Daba Maroc : jeunes plasticiens marocains

Estelle Spoto
© Agenda Magazine
15/11/2012
(Artificial Aquarium © Mohssin Harraki)

Dans le cadre de Daba Maroc, La Centrale for contemporary art accueille sept artistes - tous des hommes, ce n’est sans doute pas le fruit du hasard - de la jeune scène marocaine, pour qui « l’art est un combat de tous les jours », dans tous les sens du terme. Visite virtuelle et partielle de l’expo avec son commissaire, Charles-Olivier Gohy, à travers sept œuvres significatives, une pour chaque artiste présent.

Mohamed Arejdal
« Il y a cinq ans, Mohamed Arejdal a quitté le Maroc clandestinement à bord d’un bateau construit avec quelques amis. Arrivés aux Canaries, ils ont été arrêtés sur la plage, de manière assez violente. Lui a réussi à s’échapper du commissariat et il est rentré au Maroc. Depuis, il a effectué des trajets à pied, en stop, en bus, en ramassant une série d’éléments aux frontières, aux endroit où les gens, métaphoriquement, se défont de leur peau pour changer de vie. Il présente ici une valise qui prend la forme de la Palestine en 1948. Pour un autre projet, Mohamed Arejdal a essayé de retrouver un article paru sur son arrestation aux Canaries, mais aussi le journaliste et le policier afin refaire une photo avec eux, au même endroit, mais en tenue ‘civile’. Entre ces deux images, celle avec les acteurs en civil et celle avec les acteurs en action, qu’est-ce qui est réel ? Dans l’image de presse, tout le monde semble jouer un rôle : le clandestin qui essaie de quitter le Maroc, le journaliste qui fait son travail d’investigation et le policier qui fait régner l’ordre. Finalement, aucun des trois n’est librement dans cette position-là, nous sommes conditionnés ».
(Golf Project, 2012 © Mohamed Laouli / © Younes Baba-Ali)

Mohamed Laouli
« Toutes les grandes villes du Maroc connaissent des développements immobiliers sur leur pourtour. On construit des grands golfs, des parcs de villégiature avec des habitations quatre façades et des sculptures contemporaines... Tout cela derrière de grands murs, pour être bien protégé. La pauvreté est enfermée dans la ville ancienne tandis que les nouveaux riches s’installent autour. La question est de se demander où ça va s’arrêter. Peut-être qu’un jour la nouvelle bourgeoisie va également coloniser le centre ville et que la population locale devra seulement faire avec. C’est ce que Mohamed Laouli met en scène dans cette grande installation vidéo autour d’un parcours de golf 18 trous dans la médina de la ville de Salé ».

Mustapha Akrim
« Mustapha Akrim transforme du texte en pièces calligraphiées minimalistes. Il a notamment pris l’article 13 de l’ancienne constitution marocaine, qui dit que chaque homme a droit à un travail et à une rémunération. Or au Maroc, c’est loin d’être le cas. À Rabat, la ville où Akrim vit, il y a tous les jours que Dieu fait ce qu’on appelle « la manifestation des jeunes diplômés » : des universitaires entre 25 et 30 ans, au chômage, qui viennent protester devant le ministère du travail pour obtenir un emploi ».
(© Mohamed El Mahdaoui)

Mohamed El Mahdaoui
« Mohamed El Mahdaoui travaille beaucoup sur la question de la carte et de l’appartenance à un pays. Il a réalisé en Jordanie une carte de ce pays en pièces d’1 centime. Pendant un week-end, il invitait les gens à prendre la pièce de l’endroit d’où ils venaient. Toutes les pièces sont estampillées de la figure du roi, qui est présente partout en Jordanie. Le public pouvait ainsi être le propriétaire de quelque chose sans devoir être le serviteur de quelqu’un qui possède tout autour de soi. Il présente ici une pièce constituée d’aiguilles d’horloges. À un moment précis, les aiguilles forment la carte du Maroc. Le reste du temps, c’est un ensemble complètement désordonné ».

Simohammed Fettaka
False est une série de photos où des personnages sont habillés comme un homme d’affaire, comme le roi... Dans le visage ou le regard de la personne, il y a quelque chose de troublant. Ce sont en fait des junkies de Tanger que Simohammed Fettaka a mis en scène. False traite de cette question des fausses apparences, de l’habit de travail. C’est une façon de contester ce qui nous est donné à voir comme intemporel, définitif, c’est une invitation à décoder les images ».
(Sans salaire, 2011 © Mustapha Akrim)

Younes Baba-Ali
« Ce Dos d’âne, placé au sol à l’entrée de l’exposition et sur lequel le visiteur vient buter, est une sorte de symbole de cette société marocaine à deux vitesses. Il y a une nouvelle bourgeoisie qui peut tout se permettre. Ces gens font construire, à gauche et à droite de leur maison, des ralentisseurs, pour être sûrs qu’on ne roule pas trop vite quand on passe devant chez eux. Ces ralentisseurs complètement illégaux cristallisent les dysfonctionnements de la société marocaine actuelle ».

Mohssin Harraki
« Le travail de Mohssin Harraki est souvent lié à l’histoire du Maroc et à l’inconscient collectif marocain. Dans sa vidéo Problème 5, il fait par exemple référence à l’affaire Ben Barka, professeur de mathématique du roi Hassan II - qui a régné pendant les années de plomb - qui est ensuite devenu son plus grand opposant. Harraki présente ici un aquarium où un livre d’histoire du Maroc immergé se désagrège, comme une longue et lente perte de mémoire ».

Daba Maroc: travail, mode d’emploi • 16/11 > 20/1, di/ma/Tu > zo/di/Su 10.30 > 18.00, €2,50/4/5, Centrale for Contemporary Art, Sint-Katelijneplein 44 place Sainte-Catherine, Brussel/Bruxelles, 02-279.64.44, www.lacentraleelectrique.be

Fijn dat je wil reageren. Wie reageert, gaat akkoord met onze huisregels. Hoe reageren via Disqus? Een woordje uitleg.

Read more about: Expo

Iets gezien in de stad? Meld het aan onze redactie

Site by wieni