Cabaret : Broadway à Bruxelles

Catherine Makereel
© Agenda Magazine
05/09/2014
Quinze chanteurs, acteurs et danseurs seront sur la scène de Cabaret, la comédie musicale mythique de Broadway. Avec cette méga production, Michel Kacenelenbogen entend fêter dignement les 20 ans de son théâtre Le Public. Son spectacle et sa saison démarrent sous le signe de la résistance.

Willkommen, bienvenue, welcome ! » : la chanson est dans la tête de quiconque a vu le film de Bob Fosse popularisé par Liza Minnelli. Mais Cabaret, c’est surtout une comédie musicale qui continue de faire les beaux jours de Broadway. L’arrivée à Bruxelles de ce musical sera incontestablement l’événement de la rentrée. Dans une mise en scène de Michel Kacenelenbogen et avec les chorégraphies de Thierry Smits, la pièce fait revivre l’ambiance du célèbre Kit Kat Club de Berlin dans les années 30. Au Kit Kat Club, tout est permis même si, au-dehors, grondent les premières rumeurs du nazisme. Michel Kacenelenbogen nous explique la pertinence de cette pièce aujourd’hui.

Vous portiez ce projet en vous depuis longtemps ?
Michel Kacenelenbogen : Cabaret me hante depuis toujours. C’est en voyant le film, la première fois, que je me suis dit que j’ouvrirais un jour un théâtre. Cette œuvre raconte à quel point, dans un monde où l’expression libre est prise en otage, l’espace de la scène reste l’endroit par lequel on a le droit, et le devoir, de remettre en cause quelque système que ce soit. Les cabarets berlinois étaient les derniers repaires où l’on pouvait transgresser les règles, chanter tout haut ce qui affolait, choquait, et déranger l’ordre. Le dernier cabaret sera détruit en 1935 pour cause d’immoralité.

En quoi la pièce vous paraît-elle actuelle ?
Kacenelenbogen : Je sens depuis plusieurs années que la liberté d’expression est de plus en plus censurée. Ce qui pourrait s’exprimer librement est muselé par le pouvoir économique. L’État devrait garantir une liberté détachée du pouvoir économique et politique. Mais depuis dix ans, dans toute l’Europe, on voit diminuer les montants destinés à la culture. Or, quel moyen plus puissant de censurer les artistes que de diminuer les moyens culturels ? Quand un théâtre ferme parce qu’il n’a plus de quoi fonctionner, ce sont tous les artistes que l’on censure. Si certaines décisions ne sont pas prises très vite, le secteur du théâtre pourra difficilement survivre.

Pourquoi avoir choisi Thierry Smits pour la chorégraphie ?
Kacenelenbogen : En mettant en scène Cabaret, j’ai voulu partir de ce que l’on imagine d’une comédie musicale pour aller vers quelque chose de contemporain. Je veux mettre en scène l’histoire d’une troupe de théâtre qui devient l’histoire qu’elle raconte, la fiction devient réalité. On parle d’aujourd’hui et je voulais amener, avec Thierry Smits, quelque chose de contemporain.

Les comédies musicales font fureur à New York ou Londres, et même à Paris depuis quelques temps, mais Bruxelles semble résister. Serait-elle incompatible avec la comédie musicale ?
Kacenelenbogen : Il ne s’agit pas d’incompatibilité mais plutôt de moyens financiers. Monter une comédie musicale coûte très cher. La production de Cabaret s’élève à un million d’euros, ce qui n’est rien comparé à ce que ça coûterait à New York ou Londres. La réputation internationale des comédies à Londres ou New York attire un public mondial. Si ça plaît, la réussite économique est garantie. Ici, nous ne bénéficions pas de cette masse de public. Le risque économique est grand. Il faudra réussir à faire venir aussi des gens qui, a priori, ne sont pas des spectateurs de comédies musicales. Si je n’avais pas le soutien de toutes les institutions qui participent à la production, je n’aurais pas pu le faire.

Comment avez-vous recruté la quinzaine de comédiens, danseurs et chanteurs ?
Kacenelenbogen : On a organisé des auditions. On ne pouvait pas prendre des artistes qui savent un peu chanter ou un peu danser, il fallait de vrais pros. On a d’abord rencontré 300 personnes, puis 90 personnes se sont dégagées, puis 30, et finalement, on a retenu un groupe de 18 personnes sur le plateau. Mais au total, c’est 55 personnes qui travaillent sur le projet : maquilleuses, coiffeuses, ingé son, etc. On a ouvert les auditions à tout le monde. Des artistes francophones, flamands, anglais, etc. se sont présentés. Quand la sélection s’est affinée, on s’est rendu compte que c’était intéressant d’avoir un mélange d’artistes francophones et flamands. Et puis je voulais que les chansons du Kit Kat Club soient toutes en anglais. Tout le récitatif par contre est en français. Finalement, on a décidé de faire une traduction simultanée dans les trois langues : français, néerlandais et anglais.

Cabaret est aussi une manière de fêter les 20 ans de votre théâtre, Le Public ?
Kacenelenbogen : Cabaret est intimement lié à ma réflexion sur la place de la liberté et la remise en question du système en place. Nous avons un besoin urgent de transgression. Depuis que nous avons ouvert Le Public avec Patricia Ide, à une époque où ouvrir un théâtre sur fonds propres allait à l’encontre de l’ordre établi, je me dis que la transgression a toujours été mon carburant. Mon Cabaret se veut un spectacle d’incitation à la transgression et à la vigilance.

Photo © Bruno Mulenaerts

CABARET • 11/9 > 1/10, 20.15 (wo/me/Wo: 19.30 & zo/di/Su: 15.00), €18 > 70, Théâtre National, boulevard E. Jacqmainlaan 111, Brussel/Bruxelles, 0800-944.44, www.theatrelepublic.be

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