À L'Enfant Sauvage, une ode à la poésie fragile des photos du portefeuille

Sophie Soukias
19/06/2023

L’été, saison intensément nostalgique... La galerie L’Enfant Sauvage en rajoute une couche en accueillant une exposition de l’incontournable Conserverie de Metz, réservoir d’archives et de merveilles. À voir ? Une ode aux photographies qui habitent nos portefeuilles et dont la petite taille est inversement proportionnelle à l’affection qu’on leur porte.

Si on vous demandait, là, maintenant, d’ouvrir votre portefeuille... Est-ce qu’on y trouverait une petite photo aux bords écharpés et à la surface défraîchie, mais dont vous ne vous sépareriez pour rien au monde ? La photo de passeport de l’être aimé, une fête bien arrosée immortalisée par un photobooth, la petite bouille de votre bébé ou le portait hérité de votre grand-mère quand elle avait 20 ans ?

En 2013, Anne Delrez lançait une collecte de grande ampleur ayant pour finalité une exposition itinérante qui fait (enfin) arrêt à Bruxelles. Toute personne désireuse de sortir ses photographies les plus chères de l’intimité du portefeuille qu’elles n’avaient pas quitté depuis des décennies parfois, était invitée à les faire numériser à La Conserverie de Metz. Ou, si le déplacement jusque dans le Grand Est de la France était trop compliqué, les scanner à domicile.

Ça ressemble à quoi le bonheur ?
Impossible de parler de l’exposition La Photographie du Portefeuille sans évoquer La Conserverie, lieu d’archives imaginé et géré par Anne Delrez et dont la réputation a depuis longtemps dépassé les frontières françaises. Y sont conservées à ce jour plus de 45 000 photos de famille: « J’ai une appétence pour ce type de photographie. Qu’il s’agisse de son intérêt artistique, esthétique ou affectif. Pour les liens que chacun de nous tisse avec elle.»

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Les photos qui vieillissent dans nos portefeuilles sont-elles des oeuvres d’art ? Anne Delrez en est convaincue et leur donne toute l’attention qu’elles méritent grâce à son projet de Conserverie à Metz.

En parallèle d’expositions et de livres faisant rayonner leur beauté nostalgique, Anne Delrez organise – « quand j’ai le temps et l’argent » – des grandes collectes sur base de thèmes élaborés au contact des images qu’elle croise: le réflexe qu’on a de s’agripper à quelque chose quand on est photographié (Se Tenir), la figure paternelle, plus souvent derrière que devant l’appareil (Père), les oiseaux et leur poésie (Du vent au bout des doigts).

La première exposition-collecte organisée par Anne Delrez était consacrée au bonheur. « J’ai demandé aux gens de chercher chez eux une photo qui leur faisait penser au bonheur », dit Anne Delrez. « Parce que pour moi, la photo de famille, c’est ça: on photographie l’image que l’on se fait du bonheur.»

Mais Anne Delrez n’a pas attendu d’ouvrir La Conserverie pour élever au rang d’œuvres d’art les albums de famille. Photographe-plasticienne de formation, elle agrémentait il y a plus de vingt ans ses expositions personnelles de photos dénichées la nuit dans les poubelles des rues de Marseille.

Quelques années plus tard, elle hérite des albums photo de sa grand-tante et de son grand-oncle. Mariés sur le tard et sans enfants, ils avaient pris l’habitude de se photographier systématiquement, tour à tour, dans le même décor lors de leurs vacances et autres déplacements. La série Charles et Gabrielle sera déclinée sous la forme d’un livre et figure aujourd’hui dans les collections de l’État. « J’en suis ravie et à la fois, ça me faire rire, car je sais qu’ils se foutaient un peu de tout ça.»

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La Conserverie voit le jour en 2008, encouragée par ces belles premières expériences avec la photographie dite vernaculaire - « C’est le mot utilisé pour parler de la photographie que l’on décontextualise, que l’on coupe de ses ramifications affectives et historiques. Mais moi, je parle toujours de ‘photos de famille’ parce que j’aime les mots simples et que ça me va bien ».

Portefeuille numérique
Dans le centre d’archives de Metz, sont conservés 110 ans de photographies prises dans le cadre familial avec une variété insoupçonnée de supports (pellicule, plaques de verre, Polaroid, ...). Aujourd’hui, alors que les albums de famille se consultent sur les smartphones et que les photos du portefeuille se raréfient en même temps que les portefeuilles, que reste-t-il de l’âme de ces clichés ? « La photographie du portefeuille existe toujours. Pour moi, actuellement, l’équivalent est le fond d’écran de votre téléphone. C’est ce qu’on a à la fois envie de garder et de partager. » Les photos de smartphones et autres clichés numériques sont-ils les bienvenus à la Conserverie ? « La barrière à ce jour est purement logistique, mais il n’y aucune raison que ça ne soit pas le cas.»

L’exposition La Photographie du Portefeuille est à découvrir jusqu’au 16/7 à la galerie L’Enfant Sauvage. Info: www.enfantsauvagebxl.com

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