Dans l'antre d'artistes : Gerlando Infuso

Estelle Spoto
© Agenda Magazine
30/08/2012

« Quand on fait ce métier, il n’y a pas de réelle séparation entre le travail et la vie privée. Ce n’est pas un boulot qui vous mobilise seulement de 9 heures à 16 heures. Quand je suis sur un projet, il occupe toutes mes pensées et c’est très difficile de mettre une barrière ». Ainsi, mêlant intimement l’art et la vie, l’appartement de Gerlando Infuso, au dernier étage d’un immeuble en plein cœur du Pentagone, est parsemé de personnages et d’éléments de décors créés pour ses courts métrages d’animation. Sur un des côtés de sa bibliothèque, quelques-uns des trophées - zèbre, crocodile, sanglier, mandrill, requin-marteau... - de la ténébreuse chasseresse de L’œil du paon font luire leur poil ou leurs crocs rehaussés de vernis. Surplombant le canapé du salon, trois portraits à l’aquarelle représentant Barbe-Bleue, la désobéissante femme de ce dernier et Marilyn Monroe stimulent l’imagination pour un projet actuellement en cours de financement : Les pécheresses. Au-dessus d’un meuble à tiroirs, la baignoire-sirène de Margot, le tout premier film que Gerlando Infuso a entièrement réalisé en stop-motion, côtoie l’un des chevaliers en armure du clip du dernier single d’Émilie Simon, Franky’s Princess.

Pour cette chanson où l’artiste française évoque sans fard la disparition tragique de son compagnon François Chevalier (« Franky Knight »), le Bruxellois a imaginé un club très disco, rempli de paillettes et de boules à facettes, où les protagonistes s’éclatent sur la piste de danse. « Franky’s Princess m’a tout de suite touché parce que, avec cette thématique du deuil, de la difficulté de vivre sans l’être aimé, il me rappelait Margot. Avec Émilie, on a voulu transcender la détresse et la mélancolie des paroles pour créer un film plus chaleureux, dansant, fun ». On y reconnaît clairement la patte du jeune réalisateur, avec ces personnages aux silhouettes allongées, une fantasmagorie débridée qui se fait ici plus joyeuse que de coutume et un hallucinant soin du détail.
(© Gerlando Infuso)

À l’heure où les grands studios rivalisent d’ingéniosité pour créer les images de synthèse les plus soufflantes, Gerlando Infuso choisit résolument la voie de l’animation artisanale, capturée en volume image par image (24 pour 1 seconde de film), en assumant seul tous les stades de production, des dessins préparatoires au montage final. « Dans mes premières années de formation artistique à l’académie, j’ai été amené à toucher à de nombreuses disciplines : dessin, peinture, sculpture... La technique du stop-motion me permettait d’allier tout cela, avec un vrai rapport à la matière. C’est un processus très personnel, une démarche qui demande certes énormément de concentration, de rigueur et de patience, mais qui est très gratifiante au final ».

Pour construire les univers de ses films, versions en trois dimensions de ce qu’il a d’abord imaginé sur papier, Gerlando Infuso fait flèche de tout bois. « J’essaie vraiment de trouver une vérité dans la matière, que la peau ressemble réellement à de la peau, qu’il y ait une réelle texture de vêtements, que l’on sente la fibre. Je peux faire les puces ou acheter du matériel chez Brico, partir d’une boule de papier alu ou utiliser de la silicone... Je peux utiliser n’importe quoi du moment que ça participe à la réalité de la matière. J’ai l’impression de devoir créer pour mes personnages un décor qui non seulement leur ressemble, mais aussi dans lequel ils se sentent à l’aise. Ça part de cette volonté de rendre le film beaucoup plus crédible : plus il y aura de détails, plus on sera dans un univers qui ne ment pas et qui raconte une réelle histoire ». Et lorsque le décor est planté, que les personnages soigneusement articulés sont prêts pour la manipulation, la magie des images animées peut opérer, en laissant une place au hasard et aux surprises.  

« C’est en cela que le travail est excitant. Il y a des choses qu’on ne pouvait pas prévoir simplement en croquant la scène en dessin. Dans cet univers très développé, rempli de détails, on peut avoir la latitude de choisir le cadrage avec le plus de justesse possible, pour mettre vraiment en valeur ce qu’on veut raconter. Les possibilités sont infinies. Il faut toujours tenir à l’œil ce qu’on veut raconter - sans vouloir en dire trop non plus - en s'autorisant à changer de direction et faire quelque chose qui n’était pas du tout prévu. Le résultat sera plus riche ».
Commune : BruxellesPrincipales récompenses : Prix du jury junior au Festival International du Film d’Animation d’Annecy 2008 pour Margot ; Prix du public du meilleur court métrage belge, Prix TVPaint du film étudiant et Prix BeTV au Festival Anima 2009 pour Milovan Circus ; Prix du jury au Festival International du Film Francophone de Namur 2011 et Grand Prix et Prix de la Sabam au Brussels International Fantastic Film Festival 2011 pour L’œil du paonLe clip qui a fait le tour de la toile cet été : Franky’s Princess, Émilie Simon, sur l’album Franky KnightInfo : www.gerlandoinfuso.com

Photos © Heleen Rodiers

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