si dans son dernier livre, elle multiplie les allusions à l’art brut. « C’est un art où tout est permis et surtout la sincérité qui, pour moi, est la chose la plus importante avec la liberté. »

On descend la rue Dansaert, les magasins branchés de stylisme ont fait place à ces snacks improbables et déserts où la lumière des néons entre en concurrence avec le vert du terrain de foot qu’on aperçoit sur un écran de télévision suspendu. On arrive au canal qui jouait un rôle important dans Les Bonbons de Bruxelles, une enquête du commissaire Léon, un autre bruxellois émigré à Montmartre.

Revenu au pays, l’enquêteur tricoteur suivait la piste de vieilles lettres entassées dans une valise chinée au vieux marché. Et il courrait après les fantômes. Comme Nadine Monfils, mais les siens sont bien vivants.

> Boulevard du Polar. 16/06 > 18/06, Atelier Coppens, Bruxelles

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