Blackbird : l’impossible vérité

Gilles Bechet
© Agenda Magazine
12/12/2013
(© Celine Chariot)

Le pédophile, voilà celui qui de nos jours incarne sans doute le mieux le croquemitaine. Monstre ordinaire, il a le visage de Monsieur Tout-le-Monde. Mais après la condamnation unanime, que fait-on ? Tous les pédophiles sont-ils pareils ? Quand la société est appelée à les juger, sur quoi se baser ? Dans Blackbird, le dramaturge écossais David Harrower tente une réponse. Pour y arriver, il imagine la rencontre, quinze ans après les faits, du prédateur et de celle qui était alors un enfant et qui est devenue une femme. « Les faits décrits sont scandaleux », précise Jérôme de Falloise, qui a monté la pièce et où il tient le rôle de Ray aux côtés de Sarah Lefèvre. « Mais l’auteur ose aller au-delà de ce qui nous révolte pour comprendre la nature de cette relation et comment on en est arrivé là. Il ne déresponsabilise pas l’adulte et ose engager la responsabilité de l’enfant. Le texte pose des questions, sans donner de réponses ».

Au-delà de là pédophilie, mot qui n’est jamais prononcé sur le plateau, c’est l’histoire d’un rapport amoureux entre deux outsiders qui se sont rencontrés au mauvais moment. Une affaire de domination, d’abus, de prise de pouvoir d’un membre du couple sur l’autre. Face aux deux personnages, le spectateur est dans la position d’un juge. Exercice d’autant plus délicat que la pièce est un jeu de miroir avec la vérité. « Ce que racontent les deux personnages quinze ans après les faits s’est-il vraiment déroulé de cette manière ? On installe le doute sur ce qui est dit. Quand a-t-il menti ? Dit-il toute la vérité ? »

La première fois qu’il a découvert le texte, Jérôme de Falloise a été fasciné par la langue de Harrower. « Il met l’un en face de l’autre des gens qui n’ont pas un langage policé et observe ce qui se passe ». Dans sa mise en scène, il s’écarte de l’approche plus naturaliste des versions précédemment montées chez nous. « J’avais envie de quelque chose de brut, de sale et d’épuré. Le focus est placé sur le jeu et la tension entre les personnages. Il n’y a pas de tralala, on est dans l’intime ».

Né d’une carte blanche en dernière année de cours à l’ESACT à Liège, Blackbird a été conçu comme un projet collectif. « Quand on joue, on ne peut pas se regarder jouer, j’ai demandé à Raven Ruëll d’être le co-metteur en scène ». Et puis il y a aussi la création sonore signée Wim Lots qui, plus qu’une illustration musicale, est un troisième acteur. « La musique, jouée et mixée en live, crée une atmosphère, différente chaque soir. Wim réagit à notre jeu, il nous pique, nous soulève et installe les silences. On est dans une tension permanente avec des moments calmes et des explosions. La musique nous aide à faire naître des bulles d’intimité, comme si c’était notre cœur et notre tête qui s’exprimaient ».

BLACKBIRD 14 & 16/12, 20.30, €9/10/12, Espace Senghor, Waversesteenweg 366 chaussée de Wavre, Etterbeek, 02-230.31.40, www.senghor.be

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