Efterklang capture la solitude

Tom Zonderman
© Agenda Magazine
02/11/2012
(© Rasmus Weng Karlsen)

Avec son album précédent, Efterklang s’est aventuré dans des chansons pop classiques, mais sur Piramida, le groupe retrouve son territoire familier faits de sons singuliers et d’arrangements audacieux. À Bruxelles, le combo peindra ses inimitables paysages sonores avec l’aide du Rotterdam Sinfonia.

« Nous sommes des musiciens, nous aimons composer les morceaux les plus compliqués, mais nous ne savions pas comment venir à bout d’une chanson pop classique alternant couplets et refrain. On se sentait mal avec ça, comme si nous n’étions pas des musiciens complets. Magic Chairs était une réaction par rapport à cela, nous avons relevé le défi d’être quand même un groupe pop. Je suis content que nous l’ayons fait, mais je me sens plus proche du nouvel album ». Tandis que la rue Dansaert s’extrait avec bruit du matin, Rasmus Stolberg, bassiste et membre du trio central d’Efterklang, compare leur opus précédent avec le tout nouveau Piramida.
Inspirés par le film An Island, réalisé l’an passé avec le cinéaste français Vincent Moon sur Als, l’île où ils ont grandi, Stolberg et ses comparses Casper Clausen et Mads Brauer se sont rendus pour leur quatrième album au Spitzberg, un archipel inhospitalier au milieu de l’océan Arctique. Ils se sont installés pendant neuf jours à Pyramiden, une ville minière abandonnée, exploitée par les Russes jusqu’à l’arrêt précipité des activités en 1998. Depuis, le temps semble figé. Même le piano à queue resplendit encore dans l’ancien hall culturel. « À Pyramiden, la nature est particulièrement sauvage. Ce n’est pas un endroit pour les hommes et pourtant, on a quand même essayé de le conquérir. Un endroit comme ça pose des questions existentialistes. On se rend compte à quel point on est insignifiant. (Il montre la rue) Ce monde de béton et d’asphalte est notre réalité, mais depuis combien de temps existe-t-il ? Dans l’histoire de la Terre, c’est des cacahuètes ».

Comment avez-vous traduit cette confrontation en musique ?
Rasmus Stolberg : Nous avons surtout été confrontés au vide et à la solitude et nous voulions rendre ce sentiment en extrayant des sons de toutes sortes d’objets et d’éléments naturels. Nous nous promenions là-bas avec des micros tout en étant connectés les uns aux autres avec des casques. C’était comme une pieuvre géante ! (Rires). C’est d’ailleurs étonnant d’entendre comment le monde sonne quand on l’amplifie. (Il frotte sa cuillère à café sur une assiette) Ce son est à peine audible, mais dans un casque, ça devient un bruit incroyablement intrigant. Certains sont devenus tout à fait différents, on en a gardé d’autres plus ou moins tels quels. Le rythme de Dreams Today est formé par la cadence de la marche de Casper et les pas de Mads dans les hautes herbes. Dans Between The Walls, on entend des cailloux cognés l’un contre l’autre. C’est formidable d’insuffler de la vie dans des choses qui en temps normal baignent dans le silence.
Nous trouvions très important d’avoir un point de départ commun - nous n’avions écrit aucun morceau à l’avance - et ensuite de travailler chez nous avec nos enregistrements sur le terrain. Tout est né de ce que nous avons entendu et vu là-bas.

Vous avez collecté un millier de sons. Comment s’y prend-on pour classifier ça ?
Stolberg : C’est impossible. Nous nous sommes laissés guider par notre mémoire, en repensant à ce qui nous avait stimulés. Ce n’étais pas non plus notre intention de réaliser une sorte de classification ou de documentation sur cet endroit. Piramida n’est pas un projet scientifique, c’est une œuvre d’art. Nous avons longtemps hésité à appeler l’album comme ça, parce qu’il faut aussi pouvoir être touché sans connaître toute l’histoire qu’il y a derrière. Pyramiden est une source d’inspiration et un squelette, mais ce n’est pas l’essentiel. Enfin, si, quand même (rires).

Et posés sur ces paysages sonores, il y a les textes très personnels de Casper.
Stolberg : Le couple de Casper a volé en éclats avant qu’on ne réalise l’album. Il voyait dans le développement et le déclin de Pyramiden une métaphore de la manière dont fonctionne une relation : quelque chose qui se construit lentement et qui s’effondre soudain. Il n’oubliera jamais cette histoire d’amour et de la même façon, on verra toujours les traces de la colonie. Casper ne montre pas facilement ses sentiments, la musique l’aide à nommer les choses.

« Look at the way you / Look at where you are / What kind of fish you are », entend-on dans The Ghost. Ça me semble être une question fondamentale.
Stolberg : Oui. En danois, nous avons une expression : être un poisson à part. Parmi les millions de poissons de la mer, c’est celui-là qu’on remarque, parce qu’il nage à contre-courant ou qu’il a l’air un peu différent des autres. Pour moi, c’est quelque chose de très positif, d’autres trouveront ça simplement étrange.

Si vous étiez un poisson, lequel seriez-vous ?
Stolberg : (Rires) Bonne question. Surtout parce qu’on n’attribue pas de personnalité à un poisson. Nous voulons tous être uniques et tracer notre propre chemin, mais nous faisons tous partie d’un système sur lequel nous n’avons pas de contrôle. En soi, c’est lié à ce qui nous rend heureux. Avant, je pensais que pour être heureux, je devais être différent des autres. Mais je pense maintenant que la clé se trouve surtout dans le fait d’accepter qui on est et le monde où l’on vit.

Vous vivez à Copenhagen, Casper et Mads, à Berlin. Mais vous avez grandi à Als, une petite île en face de la côte danoise. Quelle est l’importance de cette jeunesse commune ?
Stolberg : Als nous a donné une solidarité indestructible. À 18 ans, nous avons décidé d’aller ensemble à Copenhagen pour faire de la musique. Cette énergie nous pousse toujours. Nous voulons toujours prouver que cette décision était la bonne.
Piramida a été présenté en première au Sydney Opera House, et vous jouerez à l’AB avec le Rotterdam Sinfonia. Vous aimez les arrangements orchestraux.
Stolberg : Nous aimons travailler sur nos albums avec des cordes et des cuivres, effectivement. Mais nous voulions que Piramida reste épuré et électronique. Cette proposition pour cette version orchestrale à Sydney tombait à pic : nous pouvions ainsi mettre nos idées orchestrales de côté pour ce concert et nous concentrer par ailleurs sur l’album. Mais bon, en acceptant cette collaboration, nous nous étions mis une deadline stricte sur le dos, alors que nous avions justement l’intention d’expérimenter longtemps les sons que nous avions dénichés là-bas. En plus, on commence à réfléchir autrement, de manière plus pratique, avec un concert en vue. Ça influence les compositions et nous voulions éviter ça. Vous savez, construire une colonie dans un endroit hostile, c’est orgueilleux. Enregistrer avec un orchestre, ça l’est aussi (rires).

Efterklang: The Piramida Concert featuring Sinfonia Rotterdam • 8/11, 20.00, €20/23, Ancienne Belgique, boulevard Anspachlaan 110, Brussel/Bruxelles, 02-548.24.24, info@abconcerts.be, www.abconcerts.be

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