Jan Fabre, enfant terrible devenu superstar de l’art belge, se met lui-même en scène dans une salle des Musées royaux des Beaux-Arts, au milieu du circuit consacré aux Maîtres anciens. 18 autoportraits en cire et 18 autoportraits en bronze, présentés pour la première fois en Belgique. Fabre y joue aux
métamorphoses.

Rien d’un tel d’un peu d’art contemporain - de préférence signé par un grand nom - pour apporter un peu de pimpant à la réputation parfois légèrement poussiéreuse de certains musées d’art ancien. Les Musées royaux des Beaux-Arts misent aujourd’hui sur Jan Fabre, son aura internationale et sa réputation sulfureuse. Ce n’est pas la première fois que l’artiste anversois s’installe parmi ses illustres prédécesseurs, qu’il s’agisse de Van Eyck, Bosch, Rubens ou Rembrandt. En 2006, le Musée royal des Beaux-Arts d’Anvers (KMSKA) accueillait l’exposition Homo Faber, répartie dans une vingtaine de salles, où Fabre se confrontait aux œuvres majeures de la collection qui l’ont inspiré. Deux ans plus tard, avec L’Ange de la métamorphose, c’est le Louvre qui plaçait des œuvres de Fabre en dialogue direct avec des peintres des écoles du Nord. À Bruxelles, l’interaction est limitée : une seule salle accueille les bronzes et les cires de l’artiste contemporain, et uniquement ceux-ci. Fabre se présente dans un espace clos, une bulle de modernité au milieu des maîtres anciens.

Haie d’honneur
Avec sa double casquette de plasticien et de metteur en scène, Jan Fabre sait comment s’y prendre pour théâtraliser ses œuvres. Soignée jusqu’aux moindres détails, la mise en place de ses 36 bustes produit un effet saisissant sur le visiteur qui entre dans la salle. Se détachant sur des murs et un sol gris foncé, surmontant des socles terminés respectivement par du bois clair et de la pierre sombre, les autoportraits en bronze et en cire sont alignés en deux rangées, les visages tournés vers le centre, face à face, formant une sorte de haie d’honneur à la fois fascinante et intimidante. D’un côté, l’éclat des bronzes particulièrement luisants, bien loin de l’aspect terne d’une certaine statuaire antique. « Au moment où le bronze est coulé et sorti du moule », explique Fabre, « il est poli très soigneusement, ce qui lui donne cet aspect doré. On applique ensuite une cire utilisée pour les avions afin que le bronze ne brunisse ou ne verdisse pas et qu’il reste bien brillant. C’est ce qui donne ce look contemporain à ce matériau classique ». De l’autre côté, les autoportraits en cire prennent le contrepied des visages « réalistes » exposés au Musée Grévin ou chez Madame Tussauds : la matière est sombre, presque noire, mate, absorbant la lumière et ponctuée ça et là de touches rouges, vertes ou brunes qui viennent parfois mettre en évidence une langue, des oreilles ou une corne.

Des satyres à Pinocchio
« Je regarde beaucoup mon image dans le miroir afin de me dessiner et chaque fois je vois quelqu’un d’autre ». Cette citation est inscrite en lettres dorées et en trois langues au-dessus des murs de la salle.
Fabre est un adepte de l’autoportrait. Il n’est bien sûr pas la seule personnalité de l’histoire de l’art à s’être adonnée à cette pratique, mais la fréquence avec laquelle il se représente lui-même, de L’homme qui mesure les nuages à sa Pietà revisitant Michelange en passant par son Sarcofago conditus, gisant recouvert de punaises dont la pointe est tournée vers l’extérieur, font soupçonner une belle dose de mégalomanie. C’est pourtant avec humilité qu’il s’est représenté en « nain », se heurtant à la grandeur inégalable d’un maître comme Rogier van der Weyden, dans son installation Je me vide de moi-même (2007). Dans cette exposition, il creuse sa propre image en déclinant dix-huit fois son visage. Face à cette série dédoublée, le visiteur peut s’amuser à retrouver les 7 erreurs. Fabre jeune ou vieux, sérieux ou hilare, avec ou sans lunettes, avec ou sans barbe, avec ou sans chemise... Mais surtout, doté chaque fois d’un attribut animalier différent. L’artiste s’affuble de cornes diverses, uniques, doubles, courbées comme celles d’un mouflon ou droite et longue comme celle d’un narval, qui empiète dangereusement sur l’espace du visiteur. « Cette corne qui sort de mon front, c’est comme ma pensée qui prend forme », explique Fabre, qui insiste sur le fait qu’il y a chaque fois un lien entre la partie animale et le portrait proprement dit. « Chaque animal a une signification ». Ailleurs, ce sont des oreilles d’âne qui encadrent un visage extrêmement sérieux. « Quand j’étais à l’école primaire, j’ai dû rester debout avec de telles oreilles. Je ne suis plus un enfant, mais parfois, la société vous envoie aussi au coin quand vous êtes adulte ». On pense bien sûr à Pinocchio, mais c’est à toute une tradition de créatures imaginaires et de métamorphoses fantastiques que cette série renvoie. À commencer par les divinités hybrides de la mythologie grecque, en particulier les satyres, que l’on retrouve en de multiples exemplaires quelques étages plus bas, au sein de l’exposition consacrée à Jacques Jordaens.
Diablotin, âne ou vampire, Jan Fabre fera bientôt - si tout se passe comme prévu - « partie des meubles » du musée, grâce à une installation permanente, aussi permanente que son étincelant plafond d’élytres de scarabées au Palais royal. Un escalier, royal lui aussi, sera revêtu de bleu, dans une composition mêlant bic et tirage photographique cibachrome. Ça aidera peut-être à faire digérer la fermeture du Musée d’art moderne et contemporain...

Jan Fabre: Chapters I-XVIII waxes & bronzes • > 27/1, di/ma/Tu > zo/di/Su 10 > 17.00, gratis toegang bij aankoop van een ticket voor permanente collectie/accès gratuit à l’achat d’un billet pour la collection permanente, Koninklijke Musea voor Schone Kunsten van België/Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique, Regentschapsstraat 3 rue de la Régence, Brussel/Bruxelles, 02-508.32.11, www.fine-arts-museum.be

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