Dans l'antre d'artistes : Michel François

Estelle Spoto
© Agenda Magazine
14/12/2012
L’image du rhizome, tige souterraine de certaines plantes vivaces qui a tendance à s’étendre horizontalement, revient fréquemment pour qualifier l’œuvre de Michel François. L’ortie, par exemple, est une plante à rhizome. L’iris aussi. Ça tombe bien : Michel François est un pur Bruxellois, même si son ascendance maternelle lui a valu de voir le jour à Saint-Trond, dans le Limbourg. Ce développement horizontal, sans hiérarchie, se retrouve concrètement dans l’organisation de l’atelier de l’artiste, installé depuis quelques mois dans les immenses locaux saint-gillois d’une ancienne maison d’édition : différentes œuvres, en plâtre, en métal, en bouts de cire rouge, se développent simultanément, l’une à côté de l’autre. Une facette de son travail se base sur le recyclage de rebuts auxquels il évite de finir à la poubelle et qui, une fois assemblés par ses soins, reçoivent une nouvelle existence. « Je m’intéresse à ce moment qui précède directement la disparition, juste avant la destruction, l’éparpillement, l’évaporation. Pour moi, une pièce est réussie quand elle traduit cet état instable avant le basculement dans le néant. Comme une espèce de vanité, qui met en évidence notre propre situation, notre propre finitude : on est là momentanément, compacts, solides, debout, et on sait bien qu’on va trébucher. C’est ce moment-là que je trouve à la fois tragique et beau et que j’essaie de transmettre à travers toutes sortes d’images, d’objets ou de projets ».
Photographiques, vidéo, prenant la forme de sculptures ou d’installations, les œuvres de Michel François contiennent parfois des associations déroutantes. Dans son exposition actuellement présentée à la galerie Xavier Hufkens, on peut voir des milliers de cacahuètes en bronze jaillies d’un sac de ciment. Ailleurs, dans une vitrine, un t-shirt dont les petites poches cousues sur le devant contiennent de vrais œufs. Surréaliste ? « Pas du tout, l’inspiration vient de faits bien réels. Ces cacahuètes viennent du Bénin qui est un petit producteur de très maigres cacahuètes qui ont été fondues séparément, une par une ; chacune est unique et le fait de les avoir coulées en bronze souligne leur préciosité et leur rareté. Elles sont arrivées dans ce sac de ciment. Le t-shirt est un copier-coller de la réalité. C’est un Chinois qui se servait de ce procédé pour transporter des œufs d’oiseaux rares et interdits à l’exportation. De cette manière, les œufs restaient au chaud, couvés, pendant le trafic. C’est l’urgence et la nécessité qui poussent les clandestins ou les trafiquants à déployer une telle ingéniosité pour se transporter ou passer des produits illicites. Je suis très intéressé par cette esthétique qui dévoile une nécessité et une créativité parfois extraordinaire. Ça frise l’art ».
L’exposition s’intitule Pièces à conviction, et c’est aussi le titre principal de toutes les œuvres présentées. Il découle à l’origine d’une série de photographies de véritables pièces à conviction - parapluies, cannes, battes de base-ball... - prises au palais de justice de Bruxelles. « Dans la vie courante, ces objets n’ont aucun intérêt particulier. Mais en étant tout à coup associés à un cas juridique spécifique, attestant d’un événement criminel, ils deviennent soudainement précieux, importants, décisifs. Ils se chargent d’une nouvelle aura. C’est un peu le même phénomène quand un objet sort de l’atelier pour être rendu public. Il devient une sorte de ‘pièce à conviction’, plus ou moins convaincante d’ailleurs, mais c’est ce même phénomène de charge décisive sur l’objet, artistique ou criminel».

Ouvert aux accidents - du bronze fondu qui déborde du creuset et qui part en vrille au contact du sol froid, une tache qui s’étend selon ses propres lois... -, attentif aux petits événements fabuleux, Michel François se fie à la réalité pour l’inspirer. « On pourrait comparer mon travail dans l’atelier à celui d’un scientifique qui garde beaucoup de flexibilité et d’imagination dans l’interprétation des résultats de ses expérimentations. C’est une manière de chercher la surprise, de trouver l’inattendu, de faire avancer les choses et les idées aussi. Il y a des splendeurs qui arrivent par elles-mêmes, sans qu’on les ait réellement convoquées, c’est la vie. Il faut être attentif au hasard ».
Commune : Saint-Gilles
À voir actuellement à Bruxelles : > 12/1/2013, Michel François, Pièces à conviction, Galerie Xavier Hufkens, www.xavierhufkens.com
Quelques expositions solos récentes : Michel François, Pièces à conviction, CRAC Centre Régional d’Art Contemporain Languedoc-Roussillon, Sète (2012) ; Michel François, Le Trait commun, École des Beaux-Arts, Paris (2012) ; 45.000 affiches, 1994 - 2011, MAC’s, Musée des Arts Contemporains, Le Grand-Hornu (2011) ; Plans d’évasion, IAC, Villeurbanne (2010) ; Bortolami Gallery, New York (2010) ; Plans d’évasion, SMAK, Gand (2009)...

Photos © Heleen Rodiers

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