Le sens et le non-sens des NFT

Andy Furniere
© BRUZZ
28/04/2022

| GLO de Kirsi Mikkola - Galerie Nagel Draxler

Dans sa dernière édition, la foire d’art contemporain Art Brussels suit son époque et met à l’honneur le NFT, sorte de certificat numérique de propriété lié à une œuvre d’art virtuelle. Décryptons ensemble le monde du crypto art.

Le NFT, non-fungible token ou jeton non fongible en français, est un certificat numérique unique qui prouve la propriété d’un bien immatériel comme des œuvres d’art virtuelles (par exemple un dessin numérique ou un film d’animation). Comme ces œuvres sont achetées à l’aide de cryptomonnaies, de l’argent numérique donc, on parle aussi de crypto art. Nous répondons à cinq questions sur cet univers artistique aux allures futuristes.

  1. LES NFT EXISTENT DEPUIS QUAND ET QUAND SONT-ILS DEVENUS TENDANCE ?

Le premier NFT fut développé en 2014 par l’artiste numérique Kevin McCoy, en collaboration avec l’entrepreneur technologique Anil Dash, comme partie d’un programme expérimental. Cette œuvre d’art, intitulée Quantum, fait partie d’une animation très simple : un octogone pixelisé qui change de couleur. Mais ce n’est qu’en 2020 que les NFT sont vraiment devenus tendance. Cette évolution peut être liée à une combinaison de facteurs, selon les experts belges Alex Czetwertynski et Nicolas Wierinck, créateurs de la toute nouvelle plate-forme Parallel.art, qui stimule la croissance des NFT. Parallel.art collabore avec Art Brussels et aménagera entre autres le NFT Touchpoint lors du salon, un stand où vous pourrez vous rendre avec toutes vos questions. « Le succès des NFT a été fortement boosté par l’évolution de la technologie pertinente », explique Czetwertynski, « mais c’est fort probablement le début de la pandémie du coronavirus qui a joué un rôle primordial dans cette évolution, car tout à coup les gens passaient beaucoup plus de temps en ligne. » Depuis, des montants énormes ont été dépensés pour des NFT, le record actuel étant une œuvre d’art de Beeple, le nom d’artiste du graphiste américain Mike Winkelmann. Son œuvre Everydays : The First 5000 Days, un collage de cinq mille images auquel il a travaillé chaque jour pendant treize ans, fut vendu l’année passée par la salle des ventes Christie’s pour un montant en cryptomonnaie à hauteur de (à ce moment-là) 69 millions de dollars ou 64 millions d’euros.

  1. EST-CE QUE LES NFT SONT RÉSERVÉS À UNE ÉLITE ?

C’est un fait que des montants énormes sont dépensés par une communauté de personnes qui ont rassemblé de grandes quantités de cryptomonnaies et souhaitent ainsi les investir. Les NFT sont donc partiellement fortement soumis à la spéculation financière d’un groupe limité de personnes qui souhaitent faire monter la valeur des cryptomonnaies en faisant de gros investissements dans les NFT. « Malheureusement, cette stratégie fait que les NFT ont aussi mauvaise réputation auprès de beaucoup de personnes, alors qu’en réalité, l’art numérique est beaucoup plus accessible que l’art traditionnel », explique Czetwertynski. « Pour acheter une œuvre d’art numérique, il ne faut, par exemple, pas se rendre dans une galerie où le prix minimal pour une œuvre est bien entendu assez élevé. Il vous suffit d’aller en ligne pour voir ce qui vous tente et d’acheter des œuvres d’art pour quelques euros parfois ». Surtout la jeune génération, les digital natives, qui sont nés avec la culture de l’internet, exploitent à fond le côté accessible du crypto art. « Pour eux, acheter des NFT est une façon de faire partie d’une communauté », explique Nicolas Wierinck. « Je le vois avec mon fils, qui a dix-huit ans. »

  1. QUELLE EST LA VALEUR ARTISTIQUE DU CRYPTO ART ?

Il est bien entendu frappant de voir que le mème d’un chat, le soi-disant Nyan Cat, s’est vendu en février passé pour un montant en cryptomonnaie valant à l’époque environ 600 000 dollars ou 555 000 euros. Les images de Bored Apes ou CryptoPunk ont aussi attiré l’attention car elles ont été vendues à des prix élevés sans avoir de réelle valeur artistique intrinsèque. « Mais dès le départ, il y a aussi eu des artistes numériques sérieux qui ont créé des NFT et ils sont de plus en plus nombreux », explique Czetwertynski. « Les possibilités en matière d’art numérique sont énormes. » Un bon exemple d’art numérique avec un A majuscule nous vient de l’artiste britannique Anna Ridley, qui a fait une œuvre en utilisant l’intelligence artificielle (IA) qui relie la croissance de tulipes au cours de la cryptomonnaie bitcoin. De cette façon, elle fait référence aux effets négatifs de la spéculation. Les tulipes sont un symbole fort et évoquent la manie des tulipes du XVIIe siècle, à une époque où le prix des fleurs avait explosé. Outre les artistes purement numériques, on voit aussi de plus en plus d’artistes traditionnels qui font le pas, dont quelques grands noms comme l’artiste britannique Damien Hirst et l’Américain Jeff Koons. De nombreuses expériences sont aussi mises en place pour relier le monde numérique et le monde physique, avec par exemple des artistes qui vous offrent une version imprimée lors de l’achat d’un NFT. « Avec Parallel.art, nous voulons explicitement contribuer au développement du potentiel des NFT », déclare Czetwertynski. « Nous mettons en place des projets où priment la qualité artistique, le contenu et l’interaction innovante avec une communauté. »

  1. QUELS SONT LES PRINCIPAUX DANGERS DES NFT ?

Les critiques évoquent souvent l’impact écologique élevé des NFT, causé par la puissance des ordinateurs nécessaire pour les transactions en cryptomonnaies. « C’est un fait qu’au début, cela consommait beaucoup d’énergie, même s’il y a pas mal de discussions sur les chiffres exacts. Mais le problème est de moins en moins poignant car le système a été adapté et requiert maintenant beaucoup moins d’énergie », explique Czetwertynski. « On entend parfois aussi parler de cas de fraude, avec des hackers qui exploitent surtout l’ignorance des victimes concernant cette nouvelle technologie. Pour les gens qui ont perdu beaucoup d’argent suite à cela, c’est bien sûr une catastrophe, car dans le cas des NFT, il n’y a aucune institution qui peut vous aider. Mais toutes sortes de possibilités d’authentification ont été développées afin de prévenir la perte de l’accès aux NFT et cryptomonnaies », explique Wierinck. À côté de cela, le marché des NFT et des cryptomonnaies est très volatile, ce qui entraîne évidemment aussi quelques risques.

    1. EST-CE QUE LES NFT SONT UN BON INVESTISSEMENT ?

    C’est difficile à dire, mais une chose est sûre, il devient de plus en plus facile de faire la part des choses et d’investir intelligemment dans le crypto art. Au début, les NFT étaient tout simplement repris dans une espèce de liste. Il fallait donc parcourir toute la liste pour trouver une œuvre qui vous plaisait. Actuellement, il est devenu beaucoup plus facile de voir la qualité d’un artiste numérique et de ses œuvres. « Au fur et à mesure que les curateurs et les galeries prennent le train en marche, cela continue à évoluer, permettant ainsi aux investisseurs en crypto art de faire des choix plus réfléchis et plus faciles », conclut Czetwertynski.

    ART BRUSSELS

    28/4 > 1/5, Tour & Taxis, www.artbrussels.com

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