Dez Mona : la force de la suggestion

Tom Peeters
© Agenda Magazine
13/12/2012
(© Mous Lamrabat)

Gregory Frateur, qui s’est fait connaître avec sa voix remarquablement haut perchée dans les chœurs de Daan, a aujourd’hui derrière lui cinq albums avec le groupe Dez Mona. Sur A Gentleman’s Agreement, il chante l’amitié et la solidarité, ou le fait d’en manquer.

Dans The Back Door, un des morceaux de ce nouvel album, Frateur parle d’une société qui n’est pas encore prête et qui, à cause de ça, met de côté une personne différente. Oui, bien sûr, il parle de sa propre sexualité. « Mais pas seulement », insiste le chanteur-compositeur. « Ça parle aussi du fait que, si on est un peu excentrique, on est catégorisé comme bizarre. Donc il s’agit aussi de Dez Mona. ‘Oh, vous faites de la musique qui n’est pas grand public. Alors entrez par la porte de derrière’ : nous sommes de plus en plus souvent confrontés à ce genre d’attitude ». Dez Mona est un groupe qui a toujours refusé les compromis. Même si, avec l’aide du producteur Jo Francken, le combo anversois sonne aujourd’hui de manière plus condensée, Frateur reste l’incarnation de l’artiste pur et dur. Pour lui, sa musique est la chose la plus importante du monde. Qu’il réalise un album dépouillé en duo, une œuvre d’art totale ou, comme aujourd’hui, un album pop remarquablement sobre - en tout cas en comparaison -, s’éloigner de la vision artistique est un sacrilège. Le contrebassiste Nicolas Rombouts, son complice au sein de Dez Mona, et les autres membres du groupe se montrent un peu plus pragmatiques dans leur vie.

Lorsque vous avez décidé d’ouvrir votre palette sonore à des influences plus pop et rock, est-ce que vous avez alors convenu d’adopter une vraie pochette rock : cinq mecs dans un paysage lunaire ?
Gregory Frateur :
(Rires) Non, ça non. Mais c’est volontairement le premier album avec une photo de groupe sur la pochette, parce que c’est vraiment l’album d’un groupe.
Nicolas Rombouts :
Les autres aussi ont participé à l’écriture. Ce sont tous de fortes personnalités qui connaissent leurs forces et leur place dans le groupe. Ils se rendent compte que la chanson doit toujours être centrale.
Frateur :
La photo a été prise dans un terrain industriel le long du canal Albert, à Wommelgem (près d’Anvers, NDLR). Il y a là de grands tas d’asphalte et de sable. Ce sont des images irréelles qui dégagent une atmosphère assez surnaturelle, très loin de la réalité. C’était un choix esthétique du photographe, Mous Lamrabat. Une de ses photos sera toujours accrochée derrière nous, sous forme de bâche, pendant les concerts.

Est-ce que cette atmosphère surnaturelle correspond à la musique ?
Frateur :
Pas directement, parce que ce que je chante parle bien sûr de la réalité. Mais le sable et l’asphalte disent évidemment quelque chose de notre environnement actuel. Et le fait que nous soyons là en costume dit aussi quelque chose à propos de nous.
Rombouts :
Ça reste abstrait, mais c’est aussi suggestif. Ça ressemble un peu à un territoire en guerre. Ça suggère un vide, qui peut être le début de quelque chose de nouveau, et quelque chose d’infini.
Frateur :
Lorsque j’ai fait écouter la démo de l’album à Nick Andrews, qui a réalisé les tableaux de Sága (opéra créé en 2011, NDLR), il a dit que ça sonnait comme «a gentlemen’s agreement ». J’ai tout de suite su que ce serait le titre. La plage-titre a été écrite seulement après et parle de la valeur de l’amitié et de la confiance.

Au niveau de la thématique, c’est proche de We Own The Seasons, pour lequel vous aviez appelé en renfort Tom Van Laere, alias Admiral Freebee, et Stef Kamil Carlens.
Frateur :
C’est vrai. Ça a été écrit derrière le piano de la chanteuse et musicienne Ellen Schoenaerts, après une sortie ensemble. Le morceau exprime le sentiment de fraternité que nous éprouvions alors en parcourant ensemble les rues d’Anvers. Comme on ne parvenait pas à boucler le morceau, Jo Francken m’a proposé de le soumettre à Tom, qui trouvait que nous devions demander à Stef de chanter dessus. Stef a d’ailleurs enregistré en une seule prise sa fantastique contribution.

Ce qui frappe dans le livret, c’est que toutes les photos et tous les titres sont biffés.
Frateur :
Je trouve que l’effet perturbant de cette ligne fonctionne bien. Ça casse la belle esthétique. Dans notre musique aussi, nous nous mettons en question, nous et le monde, continuellement. « Are we winners or losers?» , dit-on dans le morceau d’ouverture, Soon. J’aborde des questions, mais je ne m’impose pas. J’ai découvert que la suggestion est la force qui sous-tend presque chaque bon texte. Si j’écoute Persued Sinners (de 2005, NDLR) ou même Moments Of Dejection Or Despondency (2007), les textes sont beaucoup plus durs. J’ai donc aussi dû apprendre à être plus dans la suggestion. Pour raconter l’histoire de cet album, ma voix ne devait pas effrayer. J’avais besoin d’une voix chaude, ronde, pour souligner la mélodie et parler de l’amour de manière intime et intègre.

Parce que vous parlez à présent d’amour et que cette interview paraît dans notre numéro spécial Noël, je voulais aussi vous demander quelles sont vos chansons de Noël préférées.
Rombouts :
Ça peut aussi être un album ? Alors je choisis Nighthawks at the Diner, le premier et le meilleur album live de Tom Waits. Pour son côté intime. On sent presque le feu ouvert qui crépite, comme si on était avec ses proches, en train de raconter des histoires. Et comme numéro 2, la musique du film The Muppet Christmas Carol, que j’ai vu il n’y a pas longtemps avec mon fils.
Frateur :
Pour moi ce sera Eartha Kitt, la première Catwoman de Batman et une femme incroyable. Sa version de Santa Baby est tout simplement diabolique, comme si c’était chanté par une sorcière. Nous en avons même fait une reprise.

D’un côté, la famille, un feu ouvert qui crépite, et de l’autre le diable et les sorcières. Est-ce que je peux en conclure que vous n’êtes pas toujours sur la même longueur d’onde ?
Frateur : L’atmosphère de Noël me touche peu, effectivement. Je vais rendre visite à mes amis et à ma famille, mais je préfère me consacrer à mon travail. Beaucoup de choses nous éloignent de l’essentiel : être sur une putain de scène et faire entendre notre voix. Ces deux dernières années, je ne m’y suis pas tenu, mais je suis bien décidé aujourd’hui : tout je ce que ferai, ce sera purement en fonction de Dez Mona !

Que Santa Baby te vienne en aide !

Dez Mona
• 18/12, 20.00, €16/19, Ancienne Belgique, boulevard Anspachlaan 110, 
Brussel/Bruxelles, 02-548.24.24, info@abconcerts.be, www.abconcerts.be

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