| Dena Vahdani.

Column

Dena Vahdani : 'Bruxelles est plutôt vriendelijk. Ou suis-je dans le déni ?'

© BRUZZ
29/04/2022

Pendant trois semaines, ­un.e créatif.ve partage sa vision du monde. DENA VAHDANI est, selon ses propres mots, « comédienne, Iranienne et lesbienne ». Regardez son show Dena : warrior princess.
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Si Bruxelles était une œuvre d'art, elle serait le dessin à l'encre de Chine et aquarelle sur toile de Pierre Alechinsky, où son ami Christian Dotremont y a inscrit le poème suivant: "La nuit venue j'allume un peu d'écriture pour voir et je ne vois rien, alors je rampe sous les lettres et je m'enroule dans ce que j'ai dit".

Il est pas hyper cosy ce poème ? Ça me procure une sensation si douillette, comme boire un verre de lait chaud au miel, juste avant de dormir. La toile, que j'ai vue au musée d'Ixelles il y a quelques années, est agréablement belge. Ses créateurs étaient tous les deux bruxellois et membres du mouvement CoBrA. Du coup, normal d'y trouver l'identité de BX, quoi. Une bonne dose de surréalisme dans le texte et du chaos ordonné dans les traits: l'ensemble est un mishmash tantôt urbain, tantôt enfantin, tantôt original. Et ce que j'aime bien, c'est que Alechinsky et Dotremont y ont travaillé ensemble et qu'on ressent leur complicité. C'est gai (gay ?). Après tout, ces deux-là ont même influencé Keith Haring. Je dis ça, je dis rien, hein.

J’ai toujours cette sensation de pouvoir me balader en pyjama dans les rues de Bruxelles, sans qu’on ne me juge (ce qui expliquerait aussi mes innombrables fashion-faux-pas)

On a beau me parler d'autres villes très LGBT-friendly, mais je ne peux m'empêcher de penser que Bruxelles reste quand même une des plus vriendelijk sur ma liste. Ou suis-je dans le déni ? Suis-je (in)consciemment en train de faire abstraction de ce qui me dérange dans ma ville (genre le graffiti sur les joli murs, les déchets par terre ou le bruit des voitures qui klaxonnent) ou est-ce que je ne remarque simplement plus certaines choses, tellement la capitale est devenue mon habitat naturel ? Que, comme pour le chaos dans le dessin, j'arrive tout à fait à le "comprendre" après l'avoir observé assez longtemps, et qui me fait sentir chez moi ?

D'ailleurs j'ai toujours cette sensation de pouvoir me balader en pyjama dans les rues de Bruxelles, sans qu'on ne me juge (ce qui expliquerait aussi mes innombrables fashion-faux-pas). Mais d'un autre côté, je me demande si je suis simplement inconfortablement confortable dans un environnement qui n'est pas aussi limpide qu'il le semble ? Comme à l'époque où on était enfant et qu'on se mettait n'importe comment sur le fauteuil (la tête en bas, les pieds en l'air) pour regarder Cartoon Network, au lieu d'aller courir dans l'herbe dans un parc en plein air.

La réalité se trouve probablement entre les deux. Malgré mon métier qui demande de mettre en avant mon côté extraverti, je suis très introvertie dans ma vie privée. Et pour m'épanouir, j'ai besoin d'être dans un safe space. Heureusement, il y a ces endroits agréables à Bruxelles, comme le Cabaret Mademoiselle, The Agenda, le Crazy Circle, ainsi que de nombreux événements, collectifs et plateformes qui continuent à me faire sentir comme dans un dessin d'Alechinsky, couverte des mots de Dotremont. Chez moi, en dehors de chez moi, en pyjama.

Relire la série complète ? BRUZZ.be/bruxellesvies

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