Dans l'antre d'artistes : Xavier Mary

Estelle Spoto
© Agenda Magazine
20/11/2014
Quel est le point commun entre Conan le Barbare, la ville de Liège et les glissières de sécurité qui bordent nos autoroutes ? Réponse : l’acier, et aussi Xavier Mary, plasticien né dans la Cité ardente en 1982, soit l’année de la sortie du film de Schwarzenegger. « Mais aussi l’année où ont été fabriqués les synthétiseurs et les boîtes à rythme qui ont permis d’inventer la techno ». Bref, une très bonne année.

Prenez le logo de Volkswagen, retournez-le et vous obtiendrez les initiales de Xavier Mary : le W se transforme en M et les deux V en miroir forment un X. Faut-il, face à cette troublante coïncidence, s’étonner du fait que cet artiste soit à ce point passionné par les voitures et par leur biotope de prédilection, les autoroutes, et qu’il en ait fait une des principales sources de son inspiration ? Toute son exposition présentée actuellement à la galerie Baronian, Over Drive, tourne autour de ça. Une expo à base de pneus, de pots d’échappement et de panneaux d’isolation acoustique autoroutiers.
« Je travaille souvent par projet », explique Xavier Mary. « Je n’ai pas vraiment une pratique d’atelier. Quand je prépare une exposition, soit je trouve un titre et je pars de là, soit il y a une sorte d’idée maîtresse qui se met en place et qui devient génératrice d’un ensemble de pièces. En général, il y a quelque chose de très monolithique dans ma façon de faire une exposition. C’est une sorte de tout, une sorte de simulation dans laquelle on est englobé ».
Un porte-pneu porte le titre de Wheel of Pain (« la Roue de la Douleur »). Un présentoir à pots d’échappement a lui été baptisé Tree of Woe (« l’Arbre du Malheur »). Les fans de Schwarzie et d’heroic fantasy y auront tout de suite reconnu deux éléments fondamentaux du film Conan le Barbare : la roue à laquelle le héros est enchaîné comme esclave et l’arbre sur lequel il est crucifié à la fin. « J’ai une passion pour ce film qui est sorti l’année de ma naissance. L’histoire tourne entièrement autour de la légende de l’acier : quand il est enfant, le père de Conan lui livre le secret de l’acier avant d’être tué avec sa mère devant ses yeux. Dans ce récit global de la légende de l’acier, il y a un rapport avec l’expo qui est presque entièrement composée de pièces de métal ».
Pour parvenir à ses fins, pour construire par exemple une monumentale étoile à cinq branches à base de pièces d’angle de glissières de sécurité, Xavier Mary fait appel à des entreprises. Liégeoises, souvent. « Je suis originaire de Liège et c’est une ville qui a une grande histoire avec la métallurgie. Liège a été la capitale de l’acier pendant presque un siècle, une ville majeure de l’économie en Belgique avant que la situation ne s’inverse et qu’on connaisse des drames comme celui d’ArcelorMittal. Aujourd’hui Liège, c’est presque une zone sinistrée, mais il y a toujours énormément de gens qui ont un talent et une connaissance incroyables dans ces domaines-là. En général, avec mes propositions, j’amène les entreprises à travailler complètement en dehors de leurs normes, et dans des temps records. Il y a une telle connivence qui se crée que finalement, ils font autant partie du travail que moi. Par exemple, quand on a mis l’étoile debout, on s’est rendu compte que ça ne tenait pas du tout droit. Il a fallu faire découper d’urgence toutes les pièces au laser. C’est une entreprise de Liège qui s’en est occupée en une heure alors que normalement il faut deux ou trois semaines de délai. J’essaie d’arriver à plus de maturité, mais même en m’y prenant longtemps à l’avance, au final, il y a toujours cette urgence. Les choses doivent arriver avec une forme d’urgence que je n’arrive pas à leur enlever ».
Liège, Xavier Mary l’a quittée il y a une dizaine d’années pour venir étudier à l’Erg et depuis il est toujours resté basé à Bruxelles. « Il y a une telle effervescence ici, encore plus maintenant que quand je suis arrivé. La scène artistique bruxelloise est une des communautés internationales les plus importantes aujourd’hui en Europe. Encore plus importante, il me semble, que celle de Berlin, ville où j’ai passé un an en résidence ».
Depuis deux ans, il a installé son atelier à Forest, chez Komplot, un collectif de curateurs fondé en 2002 et basé depuis quatre ans à Forest, à deux pas du Wiels. Derrière l’espace d’exposition et les bureaux, le bâtiment héberge douze ateliers d’artistes. « J’ai suivi Komplot depuis le début. J’ai toujours été intéressé par les cultures alternatives, que ce soit les rave parties ou la techno, la musique expérimentale... et dans Komplot il y avait cet esprit-là. C’est une plate-forme internationale et il y a énormément de passage dans les ateliers. Ici, on a parfois l’impression de vivre une sorte d’héritage des mouvements no wave des années 80 à New York, quand Sonic Youth et Richard Kern vivaient dans des squats du Lower East Side. J’aime bien cette atmosphère ».
C’est ici que se déroule la phase physique, concrète de sa pratique, qui est quasiment toujours complétée par une phase de recherche digitale, virtuelle. Ainsi, avant d’étaler sur le sol les panneaux d’isolation acoustique polis, texturés, brossés, poudrés pour tester ses compositions polychromes, Xavier Mary a d’abord recensé sur Google Street View tous - je dis bien tous - les panneaux d’isolation des autoroutes belges. Le titre de ces panneaux polychromes ? Foster et Krauss. Un hommage de Mary à Hal Foster et Rosalind Krauss, deux grands critiques d’art américains, théoriciens du modernisme et du postmodernisme. Car oui, on peut à la fois être passionné par Conan le Barbare et par le tournant historique entre l’art moderne et l’art postmoderne. Finalement, la low culture et la high culture sont toutes deux des subcultures, n’est-ce pas ?

Commune : Forest
À voir actuellement à Bruxelles : > 20/12, Xavier Mary: Over Drive, Galerie Albert Baronian, albertbaronian.com
Et ailleurs : > 29/11, Het Kanaal/Le Canal (expo collective), Espace 251 Nord (Liège), espace251nord.tumblr.com ; > 22/12, Encounter at the Boundaries (expo collective), CC de Kollebloem (Puurs), www.encountersattheboundary.be
Quelques expositions solo récentes : Eat The Magic Lions #2, Do not Open, Bruxelles (2013) ; Iron Triangle, APT Institute, New York (2013) ; Petrolatum, Galerie Nagel Draxler, Berlin (2012)
Info : xaviermary.com, www.kmplt.be

Photos © Saskia Vanderstichele

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