Un goût de subversion

Estelle Spoto
© Agenda Magazine
14/04/2012
(© Lou Hérion)

Le metteur en scène Pietro Varrasso et l’écrivain Eugène Savitzkaya réécrivent l’histoire du pantin de bois né en 1881 sous la plume de Carlo Collodi. Leur ambitieuse adaptation propose des renversements étonnants, rattache Pinocchio à la figure de Dionysos et creuse la métaphore de la marionnette.

Tout le monde connaît Pinocchio, ne serait-ce qu’à travers le fameux dessin animé de Disney, datant de 1940. « Mais si le film de Disney est un chef-d’œuvre au niveau de l’animation, au niveau du fond, c’est bien pauvre par rapport aux ambiguïtés du texte de Collodi », prévient Pietro Varrasso. « L’histoire a été édulcorée par le puritanisme américain ».

Dans votre adaptation, Pinocchio devient «
le Bruissant». Qu’est-ce que ça signifie?
Pietro Varrasso
: Bruissant se rapporte évidemment au monde végétal, au bruissement des feuilles. Pinocchio vient du végétal, son essence est végétale. Pinocchio est aussi extrêmement bavard et il écoute de multiples voix. C’est un être un peu perdu, qui s’oriente suivant le cours du vent. J’ai introduit dans l’adaptation ce que j’appelle « la voix de l’arbre » : de temps en temps, l’origine de Pinocchio refait surface, l’arbre dont il est issu le guide et le soutien. Cette voix de l’arbre est connectée à Dionysos. Selon un des mythes, Dionysos a été arraché du ventre de sa mère par Zeus, qui l’a recousu dans sa cuisse pour qu’il termine sa croissance. Or chez Collodi, Pinocchio naît sans mère, il est fabriqué par un homme. Dionysos est aussi le dieu de la liberté, de la fête, du vin, du sperme, de l’urine... C’est en quelque sorte la métaphore des pulsions basiques de Pinocchio.
Qu’est-ce qui vous a intéressé en particulier dans le texte de Collodi
?
Varrasso
: Pinocchio a bercé mon enfance. J’ai toujours été passionné par cette fable picaresque. Mais plus je me plongeais dans l’œuvre plus j’étais intéressé par la métaphore de la marionnette. Pinocchio est un être qui cherche intuitivement la liberté, mais d’une mauvaise manière. Il se croit libre, mais il est en fait manipulé par toutes sortes de forces, de personnages, par son inconscient, par ses pulsions. C’est une métaphore de l’humain : nous recherchons la liberté, mais finalement, nous sommes très peu libres, nous sommes déterminés par toutes sortes de choses, ne fût-ce que par notre génétique, notre biologie. On se rend très peu compte que finalement, nous ne nous fabriquons pas nous-mêmes : nous sommes vraiment le fruit de la fabrication des autres. Notre adaptation tourne autour de cette naïveté par rapport à la notion de liberté.
Pourquoi avez-vous choisi de travailler avec Eugène Savitzkaya
?
Varrasso
: Eugène a une écriture qui me semblait pouvoir rendre compte du monde organique dans lequel est baigné Pinocchio. Eugène a l’art de rendre le banal, le quotidien merveilleux. Il m’a fourni de la matière première que j’ai ensuite organisée avec les acteurs.
Qu’avez-vous gardé du texte de Collodi
?
Varrasso
: J’ai gardé les situations basiques, les plus populaires : le père Gepetto, le chat et le renard, la fée, le grillon... Mais j’ai vidé la structure pour la remplir d’autre chose, avec cette réflexion sur l’autodétermination... J’ai aussi enlevé tout l’aspect moral de ce livre éducatif et extrêmement manichéen. J’ai même fait d’énormes inversions. Par exemple, la fée, qui est une éducatrice chez Collodi, s’insurge ici contre le fait que Pinocchio veuille aller à l’école, car l’école ne ferait que le formater davantage. Le spectacle se termine sur une phrase dite par Pinocchio : « Je veux arrêter d’être ce que les autres ont fait de moi ». Il comprend qu’il est beaucoup trop perméable aux influences, qu’il n’a pas de lui-même et que c’est une cause de souffrance.

Pinocchio le bruissant
17 > 28/4 • 20.30 (18 & 25/4: 19.30), €8 > 20
Théâtre Varia Skepterstraat 78 rue du Sceptre, Elsene/Ixelles,
02-640.82.58, www.varia.be

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