Dans l'antre d'artistes : Yves Zurstrassen

Estelle Spoto
© Agenda Magazine
18/09/2014

Dans sa production abondante, on passe en quelques mois de couleurs vives et complexes à des jeux de blanc, de noir et de gris, d’une géométrie presque minimale à un foisonnement désordonné, du microscopique à l’espace. Tout est possible pour Yves Zurstrassen, qui a « toujours voulu être peintre ». « Mais la peinture, ce n’est jamais gagné ».


On pourrait comparer ça à une longue course d’obstacles. Lui-même utilisera l’image de l’alpiniste qui grimpe petit à petit, en mobilisant toutes ses forces. Cela fait quarante ans qu’Yves Zurstrassen pratique la peinture, non figurative, alternant petits et grands formats, phases en noir et blanc et phases en couleurs - complexes de préférence - et basculant sans cesse d’un ordre relatif au chaos. « Quarante ans que je fais ça, 12 heures par jour, de 7 heures à 19 heures. Et je ne m’arrête jamais ».
Ce Verviétois arrivé à 10 ans à Bruxelles avec ses parents suite à l’état moribond de l’industrie lainière en province de Liège dispose aujourd’hui, dans une ancienne usine de coton uccloise, d’un atelier comme tout peintre pourrait en rêver : vaste, lumineux et protégé de l’agitation de la ville par un épais rempart de verdure.


La route a été longue pour en arriver là, depuis le grenier de la rue de Suisse et les multiples petits boulots de sa jeunesse... « Mais je n’ai jamais vraiment souffert de ça. Dès que j’avais un peu d’argent, je peignais. Puis j’ai commencé à exposer. J’ai connu des succès, des échecs, des succès, des échecs... Je ne dis pas que c’était facile, mais l’intensité de la création est telle que petit à petit, il y a quelque chose de très fort qui se construit ».
Il y a quarante ans, personne ne donnait cher de la peau de la peinture, et en particulier de la peinture abstraite. L’ère était au land art, à l’happening, au body art, à la vidéo, à l’hyperréalisme et à la photographie. Mais Yves Zurstrassen n’a jamais été tenté de quitter son médium. « Au contraire, la peinture a été de plus en plus importante pour moi. Je ne m’en lasse pas ! C’est comme si on demandait à un violoniste de quitter son violon parce qu’il existe des synthétiseurs. Je me sens plus libre dans un espace non-figuratif. Mais je ne dis pas que c’est mieux : ça me correspond mieux. J’ai poursuivi mon chemin, je me suis extrêmement nourri de tout ce qui s’est passé dans mon siècle en peinture et j’ai essayé de développer de nouveaux processus ».
Parmi ces nouveaux processus, il y a les pochoirs. Pas ceux que l’on pose sur une surface pour les passer rapidement à la bombe, comme c’est l’usage en street art : ici, le pochoir est intimement intégré au tableau, enseveli de couches de peinture avant d’être retiré plus tard, une fois les nouvelles strates sèches, révélant ainsi une couleur disparue. Avec pour effet paradoxal que ce qui semble ressortir à l’avant-plan se trouve en fait au fond du tableau. La mémoire du passé refait surface.
Les motifs des pochoirs de ces toiles « abstraites » viennent d’une réalité bien concrète. Pour les capturer, Zurstrassen est toujours sur le qui-vive, prêt à dégainer son téléphone. Parcourant de l’index les pages virtuelles de sa réserve portative, il nous montre des étoiles mauresques d’un palais de Grenade, le motif floral du papier peint dans un hôtel londonien, les traces que des réparations sommaires au goudron ont laissées sur une route de Suisse, des plaques de soupiraux devenues inutiles et que plus personne ne voit...


Ces motifs, grâce aux nouvelles technologies, passent, sans quitter l’atelier, de son téléphone au papier. Du papier extrêmement fin et fragile. Du papier journal dont les bobines d’une tonne attendent patiemment, au rez-de-chaussée, d’être progressivement déroulées grâce à une machine que le peintre a lui-même mise au point. Poussant la démarche de ces pochoirs assistés par ordinateur, Zurstrassen fait aujourd’hui apparaître dans ses tableaux le fantôme de Picasso ou un crâne extrait d’une vanité de Cézanne. « Je me permets toutes les libertés. Alors qu’on vit dans un monde où l’on est de plus en plus conditionnés, cloisonnés, surveillés, mon esprit est de plus en plus libre. Et si on ne peut pas faire ce que l’on veut dans l’art, où est-ce qu’on va le faire ? » Personne ne pourra lui donner tort...

Commune : Uccle
À voir actuellement à Bruxelles : > 1/11, Yves Zurstrassen, Galerie Valérie Bach, www.galerievaleriebach.com
Mais aussi, en permanence : A Beautiful Day, fresque dans la station de métro Gare de l’Ouest
Principales expositions personnelles : Grid Paintings, IKOB – Museum für Zeitgenössische Kunst, Eupen (2009) ; Aboa Vetus & Art Nova Museum, Turku (Finlande, 2008) ; Landau Contemporary at Galerie Dominion, Montréal (2007) ; MAMAC, Musée d’Art moderne et d’Art contemporain, Liège (2006) ; Galerie Xippas, Paris (2001)
Info : www.zurstrassen.be

Photos © Heleen Rodiers

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