Olivier Werner dans l'antre de la folie

Gilles Bechet
© Agenda Magazine
12/02/2015
Que se passe-t-il dans la tête de quelqu’un qui perd la raison, à quel moment bascule-t-on dans la folie ? Le comédien et dramaturge français Olivier Werner poursuit son exploration de l’enfermement en adaptant un texte du poète russe Leonid Andreïev où un homme tente de justifier par la folie le meurtre de son meilleur ami.

Qu’est-ce qui vous fascine dans l’enfermement au point d’en faire une trilogie théâtrale ?
Olivier Werner : L’enfermement est souvent une métaphore assez intéressante. On ne sait jamais si c’est le lieu qui génère l’identité des personnages ou si le lieu est une projection de leur identité. Quand on est enfermé, dans une surface réduite, il faut bien se libérer. Si le corps ne peut pas bouger, la tête est souvent soumise à des pressions très fortes. Que le personnage soit quelqu’un de seul ou qu’il s’agisse de deux personnes amenées à cohabiter violemment, il y a du conflit dans le crâne, il y a une hyperactivité mentale. On a besoin de trouver sa liberté quelque part. Et ça, au théâtre, c’est générateur d’énormément de fiction.

C’est un spectacle sur la pensée mais surtout sur la parole qui en devient son exutoire ?
Werner : Le personnage de la pièce va prendre la parole pour essayer de s’autodiagnostiquer et justifier son geste devant des experts médicaux chargés de statuer sur son sort. À partir du moment où il verbalise, où il prend la parole, il tombe sur sa propre folie. On a le monologue d’un type qui s’imagine avoir perdu la raison. Un monologue qui dure plus d’une heure et demie fonctionne aussi sur la fatigue et sur l’épuisement de la parole. Au bout d’une heure, il ne contrôle plus véritablement ce qui sort de sa bouche, il y a une espèce d’ivresse des images contrôlées par la parole. Je trouvais ça intéressant théâtralement qu’il s’adresse aux experts médicaux et que le public devienne un vrai partenaire. Un partenaire silencieux mais un partenaire.

Avant le spectacle, vous accueillez dix personnes dans votre loge. Quel est le sens de cette démarche ?
Werner : Je parle aux gens. Je suis déjà prêt, maquillé et je leur dis quelle est l’origine de cette parole-là, pourquoi cet homme parle, à qui va-t-il parler et de quoi va-t-il se rendre compte en cours de route. Je donne deux ou trois éléments de lecture du spectacle et je leur dis que ma parole leur est vraiment adressée, qu’elle leur donne un rôle qui n’est pas seulement de se considérer comme consommateurs d’un spectacle. C’est aussi une manière pour moi de créer un lien avec quelques personnes dans le public que je peux reconnaître après. Ce sont des points d’appui qui vont m’aider à construire parce qu’il n’y a pas mon spectacle d’un côté et le public de l’autre. Je peux ainsi commencer à créer un lien avec les gens et leur dire que la manière dont ils vont me regarder ou pas - les gens sont libres - aura une incidence sur la manière dont moi je vais leur parler. C’est pareil dans la vie, quand on raconte une histoire à quelqu’un, l’attention qu’il vous accorde ou non a des répercussions sur le contenu de ce que vous dites.

LA PENSÉE 17/2 > 7/3, 20.30, €8/11/13/16, Théâtre de Poche, Gymnasiumweg 1A chemin du Gymnase, Ter Kamerenbos/bois de la Cambre, Brussel/Bruxelles, 02-649.17.27, www.poche.be

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