Dans l'antre d'artistes : Cathy Coëz

Estelle Spoto
© Agenda Magazine
13/02/2014


Cathy Coëz dessine en 3D. Sans effets spéciaux, mais avec de la terre. Avec ses sculptures, elle met aussi des formes et des couleurs sur des mots, des souvenirs bons ou mauvais, et converse au-delà des frontières du temps avec les artistes qui l’ont marquée.

Il y a d’abord la poussière. On a beau lutter quotidiennement, de toutes ses forces, elle est toujours là. Discrète, mais omniprésente. Puis il y a le tour, les paquets d’argile entassés sur une table, le four… Les pièces à conviction s’accumulent dans son atelier, mais Cathy Coëz le répète : elle n’est pas céramiste.
La fin justifie les moyens, dit-on. Dans ce cas-ci, ce dicton ne sert pas à donner bonne conscience à ceux qui l’auraient un peu mauvaise, mais à guider l’évolution d’une démarche artistique. « La céramique pour moi, c’est un matériau, pas un langage », explique-t-elle. « Je suis plasticienne, peu importe la matière que j’utilise ». Le travail de la terre, elle l’a découvert presque par hasard, il y a sept ans, et jusqu’à présent, ça ne l’a plus quittée. « Avec le tour, j’ai tout de suite accroché. J’avais l’impression de dessiner avec mes doigts directement en trois dimensions ». Voilà comment Cathy Coëz, formée en dessin à École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris et à La Cambre avant de s’initier à la sérigraphie, est passée au volume. « La terre est une matière très malléable, qui permet de faire un peu tout ce qu’on veut. Mais en même temps, il y a des règles à respecter, des temps d’attente… Il y a des contraintes comme pour tout matériau, ce n’est pas magique, mais ça me permet de construire un vocabulaire qui m’intéresse ».
De son parcours peu banal, Cathy Coëz tire une approche audacieuse, décomplexée, presque iconoclaste de la céramique. « De toute façon, avec ce matériau-là, on n’a pas intérêt à avoir peur, parce que ça peut rater en tournant, en séchant, en cuisant, en transportant… Il faut essayer. Ce que j’aime et ce que je recherche, c’est trouver dans chaque étape un intérêt créatif. Même au moment du ponçage on peut modifier la pièce et créer une forme plus élaborée, ou au contraire supprimer des éléments pour qu’elle soit plus simple. Avoir une idée et simplement la réaliser, ça m’emmerde. Ce qui m’intéresse, c’est le chemin, pas le résultat ».
Sur ses pièces tournées, forcément circulaires bien que parfois déformées, qui peuvent évoquer les pions ouvragés d’un jeu d’échec, des portions de tuyau ou de minuscules palais à coupole, elle applique non les émaux traditionnels, mais de la peinture pour carrosserie, fluo, phosphorescente, holographique, à la bombe… « C’est la continuation des couleurs que j’utilisais en sérigraphie mais que l’on peut très difficilement obtenir en émail ». Puis elle assemble ces éléments en « clay drawings » ou en « porcelain drawings » en se basant sur des schémas géométriques réalisés par ordinateur. Certains jouent sur les illusions d’optique et semblent former un disque gonflé par un souffle convexe. Ici, la précision du positionnement et du diamètre des pièces est fondamentale. D’autres ensembles donnent l’impression que leur symétrie a été perturbée par une tempête miniature. Là encore, l’effet de déformation est minutieusement calculé. Mais chaque pièce, contrainte dans sa base, est libre dans son volume. Le chaos vient compenser l’ordre. Et inversement.
À l’étage de l’atelier, là où la poussière peut moins facilement monter, des compositions ornent les murs blancs tandis qu’au sol repose un groupe de 100 sculptures de formes et de couleurs diverses. En détachant ses pièces du mur, Cathy Coëz s’est mise à sculpter A hundred memories, A hundred traumas, A hundred tears... « J’ai demandé à 100 personnes - des adultes, des enfants, des gens que je connais ou que je ne connais pas directement - quel était le meilleur souvenir de leur vie, leur plus grand traumatisme, qu’est-ce qui les a fait pleurer pour la dernière fois. Certains ont répondu deux ou trois mots, d’autres ont écrit des textes entiers. Chacun de ces témoignages a été synthétisé en un seul terme et chacun a été sculpté. Si on n’a pas toutes les infos, on y voit ce qu’on veut, mais il y a une sorte de figuration ». Parmi les plus évidents des 100 meilleurs souvenirs soigneusement disposés en carré sur le sol, il y a « Le jeu », des bâtonnets multicolores de mikado entremêlés, « Le gâteau », une sorte de petit cupcake recouvert de granulés orange fluo, ou encore « La baignade », un disque bleu secoué par des vagues.
Pour la série A hundred conversations, Cathy Coëz a convoqué 100 artistes qu’elle estime, essentiellement du XXe siècle. « C’est la rencontre entre le vocabulaire de cet artiste et le mien. Dans cette série-là, il y avait un sens imposé par le sujet mais j’étais tout à fait libre dans les matériaux. J’ai utilisé de la terre mais aussi du plâtre, de la résine, du verre, du plastique, du tissu... » La série se complète de deux cadres présentant chacun 50 prénoms. Le jeu étant de retrouver pour chaque sculpture de quel artiste il s’agit. Avis aux connaisseurs ! Une sorte de phallus doré étincelant. Indice : Jeff. Une assiette ramollie. Indice : Claes. Un vase entièrement couvert de petits diamants. Indice : Damien. Un petit totem au profil zigzagant. Indice : Constantin. Et ainsi de suite. « Ce sont chaque fois des prétextes pour développer des formes et des couleurs. Concrétiser une idée, ça permet d’aller dans des endroits improbables. J’ai fait du dessin, maintenant je fais de la sculpture. Je ne sais pas ce que je vais faire dans deux ans, et c’est ça qui m’intéresse ».
Commune : Saint-Josse
À voir actuellement : > 2/3, Dans la ligne de mire (expo collective), Musée des Arts décoratifs, Paris
Récemment : Le livre et la céramique en question, 25/10/2013 > 2/2/2014, Musée royal de Mariemont ; Business of Design Week, 2 > 7/12/2013, Hong Kong Convention and Exhibition Center; Triennale de la céramique et du verre, 19/10/2013 > 5/1/2014, Anciens Abattoirs, Mons
Galerie : Aeroplastics contemporary, www.aeroplastics.net
Info : www.coez.be

Photos © Heleen Rodiers

Fijn dat je wil reageren. Wie reageert, gaat akkoord met onze huisregels. Hoe reageren via Disqus? Een woordje uitleg.

Read more about: Expo

Iets gezien in de stad? Meld het aan onze redactie

Site by wieni