Dans l'antre d'artistes : MMOS

Kurt Snoekx
© Agenda Magazine
11/09/2013

Must Make Outstanding Stuff: un nom court et puissant, suggérant la menace de la deadline qui plane au-dessus des têtes. Nous avons saboté le coffret électrique du jeune duo du studio MMOS pour le sortir de son rythme effréné. Enfin, « jeune » duo : « On nous dit souvent que nous parlons comme un vieux couple ».
« Stuff to do » est imprimé en grand sur un A3 plaqué au mur de l’espace qu’occupe MMOS dans un bâtiment de l’Allée Verte. Et c’est le moins que l’on puisse dire quand on écoute Frea Mathijssen (née en 1985) et Eveline Meijering (1986) : elles ont « des trucs à faire ». L’électricité est coupée, ce qui réduit leur imprimante au silence alors qu’elles doivent sortir des prints autocollants pour les coller sur des tables San Pellegrino. Deadline : le lendemain matin. Leur ambition de travailler en dehors de leur zone de confort semble donc être une véritable prophétie. Mais c’est le prix à payer pour repousser les frontières. Des « stuff to do », et pas n’importe lesquelles : MMOS - pour Must Make Outstanding Stuff - veut réaliser des choses hors du commun. Et après un an seulement de collaboration, Frea Mathijssen et Eveline Meijering en donnent déjà de belles preuves. Comme l’installation lumineuse 3D interactive qu’elles ont réalisée dans le cadre de Design September pour The Dominican à Bruxelles. Ou les tables qu’elles ont imaginées pour San Pellegrino et qui renforceront la cohérence du restaurant The Villa à Anvers.
Frea : « Nous étions dans la même classe pendant quatre ans à Sint-Lukas, en concept graphique/art plastique. Pendant tout ce temps, nous nous sommes dit qu’il fallait que nous fassions des trucs ensemble. Après quatre ans, nous l’avons fait ». Eveline : « Nous avons d’abord travaillé en free-lance pendant un an et nous étions à l’affût de chouettes jobs en tant que graphistes, mais on nous poussait toujours dans une certaine direction. Alors que nous avions vraiment envie de faire les choses à notre façon. Et comme nous sommes toutes les deux assez têtues, nous avons pensé créer notre propre studio ». Cet entêtement est-il une limite pour leur collaboration ? Eveline : « Nous ne prenons pas les choses au sérieux. Parfois nos têtes de bois entraînent des discussions, mais tout se passe bien ». Frea : « Jusqu’à présent, nous n’avons pas eu de problèmes. Les gens nous disent souvent que nous parlons comme un vieux couple. (Elles rient aux éclats) Mais pour le reste, on n’a pas à se plaindre ». Eveline : « À deux, on a beaucoup plus confiance en ce que l’on fait. On a toujours quelqu’un sur qui compter pour prendre du recul. Et si une de nous deux hésite sur un concept, on l’adapte jusqu’à ce que nous soyons contentes toutes les deux ». Frea : « À deux, on est davantage forcée à sortir de sa zone de confort, à aller plus loin. Évidemment, cela demande plus de temps et cela crée plus de problèmes. Quand on est seul, on prend les décisions plus vite. Cela a des avantages et des inconvénients, mais nous voyons surtout les avantages. On se complète bien ».
Depuis ses débuts, MMOS – grâce à un contrat de location avec le gestionnaire d’espaces vides Entrakt – travaille dans l’ancienne usine bruxelloise du fabricant de chaînes de vélo Renold, plus précisément dans les locaux du directeur et de sa secrétaire. Tous les espaces de cet énorme bâtiment sont occupés par des ateliers et des espaces de répétition, et au rez-de-chaussée, jusqu’à il y a peu, la Compagnie Soit avait son studio de danse. Eveline : « Bruxelles est un peu notre ville. Nous avons étudié ici et quand nous avons dû décider où nous allions installer notre bureau, Bruxelles s’est imposée comme un choix logique. Elle se situe stratégiquement entre Louvain et Grimbergen, où nous habitons ». Frea : « Nous avons une histoire commune ici et nous avons encore beaucoup de choses à découvrir, aussi sur le plan graphique. Peut-être avions-nous même inconsciemment l’impression que nous pourrions faire plus de choses ici : arriver à ce que nous voulions vraiment ». Les stuff to do ont un peu empêché le duo de s’intégrer dans le décor de la ville. Frea : « Cette année, nous avons eu tellement à faire que nous n’avons pas eu le temps d’aller en ville. Mais Bruxelles en soi n’est pas vraiment une source d’inspiration ». Eveline : « La ville offre beaucoup de possibilités. Une session de brainstorming avec un café dans un parc, c’est facile. Et avec la verdure, on n’a pas l’impression d’être dans une grande ville. Plus que de l’inspiration, Bruxelles nous offre un sentiment de liberté ».
