Nass Belgica : 50 ans d’immigration

Estelle Spoto
© Agenda Magazine
19/02/2014
(© Benoît de Pierpont)

« Nass Belgica », ce sont « les gens de Belgique » en dialecte, ces familles qui viennent d’ici pour passer leurs vacances au Maroc, fruits plus ou moins directs d’un accord passé il y a cinquante ans entre le Maroc et la Belgique qui manquait alors cruellement de main-d’œuvre. L’exposition ainsi intitulée, qui débute son itinérance (Belgique, France, Maroc) au Botanique, réunit, outre des documents d’archives, des artistes contemporains d’origine marocaine, mais pas seulement, installés en Belgique, mais pas seulement, pour élargir le propos sur l’ici et l’ailleurs, l’altérité et l’identité. Cinq d’entre eux commentent une de leurs œuvres pour AGENDA.



CHARIF BENHELIMA
Child #1

Charif Benhelima est né à Bruxelles d’un père marocain et d’une mère belge qu’il a perdue très tôt. S’il n’est pas lui-même immigré, il vit au quotidien les conséquences de l’immigration.
« Je suis constamment discriminé en raison des racines de mon nom et non de qui je suis », déclare-t-il. La photographie Child #1 fait partie de la série Welcome to Belgium, dont le titre renvoie directement aux accords concernant le recrutement de main-d’œuvre établi en 1964 entre le Maroc et la Belgique. La série présente des portraits d’enfants de Saint-Josse et de Schaerbeek pris dans un décor volontairement neutre et intemporel. « En documentant des enfants d’immigrants nés en Belgique, ce travail vise à représenter ce qu’il y a de commun dans l’enfance, bien que ces enfants soient déjà étiquetés en tant qu’allochtones ».
> www.benhelima.com



MOUNIR FATMI
Les autres c’est les autres

« Les autres, c’est nous », « toute personne est autre », « c’est les autres à part moi », « il n’y a que des étrangers », « il n’y a pas d’étrangers »...
Voici quelques-unes des réponses obtenues par Mounir Fatmi, artiste pluridisciplinaire d’origine tangéroise qui se partage actuellement entre le Maroc, la France et les États-Unis, à la question « Le monde est plein d’étrangers... Qui sont les autres ? » dans la vidéo Les autres c’est les autres. «L’écrivain algérien Mohammed Dib a posé la question à des philosophes dont Jacques Derrida », explique Fatmi. « Il s’est retrouvé devant une impossibilité de réponse. De cette impossibilité, j’ai choisi de poser la question aux gens, directement à travers un micro-trottoir. Il s’agit de chercher l’autre non dans un livre mais à l’extérieur. Cette recherche ne peut pas se passer dans un texte ou un livre mais en dehors. Je voulais sortir cette question d’un contexte philosophique vers un contexte social ».
> www.mounirfatmi.com



THOMAS MAILAENDER
Voiture cathédrale 37XQ06

« Cette photographie fait partie de la série Voiture Cathédrale, réalisée sur le port autonome de Marseille dans les files d’attente de la zone internationale », explique Thomas Mailaender, photographe français né dans la ville portuaire qui constitue un point stratégique de transit entre le Maghreb et l’Europe. L’ethnologue Marc Augé a commenté ce travail en ces termes : « C’est bien la possibilité d’un recommencement qui est alors en jeu, cette possibilité dont la conscience, comme une apparition soudaine, fait l’horizon de toute procédure rituelle. Les photographies de ces cathedral cars sont donc bien, en quelque sorte, des ‘images pieuses’ : elles résument l’hymne à la vie que représente tout effort lucide pour continuer à vivre en surveillant les balises et les amers de l’existence, ou pour recommencer à vivre en les réinventant. Dans tous les cas, même sous la forme triviale du compteur de vitesse et du kilométrage, ce sont les dimensions essentielles de l’espace-temps humain qui sont en cause ».
S’il est français, le nom de l’artiste, Mailaender, signifie « Milanais » en allemand, signe tangible d’une immigration antérieure de sa famille.
> www.thomasmailaender.com



HAMZA HALLOUBI
Effacer

« Depuis ces dernières années, j’essaie de donner une réponse à mon rapport à l’émigration », explique Hamza Halloubi, né à Tanger et installé aujourd’hui en Belgique. « Je résiste à l’idée d’être un émigré. Je me sens plutôt comme un exilé, même si je n’étais pas forcé de quitter mon pays. Je suis en réalité un expatrié. J’ai vécu ces dix dernières années avec des émigrés, j’ai partagé leurs espoirs et leurs frustrations. J’ai beaucoup appris de leur réalité, mais je ne m’en suis jamais servi dans mon art. Le sujet de l’immigration est un sujet sensible. L’image que l’on donne des immigrés est réductrice. On les représente rarement en tant qu’individus mais en groupe, en communauté. Une masse de gens pauvres et d’un niveau d’éducation moyen. C’est un pur cliché. Il faut pas oublier que beaucoup de grands hommes et femmes du XXe siècle sont issus de l’immigration ».
Sa courte vidéo Effacer représente l’acteur tangérois Larbi Yacoubi, véritable pionnier du cinéma et du théâtre au Maroc, dans son bureau, en train d’effacer les notes de son journal. « Le choix de l’acteur est signifiant. Yacoubi représente une époque très importante dans la ville de Tanger. L’intérêt est de montrer l’acte d’effacer comme un acte créatif et significatif dans la vie de l’homme. C’est une critique du rapport à la production ».
> www.hamzahalloubi.com



LAILA ESSAYDI
Outdoor Gossip

« Smoothly », « en douceur ». C’est en ces termes que Lalla Essaydi, née à Marrakech et vivant à New York, qualifie son processus d’immigration. « Comme dans le reste de mon travail, il s’agit dans cette photo de re-visiter et de ré-interroger le corps de la femme arabe, de dresser la carte d’une histoire souvent marquée de malentendus. À travers mes photos, j’espère suggérer la complexité de l’identité de la femme arabe telle que je l’ai connue et la tension entre la hiérarchie et la fluidité qui sont au cœur de la culture arabe. Mon travail s’étend au-delà de la culture islamique pour évoquer la fascination occidentale pour le voile et bien sûr le harem, telle qu’exprimée dans les peintures orientalistes utilisant la figure de l’odalisque. Je veux que le spectateur prenne conscience que l’orientalisme est une projection des fantasmes sexuels des artistes masculins occidentaux, en d’autres termes, une tradition voyeuriste. Mais je veux aussi qu’il apprécie la beauté authentique de la culture représentée ».
> lailaessaydi.com


NASS BELGICA - L’immigration marocaine en Belgique • 22/2 > 27/4, wo/me/We > zo/di/Su 12 > 20.00, €3,50/4,50/5,50, Botanique, Koningsstraat 236 rue Royale, Sint-Joost-ten-Node/Saint-Josse-ten-Noode, 02-218.37.32, www.botanique.be

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