Tram 81 : vous êtes là

Maureen Vanden Berghe
© Agenda Magazine
21/02/2014

(© Maureen Vanden Berghe)

Alors que la ligne 81 va fêter son centenaire, l’un (en l'occurrence une) de ses 30.000 passagers journaliers attire notre attention. Coline Sauvand est étudiante en gravure et image imprimée à La Cambre et croque depuis bientôt cinq ans les usagers de ce tram. Plus de 2.000 portraits ont déjà pris vie entre Montgomery et Marius Renard et hors de question de les laisser prendre la poussière sur un coin de bureau. Cette observation attentive du quotidien par la pratique du dessin et de l’écriture se traduit aujourd’hui par une expo et un site web. On en parle avec la jeune artiste, dans son Tara’s loft.

Pourquoi avoir choisi le Tram 81 ?
Coline Sauvand : C’est le premier tram que j’ai pris quand je suis arrivée à Bruxelles et que je suis sortie de la gare du Midi. Au début c’était pour une question pratique, je prenais ce tram tous les jours pour aller à Flagey. Et puis en commençant à travailler sur ce tram je me suis rendu compte qu’il avait plein de caractéristiques liées à pourquoi j’aime Bruxelles, pourquoi j’aime habiter ici. C’est comme si tu partais en voyage dans des pays différents avec des gens d’origines diverses et ça donne des visages super caractéristiques qui racontent plein d’histoires. On passe par Anderlecht, Bruxelles, Forest, St-Gilles, Ixelles et Woluwe-Saint-Pierre. Se focaliser sur le tram 81 en particulier ça permet aussi d’avoir un rapport quotidien à un endroit et du coup, il peut se créer peut-être une relation avec les gens.

Il y a des gens que tu retrouves souvent dans ce tram ?
Coline : Oui, il y a une petite poignée de personnes. Je ne les connais pas, mais on se reconnait par le regard. Je pense d’ailleurs faire un projet avec ces gens, mais ce n’est pas encore bien défini.

(À l'étage, on peut observer tout le travail de recherche de Coline autour du Tram 81 © Maureen Vanden Berghe)

Comment ce projet s’est-il transformé en partenariat avec la STIB ?
Coline : Je voulais en fait partager mes dessins de façon assez immédiate, alors j’ai mis des QR codes dans Bruxelles de manière un peu sauvage. Ça me permettait de partager la vision que j’ai d’un endroit avec les gens qui s’y trouvent. Ensuite on m’a dit que ça pourrait certainement intéresser la STIB de faire ça de façon officielle. Je leur ai présenté le projet et ils ont tout de suite été emballés parce que ça collait bien à leur politique de proximité. Ça a pris deux ans pour tout mettre en place, mais ça m’a aussi permis de faire le site internet avec un web développeur et de produire plus de choses autour de ce tram.

Quelle est la réaction des gens quand ils se rendent compte que tu les dessines ?
Coline : Au début je dessinais de manière discrète, j’étais en retrait. Puis je me suis rendu compte que c’était aussi intéressant d’aller vers les gens. De leur demander directement s’ils veulent bien que je les dessine. Certains restent très silencieux, on a juste un échange de regards. D’autres vont discuter avec moi, s’intéresser à ce que je fais, me raconter leur vie… c’est toujours une rencontre. Une fois, une dame que je dessinais s’est levée et a changé de place. Je me suis sentie un peu à côté de la plaque parce que je me suis dit que je ne faisais pas ça pour gêner les gens. Par après j’ai fait une petite sérigraphie d’elle où j’ai écrit « je ne vous dévisage pas madame, je vous envisage » et je voulais le lui dire, mais je ne l’ai pas fait. Et je l’ai recroisée dimanche dernier. C’était elle, c’était sûr, je me rappelle toujours les visages que je dessine. Et donc j’ai pu lui expliquer ce qui s’était passé un an avant et ça s’est très bien passé, on a pu discuter.

(La sérigraphie de madame suivie, au milieu, du premier dessin lié au projet et, à droite, d’un croquis plus récent © Coline Sauvand)

Ça a un peu un côté « étude sociologique » aussi ce travail.
Coline : C’est d’abord une étude de terrain esthétique, l’intuition d’un visage, de quelque chose qui se passe... Mais j’aimerais bien justement confronter cette vision intuitive à d’autres qui sont plus appliquées aux sciences humaines : sociologie, anthropologie, urbanisme aussi. J’en parle pas mal avec quelques théoriciens qui sont dans cette réflexion commune pour mettre en place un événement qui aura lieu en septembre – lors de la journée sans voitures – et qui fera intervenir plein d’artistes différents aussi. Pour créer des liens.

Tu continues encore à alimenter ce projet aujourd’hui ?
Coline : Oui, je le fais encore de façon régulière et je vais continuer. En fait, le but est de créer un rapport avec le site internet dans le fait que ce soit quotidien en effectuant des mises à jour. J’ai aussi passé ces derniers dimanches dans le tram avec d’autres artistes (dessinateurs, photographes, slameurs…) qui ont été invités à prendre le 81 pour pouvoir après partager leur propre vision. On le refait encore une fois ce dimanche et à 18 heures, il y aura le vernissage. Après je voudrais le plus vite possible regrouper l’intégralité de ces productions dans une édition.

(Une partie des collaborations de dimanche à la ligne © Maureen Vanden Berghe)

On l’a compris les mots d’ordre sont dessiner, diffuser et connecter. Foncez donc sur le site tram81.be pour découvrir ce projet et n’hésitez pas à y refaire un tour de temps en temps pour voir les nouveaux ajouts. Si vous préférez le papier à la toile, Coline sera ravie de vous accueillir ce dimanche. Le Tara’s Loft est accessible avec le tram 81, bien entendu (arrêt : levure).

DIMANCHE À LA LIGNE • 23/2, 18.00, gratuit, Tara’s Loft, Brouwerijstraat 112 rue de la Brasserie, Elsene/Ixelles, colinesauvand@yahoo.fr, www.tram81.be

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