Il faut un peu tâtonner pendant l’année de lancement de son propre studio. Frea : « Bien sûr ! On sort de l’école... et on ne sait rien. Au bout de sept ans, nous nous sentions à l’aise dans la conception, mais pas dans tout le reste : la communication avec les clients, la gestion des missions, la paperasse et les factures... » Eveline : « Oui, tout ce qui concerne la gestion d’une société. À l’école, on travaille pour soi. Ici, il faut être plus sérieux parce que tout en dépend. On est face à des clients qui payent pour ce dont ils ont besoin ». Frea : « En même temps, nous trouvons très important de faire que ce que nous voulons dès le début du projet. Nous avons donc décidé de ne pas nous consacrer à des projets annexes pour remplir notre emploi du temps. Plutôt travailler trois jours à fond pour des missions dans lesquelles nous croyons vraiment... » Eveline : « ... que travailler plein temps à faire des cartes de naissances pour une tante ou une invitation pour un mariage ». (Rires) Et cela porte ses fruits. Au bout d’un an, MMOS a réalisé plusieurs belles missions pour Design September. Frea : « Un projet comme celui de The Dominican est parfait. On y a consacré beaucoup de temps, pour lequel on n’a pas été payées, mais on a vraiment pu montrer ce dont MMOS était capable. Il y avait aussi un cahier des charges à honorer. On aime ce genre de contraintes. Je ne pense pas qu’on pourrait un jour se dire : ‘Tiens, et si on faisait une sculpture toutes les deux’. (Rires) Nous adorons faire des choses dont nous savons qu’elles auront une utilité. C’est là que nous trouvons le plus de satisfaction ».
En plus de la fonctionnalité, les concepts de MMOS se distinguent surtout par un côté ludique et l’envie de raconter des histoires. Le projet de fin d’études de Frea, Zicht op geur, était une manière de visualiser les odeurs : « J’ai un très bon odorat et cela m’agace, cela influence ma vie. Je trouvais que je devais être capable de montrer cela en tant que créatrice ». Et le projet d’Eveline, Bellator, a abouti à des petits guerriers emballés dans un packaging médical très crédible : des peluches que les enfants peuvent poser sur leur ventre, leur tête ou leur oreille pour combattre les microbes. Dans le projet San Pellegrino, il y a aussi quelque chose qui sous-tend le design formel épuré, comme une carte colorée : toutes les taches sont reliées par un jeu de lignes qui insiste sur les liens qui existent entre les plats et ceux qui les mangent. Frea : « Oui, il y a toujours quelque chose derrière. Nous ne dessinons pas un triangle parce que nous trouvons cela joli ou pour apporter un équilibre. Nous pensons que c’est essentiel qu’il y ait une idée derrière et que l’histoire se tienne ».
Make a Bird Fly, l’installation lumineuse que MMOS a conçue pour The Dominican, est aussi un projet pensé dans ses moindres détails. Eveline : « L’installation se compose de trois oiseaux migrateurs d’une envergure de deux mètres chacun, sur lesquels on peut tirer pour les faire voler. Ils sont fabriqués en plaques de plexiglas dans lesquelles nous avons inséré un fil lumineux ». Frea : « Design September nous a demandé d’imaginer quelque chose pour The Dominican. The Dominican est un hôtel, donc il y a constamment des gens qui entrent et qui sortent. Nous avons pensé aux oiseaux migrateurs ». Eveline : « Nous avons imaginé le concept et tout développé, coupé et installé nous-mêmes. Nous avons cherché quel matériau nous devions utiliser et comment le faire. Nous essayons au maximum de faire les choses nous-mêmes… parce qu’on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même. (Rires) D’autres le feraient toujours d’une manière un peu différente de ce que nous avons en tête. Cela nous demande évidemment beaucoup de temps pour chercher, poser des questions, harceler des gens et apprendre des techniques ». Frea : « Nous trouvons intéressant de sortir du rôle du concepteur graphique qui pense seulement en 2D. D’abord on rame un peu, mais on apprend énormément ! » Eveline : « Je pense à notre premier projet commun, une sorte d’installation avec des projections au sol et sur les murs, dans laquelle on expliquait en 6 minutes comment se compose le tableau de Mendeleïev. C’était un vrai défi, mais cela a porté ses fruits : au final, l’installation est utilisée au PASS de Mons ».
Il y a beaucoup de stuff to do, et le planning se remplit à toute vitesse. Mais un bel avenir se dessine pour le vieux couple aux corps et aux idées jeunes. Où cela va-t-il les mener? Tout est encore ouvert. Eveline : « On veut simplement réaliser des outstanding stuff ». Frea : « Et tirer le maximum de ce qui se présente ».

COMMUNE : Bruxelles
ACTUALITÉS : Design September: 5 > 30/9, Make a Bird Fly, The Dominican ; 13 & 14/9, One Year Anniversary & Open Doors, MMOS ; 10 > 31/10, Tavola San Pellegrino, The Villa, Limbastraat 1, Anvers, www.designseptember.be
INFO : Allée Verte 1, www.mmos.be, www.facebook.com/mmos.bxl

PHOTOS © Heleen Rodiers

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