La condition extraterrestre

Kurt Snoekx
© Agenda Magazine
07/04/2012
C’est une quête périlleuse qu’entreprend l’auteur de B.D. finlandais Marko Turunen dans OVNIS à Lahti, mais à travers une invasion extraterrestre, il réussit avec verve à élargir notre perception de nous-mêmes. Une poésie de la vie et de la mort s’infiltre par les failles ainsi créées.
B.D. | OVNIS à Lahti ••••
Marko Turunen
FRMK, 252 p., €26,40, www.fremok.org

Si Marko Turunen devait être considéré comme le responsable de ce que nous savons sur la Finlande - pas grand-chose jusqu’à présent - alors les Finlandais ne doivent pas s’inquiéter. Ce qu’il se passe sous le soleil nordique n’est pas très différent de ce qu’il se passe chez nous. OVNIS à Lahti commence néanmoins de manière saisissante : « Partout en Finlande, des phénomènes inexpliqués sont observés ». La nature exacte de ces forces inconnues sera dévoilée dans les quelque 250 pages qui suivent. Et ce n’est pas de la petite bière. Intrus, un mouflet avec un trou dans la tête, se retrouve à Lahti, petite ville industrielle finlandaise. En compagnie de R-Raparegar, une sorte de superwoman en uniforme qui, avec une force brutale, lui fait comprendre qu’il l’aime, il tente de se construire une vie dans l’environnement terrestre. Ce ne sont pas ces deux « Néo-finlandais » qui sont source de consternation chez les habitants originels, c’est plutôt le contraire. Fourmillant de clins d’œil, OVNIS à Lahti est un récit sur l’étrangeté de notre propre existence.
Les aventures du Docteur Malétrange, entièrement couvert de bandages, avec un envoi UPS récalcitrant, un livreur qui se la coule douce et la lettre de réclamation qui s’ensuit, sont hilarantes. Le terrible héros sauvage du Far West, à mi-chemin entre Dirty Harry et Vincent van Gogh, est un collectionneur maniaque, en particulier de figurines Pokémon cachées dans des œufs en chocolat : « C’est pénible ! Toujours les mêmes figurines ». Un voyage en train à travers la Russie - avec un conducteur peu compréhensif - débouche pour Intrus sur des vomissements incessants. Dans un chapitre visuellement statique, Intrus ne trouve sur internet rien d’autre que des messages sur des extensions de pénis et les autoportraits flatteurs correspondants. Et en France, il doit se débattre avec la bizarrerie paralysante d’une langue étrangère et avec les difficultés d’expliquer avec les moyens du bord ce dont on a besoin - en l’occurrence, des bouteilles d’eau (« Lo. Leu. Lôôô. Lou. Leuu. Oo. That. Water. ») qui en fin de compte semblaient contenir de la limonade.
Marko Turunen truffe sa bande dessinée - quatre parties qui paraissent aujourd’hui en un seul volume – d’observations perspicaces et de reconstructions minutieuses, poussées jusqu’à l’absurde, de dialogues, de flots de pensées et d’actions qui, pour le dire gentiment, n’ont ni queue ni tête. Voir ces créatures extraterrestres se dépêtrer avec la nature humaine produit des situations tragicomiques. La distance que nous pouvons ainsi maintenir avec nos propres caractéristiques et notre environnement entraîne notre empathie pour ces aliens. Nous rions d’eux et nous savons que nous ne ferions pas mieux. Lorsque le couple improbable exprime son désir d’enfant, c’est notre inévitable et irrésistible désir de maison quatre façades avec jardin qui pointe son nez. Et lorsqu’au final, une maladie incurable sépare le couple, notre cœur se brise. La poésie que Turunen tire de l’impact sur l’homme du temps qui passe est infiniment captivante, drôle et émouvante. La combinaison avec ses dessins en noir et blanc, poisseux et sombres, une mise en page généreuse et une fantaisie riche au niveau formel et au niveau de la narration fait d’OVNIS à Lahti une expérience extra-ordinaire !
> 15/4, FRMK: Play With Us, Galerie Champaka, www.galeriechampaka.com

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