Dans l'antre d'artistes : Sofi Van Saltbommel

Estelle Spoto
© Agenda Magazine
08/05/2014


« Delft Punk » ? C’est le surnom qu’a donné un de ses amis à son vaisselier où la porcelaine traditionnelle en bleu et blanc mute à coups d’hybridations contemporaines. « Chez moi tout est permis, tout est possible », confirme Sofi Van Saltbommel. « On peut tout faire, mais on ne peut pas faire n’importe quoi ».
« Et je me remémore notre nuit très bien / Comme un crabe déjà mort / Tu t’ouvrais entre mes mains ». Ces quelques paroles chantées par Christophe Miossec sur l’album Boire résonnent étrangement dans l’atelier de Sofi Van Saltbommel, face à une créature hybride en terre, croisement entre ce crustacé à l’épaisse carapace et une poupée au corps offert. « Le crabe est un symbole féminin », précise cette artiste belgo-néerlandaise formée de jour à la sculpture et le soir à la céramique. « Il est lié aux marées, à la lune, comme le cycle menstruel ».
Alors évidemment, en pensant à ses assemblages de gants de ménage roses, à ses trousses de toilette entrouvertes comme des vulves, on risque de tomber dans la fameuse tarte à la crème de l’artiste femme forcément féministe. « Je n’ai pas de propos féministe », rectifie-t-elle tout de suite. « Il y a dans mon travail quelque chose de structurel qui est lié au corps et cet aspect féminin découle probablement de ma nature. Parce que je suis une femme, simplement. J’ai réalisé pas mal d’œuvres qui s’apparentaient à du ready-made, à partir d’objets de mon quotidien et donc du quotidien féminin. C’était une sorte de clin d’œil, une manière d’amener un peu d’humour. Mais je ne fais pas de l’art féminin, je suis beaucoup plus préoccupée par des choses liées à l’humain en général ».
Ailleurs, sur une étagère, des statuettes naïves en porcelaine représentant des enfants - celles que l’on pouvait trouver sur les buffets en chêne de nos grands-mères - ont été dotées de cornes et transformées ainsi en satyres rococo. « J’aime beaucoup travailler sur l’idée de sauvagerie. Actuellement, on vit avec une vision tellement aseptisée, colmatée, canalisée. On nie notre côté animal. Revenir à la mythologie me permet de parler de toute une série de choses qui étaient beaucoup plus intégrées dans la culture à l’époque ». Une ambition qui donne parfois à ses œuvres un côté troublant. Volontairement inquiétant ? « Je ne cherche pas à inquiéter. J’ai juste l’impression de souligner certains aspects qui sont en nous ».
Sur la table sèchent des moulages de masques d’animaux, pour un projet autour du carnaval, ce moment de licence par excellence. Une de ces pièces est une double tête de singe, comme un Janus version chimpanzé. « La symétrie m’intéresse beaucoup. Au niveau plastique et parce qu’elle ramène à notre propre corps : on a deux yeux, deux narines, deux bras... » Sofi Van Saltbommel semble elle aussi avoir deux visages, comme on le découvre en progressant dans son atelier. Au rez-de-chaussée, c’est le règne de la céramique, avec les inévitables traces d’argile sur le sol, avec le four, avec le tour où s’érigent ses formes organiques, évocatrices mais énigmatiques. À l’étage, un espace de travail est réservé à la couture.
Car sous le label Zoumilictrik, Sofi Van Saltbommel, digne fille de stylistes actifs dans le prêt-à-porter, crée des vêtements. Sur le mode du recyclage, comme elle l’a démontré - et le démontrera à nouveau bientôt - à la Vintage Fashion Night à l’Hôtel Le Berger. Sous ses doigts, les épais papiers qui isolent les couches de pralines dans les ballotins s’assemblent pour composer de magnifiques faux culs. Des jouets robots se portent en sautoir. Teintés et couverts de cire, de vieux rideaux ou un grand napperon au crochet trouvent une seconde vie en robe d’apparat. Ces deux faces, céramique et stylisme, se sont unies dans un projet ambitieux de défilé organisé cet été dans le cadre prestigieux de la salle des mariages de l’Hôtel de Ville de Saint-Gilles. Au son d’une improvisation au piano, avançant sur un rythme processionnel, dix femmes portaient des tenues essentiellement blanches, mêlant fourrures, coiffes à cornes, jabots, collerettes et ossements en terre se déployant comme des mâchoires ou des colonnes vertébrales externes. « Ce sont des vêtements qui sont portables mais qui sont aussi pensés comme des objets. Pour moi, un vêtement, c’est une sculpture sur le corps ». Sofi Van Saltbommel envisage prochainement une version noire du défilé. Affaire à suivre.


Commune : Ixelles
À voir à Bruxelles : > 30/6, lu > sa 11 > 18.30, Sofi Van Saltbommel : Le vaisselier, L’iselp, www.iselp.be ; 16/5, 20.00, Vintage Fashion Night, Hôtel Le Berger, www.secondlifefestival.net
Récemment : Triennale de la céramique et du verre, 19/10/2013 > 5/1/2014, Mons ; Wunderkammer (expo collective), 1/6 > 29/9/2013, Venezia & 5/11/2013 > 29/1/2014, Roma ; "Défilé" de Parures, 31/9/2013, Hôtel de Ville de Saint-Gilles; Métamorphoses (expo collective), 25/6 > 25/8/2013, Musée Ianchelevici, La Louvière
Info : sofivansaltbommel.be

Photos © Heleen Rodiers

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