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| Zlatina Rousseva, directrice artistique du festival Millenium, dans la salle bleue du cinéma Aventure

Millenium Festival: dix ans de rencontres émerveillées avec le réel

Sophie Soukias
© BRUZZ
20/03/2018

Cette année, le festival international Millenium souffle ses dix bougies. Retour avec Zlatina Rousseva, directrice artistique, sur une histoire d’amour passionnelle avec un cinéma documentaire libre et audacieux. « Bientôt, fiction et documentaire ne feront qu’un ».

À l’honneur sur Netflix, primé dans les plus grands festivals et programmé au ciné (Ni Juge Ni soumise de l’équipe Strip Tease fait un carton en ce moment), le cinéma documentaire s’épanouit et nous éblouit chaque jour un peu plus.
N’ayant de cesse de se renouveler, d’explorer les limites du format pour mieux les briser, le documentaire d’auteur affirme à ce jour une ambition folle à nous conter le réel. Audacieux, libre et poétique, le genre intègre les exigences narratives et formelles du cinéma de fiction avec, en prime, l’intensité de la réalité.
Voilà dix ans que le festival international Millenium célèbre autant qu’il défend le documentaire indépendant avec une sélection de films obstinés où, bien souvent, des personnages - aussi ordinaires soient-ils - se révèlent à l’écran comme autant de petites fenêtres sur la complexité du monde.
Zlatina Rousseva, directrice artistique du festival, revient avec nous sur une décennie de rencontres émerveillées avec le réel.

Dans quelles circonstances est né le festival, il y a maintenant dix ans?
Zlatina Rousseva: On a commencé le festival avec très peu de moyens. On s’est bien endettés au début. C’était à un moment où le cinéma documentaire créatif avait pratiquement disparu des cases de télévision. Il était en train de se transformer en émission sur commande. La télévision intervenait sur le contenu, la qualité et la structure du documentaire, imposait une voix off et un doublage. Avec le festival, on voulait défendre un cinéma documentaire d'auteur qui n’avait plus beaucoup de visibilité.


Vous avez vous-même fait des études de cinéma avant de consacrer votre carrière au documentaire. Que vous procure-t-il de plus que la fiction?
Rousseva: Ce qui est passionnant dans le documentaire c’est qu’il y a toujours une découverte humaine. Il m’arrive de tomber sur une situation dans un film de fiction très proche de celle vue dans un documentaire. C’est là que je me dis qu’aucun comédien n’est capable de jouer un rôle avec la même force qu’un personnage du réel.
Aujourd’hui, les sujets d’un documentaire jouent pratiquement leur vie devant la caméra. Les nouvelles technologies offrent la possibilité au réalisateur d’être très proche de ses personnages, de passer du temps avec eux et de créer une relation profonde. On suit des sujets sur deux, cinq, voire dix ans. Cela permet de rendre compte de la complexité d’une situation.

Aucun comédien n’est capable de jouer un rôle avec la même force qu’un personnage du réel.

Les frontières entre documentaire et fiction s’estompent de plus en plus. Cette tendance est-elle appelée à s’accentuer encore davantage?
Rousseva:
Par sa structure et sa narration, le documentaire se rapproche de plus en plus du cinéma de fiction car il peut se permettre de développer de véritables scènes comme au cinéma tout en étant le témoin de belles scènes relationnelles. De son côté, le cinéma de fiction utilise de plus en plus les procédés du documentaire pour renforcer le sentiment d’authenticité. Bientôt, on ne parlera plus que de cinéma tout court. C'est de plus en plus le cas des festivals, d'ailleurs. Comme à Locarno où documentaires et fictions ne forment qu'une seule section.

Au début de l’année, Thierry Garel (ancien directeur des documentaires d’Arte) déclarait à Télérama que « le documentaire est l’art du XXIe siècle ». Vous approuvez?
Rousseva: Je suis absolument d’accord. Aujourd’hui – et c’est l’un des grands thèmes du festival cette année – nous sommes submergés d’informations, ce qui engendre la désinformation et des problèmes psychologiques. Pour être capables de prendre des décisions, nous avons besoin de références et de valeurs, or elles ont disparu.
On est dans une dynamique du «copier/coller » où les faits sont difficilement vérifiables. On nous confirme une information un jour et le lendemain, son contraire. C’est extrêmement perturbant. Le journaliste ne peut plus jouer le rôle qu’il endossait auparavant en se rendant sur le terrain, en effectuant un travail de fond. C’est là que le documentaire intervient: pour prendre le temps de nous fournir une information durable.

Des études françaises ont récemment démontré la méfiance des citoyens envers leurs médias et la popularité des théories du complot. Une conséquence parmi d’autres du traitement actuel de l’information?
Rousseva: Toute information est en quelque sorte complotiste. On sait aujourd’hui comment l’information fut manipulée pour déclencher la guerre en Irak et en Serbie. Quand elles ont des intérêts, les superpuissances ne se gênent pas. Au milieu de cette information manipulée, nous sommes très solitaires.
Or nous sommes des êtres collectifs et ce troupeau humain a besoin de partager de l’énergie, d’échanger et de reprendre confiance. On parle de nos droits mais pas de nos besoins profonds: l’amour, la communication, l’échange avec un autre être humain.

En décembre dernier, le festival du documentaire d'auteur Filmer à Tout Prix se voyait retirer son soutien par la ministre de la culture Alda Greoli (CDH). Un mauvais signe pour la visibilité du cinéma documentaire en Belgique?
Rousseva: J’espère vraiment que le projet va reprendre sous une autre forme. Filmer à Tout Prix était un festival belge tourné davantage vers les professionnels. C'est pourquoi sa nécessité a été remise en cause. Mais je ne suis pas d’accord.
Chaque festival a son identité et plus il y en a, mieux c’est. On ne peut pas produire des documentaires sans leur assurer une visibilité. Il importe aujourd'hui de trouver une stratégie commune. Entre les télévisions qui programment des documentaires mais aux petites heures seulement, les salles de cinéma qui n’ont pas les moyens de financer la communication, les festivals qui fonctionnent en vases clos... Le public est prêt mais il faut aller le chercher.

> Millenium Festival. 20 > 30/3, divers lieux

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