SLT DEC23 PICTURE Michael Ackerman 4

Photographie: Michael Ackerman, l'homme qui voyait des fantômes

Sophie Soukias
© BRUZZ
09/01/2024

Figure vénérée de la photographie introspective, l’Américain nomade Michael Ackerman expose sa série phare Smoke sur les murs des galeries bruxelloises L’Enfant Sauvage et Box Galerie.

Parmi ses images les plus iconiques : le portrait d’un homme au visage creusé, allumant d’une main une cigarette et agrippant de l’autre un immense rapace dont les ailes déployées s’apprêtent à l’engloutir dans le néant.

La photographie est issue de Smoke, une série en hommage à Benjamin, leader du groupe Smoke, chanteur, poète et figure de l’underground américain. Décédé prématurément en 1999, à 39 ans, de l’hépatite C.

ÉTATS D’ÂME
Lorsqu’il le photographie pendant deux ans, de 1997 à 1998, Michael Ackerman est autant envoûté par l’aura et la tendresse de son ami que par Cabbagetown, le quartier populaire d’Atlanta où l’artiste réside. Ainsi dans Smoke, la silhouette longiligne de Benjamin se mêle à d’autres personnages fantomatiques croisés dans la ville au fil des déambulations du photographe.

Dans les bars du quartier mais surtout en extérieur, dans la rue, au contact d’une jeunesse pour qui se faire tirer le portrait est une manière comme une autre de passer le temps.

Lorsqu’il arpente le quartier, Michael Ackerman est guidé par son âme et par ses états d’âme. Des sentiments en noir et blanc où la nostalgie flirte dangereusement avec la mélancolie.

Qu’il s’agisse d’un faubourg d’Atlanta, Cracovie, Bénarès (en Inde), Paris ou Berlin dans le cadre d’autres séries emblématiques, les êtres que le photographe fige appartiennent à un espace-temps qui n’existe que dans l’esprit de celui qui a appuyé sur le déclencheur.

Faites d’errances sur plusieurs continents, les images de Michael Ackerman semblent traduire une impossibilité de trouver un chez-soi. De prendre racine.

CONFRONTATIONS
Né à Tel-Aviv en 1967 au sein d’une famille de déplacés, violentée par le XXe siècle, il déménage avec ses parents à New York sept ans plus tard. À l’université, il rejoint un cercle de photographie étudiant. Il a 18 ans. Obsédé par le médium qui le dévore, il se forme sur le tas, dans les bars, les boîtes de nuit et les rues de New York. Avant de s’envoler pour l’Inde et pour l’Europe.

Ses images floues et évanescentes, dans la lignée de Robert Frank, Anders Petersen ou encore Daido Moriyama, ne laissent pas indifférent. Il accumule les prix internationaux, intègre l’agence VU. Parce qu’il ne se sent appartenir à aucun lieu, il s’approprie chacun des espaces qu’il traverse. Traduisant un monde intérieur tremblant et granuleux, hanté de spectres à qui il donne un visage. Et auxquels il se confronte par le geste photographique.

27 ans après sa série Smoke, Michael Ackerman sort un livre éponyme combinant photographies personnelles, notes et documents d’archives de l’artiste Benjamin, et textes du réalisateur Jem Cohen et de la chanteuse et poétesse Patti Smith. Un plaisir visuel et littéraire que les galeries L’Enfant Sauvage et Box Galerie prolongent par une exposition pendant le Brussels Photography Festival.

La série Smoke de Michael Ackerman est répartie entre les murs de L’Enfant Sauvage et de la Box Galerie entre le 11/1 et le 10/3

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