Quelques mots d’amour

(Antoine de Saint-Exupéry / Serge Gainsbourg © MLMB)

« Ma petite Jeannette adorée, je n’ai rien du tout à te dire, sinon que je t’aime avec une tendresse infinie » : c’est ainsi que l’écrivain français Léon Bloy débute une de ses lettres à sa fiancée Jeanne Molbech en 1890, d’où provient l’intitulé de cette exposition du Musée des Lettres et Manuscrits consacrée à la correspondance amoureuse.

(Pierre Louÿs © MLMB)

Qu’y a-t-il de plus intime qu’une lettre ? Qu’y a-t-il de plus intime qu’une lettre d’amour ? Les dizaines de missives manuscrites exposées – témoignages d’un passé presque révolu à l’ère de l’e-mail et des smartphones – mettent à nu des personnalités à l’aura aussi magnétique que Frédéric Chopin, Jacques Prévert, Antoine de Saint-Exupéry (illustrant ses propos par le Petit Prince, devenu une sorte de porte-parole, photo), Giacomo Puccini, Edith Piaf (folle d’amour du cycliste Louis Gérardin) ou Guillaume Apollinaire, révélant ainsi l’humain – touchant, se livrant parfois en position de faiblesse – derrière l’icône. On découvre la graphie particulière, sans barre de t ni point sur les i, de Serge Gainsbourg, les « Mon Jeannot » adressés par Jean Cocteau à Jean Marais, les lignes complètement obliques d’Ernest Hemingway écrivant sur un bateau à Mary Welsh, sa quatrième et dernière épouse, l’écriture tellement étirée qu’elle en devient presque illisible de Katia Dolgoroukova s’adressant à Alexandre II, tsar de Russie… Et le mythe devient tellement concret, tellement accessible qu’on peut presque le toucher.

(Hugo Claus & Sylvia Kristel © MLMB)

« Je suis très fâchée contre vous, mon Toto, parce que vous vous êtes enfui comme un voleur » reproche Juliette Drouet à son amant Victor Hugo. « Je t’aime de toute mes forces » écrit Jean-Paul Sartre à Bianca Bienenfeld. Placée juste à côté, toujours de Sartre, une lettre à Wanda Kosakiewicz vient rappeler que l’amour peut aussi être inconstant et cruel. René Char écrit à Irène Hamoir sur un papier à l’en-tête du Café de la Gare d’Avignon. Dans un contraste assez cocasse, les termes imprimés « assiette anglaise », « casse-croûte » et « choucroute » forment un contrepoids plutôt terre à terre à ses mots d’amour enflammés. Mais finalement, « qu’importe le flacon »…

(Edith Piaf © MLMB)

Face à toutes ces lettres, on en vient à conclure, toujours avec Musset, « Doutez, si vous voulez, de l’être qui vous aime,/D’une femme ou d’un chien, mais non de l’amour même ».

JE N’AI RIEN À TE DIRE SINON QUE JE T'AIME, CORRESPONDANCES AMOUREUSES > 16/3, di/ma/Tu > vr/ve/Fr 10 > 18.00, w-e 11 > 18.00, €5/7, Musée des Lettres et Manuscrits, Koningsgalerij 1 galerie du Roi, Brussel/Bruxelles, 02-514.71.87, www.mlmb.be