Art belge : un siècle collectionné

Estelle Spoto
© Agenda Magazine
16/10/2012
(Jan Fabre, Skulls (detail), s.d. © SABAM Belgium 2012)

Le Musée d’Ixelles met régulièrement à l’honneur de prestigieuses collections privées, histoire de présenter au grand public quelques joyaux trop rarement montrés. C’est à nouveau le cas avec la Collection Caroline et Maurice Verbaet, magnifique échantillon de l’art belge au XXe siècle, voire un peu au-delà.

La Belgique a la réputation assez flatteuse d’être une terre de collectionneurs passionnés. Des collectionneurs qui achètent par coup de cœur, parce qu’ils aiment une œuvre et non par pure spéculation. Le Musée d’Ixelles vient étayer cette renommée en présentant une partie de l’extraordinaire collection de Caroline et Maurice Verbaet. Près de 200 œuvres (beaucoup de peintures, mais pas seulement) couvrant ’un siècle d’art en Belgique dans une belle hétérogénéité et avec des résonances surprenantes, de James Ensor à Jan Fabre, de Léon Spilliaert à Panamarenko, de Félicien Rops à Stéphane Mandelbaum.

L’irrationnel
En principe, le but d’un collectionneur n’est pas de se créer une histoire de l’art en trois dimensions. Et pourtant, face au trésor accumulé au fil d’achats « à l’instinct » par Caroline et Maurice Verbaet, on constate que pratiquement toutes les « cases » des mouvements artistiques du XXe siècle belge sont remplies : symbolisme de Léon Spilliaert, fauvisme à la Rik Wouters, expressionnisme avec Constant Permeke notamment, un Magritte, quelques représentants de CoBrA, de très nombreux peintres et sculpteurs pratiquant l’abstraction dans ses différentes variantes (Jules Schmalzigaug, Pierre-Louis Flouquet, Pol Bury, Luc Peire, Maurice Wyckaert, Jo Delahaut…) jusqu’à d’éminents « contemporains ». Mais, pour justement souligner la dimension irrationnelle du « coup de cœur » propre au collectionneur, l’accrochage de l’exposition ne suit pas une chronologie stricte. Bien au contraire. La présentation s’est construite par rapprochements, tantôt thématiques, tantôt formels, en autorisant des bonds gigantesques dans le temps et d’audacieuses confrontations.
(Léon Spilliaert, La Rapace, 1902 © SABAM Belgium 2012 / Firmin Baes, La petite fille au chou, s.d. © SABAM Belgium 2012)

Échos et reflets
Il frappe d’emblée, étalant ses 5 mètres de longueur sur le podium au fond de la salle : un extraordinaire Alechinsky (Passerelle I) déploie sa composition tortueuse bordée d’un cadre d’impressions de plaques d’égouts. Son rouge vif se retrouve dans la voiture en carton et un Bain de sang dans une baignoire orchestrés par Bruneau. De l’autre côté de la salle rayonne une autre couleur primaire, le bleu vibrant entrecoupé de verticales d’Aleksandre de Luc Peire. Entre les deux, dans l’espace du rez-de-chaussée, c’est surtout l’abstraction qui est reine. Une sculpture en métal peint signée Pol Bury semble transposée en deux dimensions dans un Nu d’Antoine Mortier. Ailleurs, les compositions géométriques en aplats de Guy Vandenbranden et de Jo Delahaut se font écho avec quarante ans d’écart. Un peu plus loin, dans la figuration cette fois, ce sont les crânes dessinés au bic par Jan Fabre qui répondent à la terrifiante Mort poursuivant le troupeau humain gravée par James Ensor, tandis que Panamarenko (Raven) et Léon Spilliaert (Le Dirigeable) se rejoignent dans une fascination commune pour les machines volantes.
À l’étage, une belle place est laissée aux portraits et aux natures mortes. Fernand Khnopff y côtoie notamment Louis Buisseret. La touche épaisse de pommes peintes par Ensor fait face aux contours bien délimités, presque géométriques, d’une Nature morte au moulin à café et petits pains peinte par Gustave Van de Woestijne.
Dans cette exposition exigeante, qui refuse de prendre le visiteur par la main dans une présentation à vocation pédagogique, ce subtil jeu de renvois d’une œuvre à l’autre apportera à celui qui veut bien s’y prêter, un regard rafraîchissant sur bien plus de cent ans d’art belge.

Paul Delvaux, l’expo bis
« Le premier jet est souvent très important car c’est là que je mets l’essentiel », a dit Paul Delvaux. L’exposition qui lui est consacrée dans la petite salle située de l’autre côté des collections permanentes du Musée d’Ixelles lève le voile sur le processus de création du peintre belge. Six tableaux représentatifs de ses obsessions (l’Antiquité, le chemin de fer, les femmes, dénudées la plupart du temps, les squelettes...) et des différents courants qu’il a traversés (réalisme, expressionnisme, surréalisme) sont « mis à nu » par la présentation d’une partie de leur travail préparatoire.
(Paul Delvaux, La Vénus endormie I, 1932 © SABAM Belgium 2012)

À travers les dessins au crayon ou au fusain, les encres rehaussées de gouache ou d’aquarelle, on peut retracer la manière dont Devaux fait évoluer sa composition, soignant les personnages secondaires et les multiples détails, jusqu’à l’étude finale, souvent recouverte d’un quadrillage qui permettra à l’artiste de la transposer sur la toile définitive. Quelques écrans permettent même de feuilleter virtuellement ses carnets de croquis. Une plongée privilégiée dans l’intimité du geste créateur.

Belgische kunst/Art belge: Collectie/Collection Caroline & Maurice Verbaet + Paul Delvaux • > 20/1/2013, di/ma/Tu > zo/di/Su, 9.30 > 17.00, €5/7, Museum van Elsene/Musée d’Ixelles, rue J. Van Volsemstr. 71, Elsene/Ixelles, 02-515.64.21, museum@elsene.be, musee@ixelles.be, www.museumvanelsene.be, www.museedixelles.be

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