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Facing the Future : l'avant-garde de part et d'autre du rideau de fer

Sophie Soukias
© BRUZZ
21/06/2016

Qui a dit que l'avant-garde était l'apanage des démocraties occidentales pendant la Guerre Froide ? Une exposition d'art itinérante, faisant arrêt à Bozar, prouve le contraire. L'occasion de voir près de 200 œuvres des plus grands artistes d'Europe de l'Ouest et d'ex-URSS.

Il y a deux ans de cela, l'historien de l'art allemand Prof. Eckhart Gillen, recevait une lettre du peintre et écrivain russe Maxim Kantor - figure de l'underground soviétique des années 1980 - lui faisant part d'un projet qui lui tenait à cœur et dont il désirait lui confier la réalisation : une grande exposition itinérante qui réunirait les peintres de l'avant-garde européenne, Russie incluse, pendant la Guerre Froide. " En tant que Russe vivant en Europe, il voulait que les gens se souviennent qu'après la Seconde Guerre mondiale, les artistes ont continué de collaborer en dépit du rideau de fer ", explique Eckhart Gillen. C'est ainsi qu'est née Facing the Future : Art in Europe 1945-1968, une exposition faisant arrêt à Bruxelles (Bozar), à Karlsruhe (ZKM) et à Moscou (Musée Pouchkine).

Nous nous rendons à Bozar pour rencontrer Eckhart Gillen, co-commissaire de l'exposition avec Peter Weibel (du ZKM). Il propose avec gentillesse de nous faire une visite guidée. La plupart des murs sont encore vierges, mais le Professeur connaît par cœur la disposition de chaque tableau et parvient à les faire vivre comme s'ils se tenaient devant nos yeux. Le récit, chronologique, débute à la fin de la Seconde Guerre mondiale où le deuil et le traumatisme s'expriment à travers des œuvres sombres comme Les Otages de Jean Fautrier. La Guerre Froide s'accompagne de nouvelles préoccupations : le nucléaire, l'émergence de la société de consommation ou encore la conquête de l'espace. Cette période voit naître des courants artistiques d'avant-garde comme le Nouveau Réalisme, le Pop Art et l'Art cinétique. " Chaque section de l'exposition propose des œuvres d'artistes de l'ouest et de l'est de l'Europe ", insiste Eckhart Gillen. Parmi lesquels de grosses pointures comme Gerhard Richter, Pablo Picasso, Fernand Léger, Ilya Kabakov et Franco Fontana. Beaucoup de ces chefs-d'œuvre, prêtés par les musées, sont exposés pour la première fois à Bruxelles. L'exposition se clôture en 1968, année charnière des deux côtés du rideau de fer, avec des photographies de l'invasion de Prague et de la révolution estudiantine à Berlin-Ouest et à Paris.

Comment ces artistes de l'avant-garde s'influencent-ils de part et d'autre du rideau de fer ?
Eckhart Gillen : La communication est clandestine mais elle est bien réelle. Le groupe Nove Tendencje (Nouvelles Tendances) qui voit le jour à Zagreb en 1961 est le point de rencontre de mouvements venus d'Italie, d'Allemagne, de Yougoslavie, de Hongrie, de Pologne, de Russie, etc. Il a la même fonction que le regroupement Zero en Europe fondé en 1957. Ces différents mouvements se connaissent et expérimentent des formes artistiques similaires comme le travail avec la lumière, les machines et la volonté de faire sortir l'œuvre de son cadre. D'où l'art cinétique. L'architecture utopique estime que l'art et la vie doivent entrer en dialogue. Le Pop Art va s'interroger sur le life style en questionnant le consumérisme.

L'avant-garde sous l'ère soviétique a longtemps été occultée en Occident.
Gillen : Tout à fait. En 1981, l'exposition d'art contemporain à Cologne intitulée West Kunst excluait complètement les travaux réalisés en ex-Union soviétique. Encore en 2009, l'exposition 60 Years60 Images qui s'est tenue à Berlin ne traitait que de l'art de l'Allemagne de l'Ouest sous prétexte que la constitution de la RDA ne garantissait pas la liberté de l'art. Mais je ne remets surtout pas en cause le fait que le communisme fut une période extrêmement difficile pour l'art.

En URSS, les formes d'art qui s'éloignaient du réalisme socialiste étaient condamnées.
Gillen : Il fallait peindre selon des critères définis par le Parti. En 1974, par exemple, une exposition en plein air organisée par un groupe de peintres dissidents à Moscou fut évacuée par Khrouchtchev qui envoya les bulldozers ! Certains peintres menèrent une double vie. Comme Kabakov, membre de l'Union des artistes soviétiques, qui illustrait des livres pour enfants. À côté de ce travail, il montrait en privé l'absurdité des règles communistes. Lorsqu'il s'est installé en Europe, son art consistait, entre autres, à montrer aux Occidentaux la vie en Union soviétique.

L'avant-garde en Europe, n'a pas tout de suite rencontré l'accueil qu'on lui connaît ?
Gillen : Les artistes, les écrivains et les philosophes sont toujours les premiers à briser les tabous de la société. C'est pour cela qu'ils sont très souvent critiqués et blâmés parce que les gens ne veulent pas se remettre en question et être dérangés par les artistes. L'avant-garde a rencontré de sérieuses oppositions pas seulement à l'Est mais aussi à l'Ouest ! Ce n'est que vers 1951, quand les gouvernements occidentaux se sont rendus compte du potentiel que représentait l'avant-garde dans la propagande anti-soviétique, qu'ils se sont mis à soutenir les artistes subversifs. L'avant-garde est alors devenue un symbole de liberté.

FACING THE FUTURE: ART IN EUROPE 1945-1968
24/6 > 25/9, Bozar, www.bozar.be

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