Dans l'antre d'artistes : Louise Leconte

Estelle Spoto
© Agenda Magazine
17/10/2013


Pas facile d’être lâché dans la nature en sortant de l’école. Mais Louise Leconte s’en sort plutôt bien. Ses tenues d’amazones modernes ont défilé en juin 2012 à La Cambre et un an plus tard, la créatrice était citée dans tous les médias mode belges. La faute à Stefani Germanotta. Mais l’histoire ne s’arrête pas là.
Elle est là, dans un coin de l’atelier, entre une machine à coudre et un mannequin. Elle ne prend pas tant de place finalement, comme ça, sagement alignée sur une tringle. Noire et blanche, mêlant le cuir et l’organdi de soie. Opaque et transparente, fragile et solide. C’est de cette collection en contrastes que vient la fameuse robe portée par Lady Gaga cet été lors d’une soirée de gala et avec laquelle l’illustre chanteuse a posé aux côtés de la non moins illustre artiste serbe Marina Abramovic. Une étudiante sortie de La Cambre depuis un an à peine pouvait-elle rêver d’une meilleure vitrine ?
Troublante coïncidence : c’est en fait à New York, ville natale de Lady Germanotta, qu’a germé l’idée de cette collection marquant la fin des études de Louise Leconte. Au département des armes et des armures du Metropolitan Museum, pour être précis. « Je suis ressortie du musée en ayant l’impression de n’avoir vu que des femmes », se souvient la jeune créatrice. « Ce que ces armures mettaient en avant créait une proportion au corps qui était très féminine. Elles cintraient la taille, elles accentuaient la poitrine, les hanches. Ça m’avait interpellée : comment un attirail militaire, guerrier, a priori masculin, jouait des codes de la silhouette féminine. C’est ce que j’ai voulu traduire ensuite dans les vêtements ». Et Louise Leconte de signer pour son défilé 2012 une collection à l’esprit martial, jouant sur le visible et l’invisible, le dissimulé et l’exhibé.


Louise Leconte a survécu à la tempête médiatique de l’effet Gaga et elle n’a pas choisi de surfer sur cette vague en commercialisant LA robe. Car la jeune Bruxelloise – née à Paris, c’est vrai, mais arrivée à 5 ans dans la capitale belge, donc ça ne compte pas, n’est-ce pas ? – a trouvé l’accessoire ultime pour sa Jeanne d’Arc version 2012 : un sac bouclier. Et ça, pour le coup, même Alexander McQueen n’y avait pas pensé avant elle (« quand je vois ses créations, je me demande parfois ce qu’on peut encore faire après lui »). « Je ne sais pas de quelle époque date le bouclier original en cuivre que j’ai moulé parce que je l’ai acheté sur un marché aux puces à un mec qui devait en savoir autant que moi. Il fait à la fois moyenâgeux et antique. Quand j’ai vu cet objet, je me suis dit tout de suite que c’était un sac. Il y a eu un parallèle super évident entre le bouclier au blason d’un roi qu’on brandit et le it bag de créateur. Un sac rallie ou exclut. Comme les choix vestimentaires. Le vêtement qu’on porte va rallier des gens à soi, qui vont s’y reconnaître, ou il peut exclure une autre catégorie de personnes qui vont peut-être être tenues à distance. C’est un peu tribal finalement. Dans des proportions différentes en fonction des individus, évidemment. Il y en a qui jouent davantage que d’autres sur ça ».


Aujourd’hui, ce bouclier en cuir avec compartiment pour smartphone, à porter au dos, en bandoulière voire au poignet, est disponible à la vente et il a donné naissance à une nichée de portefeuilles et de miroirs de poche, en attendant les bijoux en métal. Mais il a fallu plus d’un an entre le prototype et le résultat final. « En sortant de La Cambre, on peut intégrer une maison et y faire ses armes. Et je pense qu’on est impeccablement préparé pour cela. Mais ce n’est pas ce que j’ai voulu faire. Aujourd’hui je me rends compte que toutes les difficultés auxquelles je fais face depuis que je suis sortie, sont des difficultés auxquelles je n’ai jamais été préparée. Il y a des organisations, comme MAD Brussels par exemple, qui mettent des outils à disposition des jeunes créateurs, mais ça nécessite des recherches, du temps pour la constitution des dossiers... J’apprends tout sur le tas et ça fait un an que je passe plus de temps à faire tout ce à quoi je n’ai pas été formée que le reste, que la création à proprement parler. Je ne m’y attendais pas, en tout cas pas dans ces proportions-là ».
Certaines clientes de Louise Leconte accrochent le sac bouclier au mur quand elles ne le portent pas. Œuvre d’art ou objet utilitaire ? La créatrice ne tranche pas et apprécie cet entre-deux. Cette position se traduit aussi dans l’espace de travail qu’elle a choisi : un ancien entrepôt devenu un atelier partagé avec des graphistes/éditeurs (Autobahn, Alexis Jacob), Third Hand, actif dans le son, et le collectif d’artistes/curateurs NOT-YET qui réunit les plateformes Mobile Institute, Bar.Temp et Projet Diligence. « Ça peut être très solitaire comme métier. Ici je suis contente d’avoir de la compagnie et de pouvoir échanger des idées. En tant que créateur de mode, on collabore avec beaucoup de gens, mais on est seul à prendre les décisions. Et parfois, n’avoir personne vers qui se tourner quand il s’agit de poser le point final, c’est un peu angoissant ». Qu’elle se rassure : jusqu’ici Louise Leconte semble avoir mené sa barque avec le bon mélange d’audace et de discernement.

Commune : Ixelles
Prochainement à Bruxelles : Installation autour de la Shield Collection (pièces de maroquinerie et bijoux en vitrine jusqu’au 27/10, avec une vidéo sur la genèse de la collection) lors du Parcours Mode, nocturne du 25/10, Hunting and Collecting, www.madbrussels.be
Louise Leconte participe à la journée de conférences TedxBrussels (28/10, Bozar) aux côtés notamment de Scott Thomas, design director de la campagne d’Obama en 2008, et de Neelie Kroes, vice-présidente de la Commission européenne, www.tedxbrussels.eu
Où acheter du Louise Leconte : Chez Hunting & Collecting, rue des Chartreux 17, Bruxelles, www.huntingandcollecting.com, et très bientôt sur l’e-shop du site de la créatrice
Info : www.louiseleconte.com

Photos © Heleen Rodiers

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