| Renée Lorie, photographiée au parc Duden à Forest.

Renée Lorie: 'Il faut pouvoir se montrer vulnérable'

Sophie Soukias
© BRUZZ
09/07/2021

L’été se profile comme le moment rêvé pour s’immerger dans l’univers hypersensible et mystérieux de la Bruxelloise Renée Lorie. D’abord pendant l’événement géant Photocity, ensuite via un projet de quartier au Recyclart. « Ce que je cherche, c’est la pureté. »

Renée Lorie en quelques dates

  • Naît à Termonde en 1989.
  • Après un bachelier en Histoire de l'Art (Gand) et un master en culture visuelle et du cinéma (Anvers), intègre la LUCA School of Arts à Bruxelles de 2013 à 2016.
  • 2019: sort son premier livre de photographie Noctuary.
  • 2020: expose Shelter et Noctuary au FOMU d'Anvers à l'occasion des 33 days of .TIFF.
  • Participe à Hardennes du collectif 10/10, présenté à la galerie bruxelloise L'Enfant Sauvage.
  • Été 2021: débarque avec deux nouveaux projets: à Photocity et au Recyclart avec Erien Withouck.

« Sur une photo, le passé ne change pas, il reste tel qu’il a été, pour toujours ». Renée Lorie a commencé à prendre des images pour se raccrocher au réel sur le chemin d’une longue nuit noire. Un deuil. Celui de son père. « Je vivais des sensations d’alinéation et de dissociation. La photographie permettait de les saisir. » En résulte le livre Noctuary. Un projet achevant son cursus à la LUCA school of arts à Bruxelles après un Master en Histoire de l’Art. Une succession argentique d’images à fleur de peau révélant cette « inquiétante étrangeté » freudienne saisie dans la banalité du quotidien. Un oiseau noir, effrayant, posé sur une épaule innocente, un visage ami irradié par une lumière aveuglante, une paire de pieds et leurs sandales comme dissociés de leur corps, avalé par l’obscurité.

À FLEUR DE PEAU
Cette relation si particulièrement mystérieuse au réel ne va plus quitter Renée Lorie. « Ma manière de photographier s’est imposée instinctivement. » Dans l’univers à la fois étranger et intensément familier de l’artiste, les images se répondent par un jeu poétique d’associations, alors que les noirs et blancs contrastés accentuent la dissonance des émotions. Car chez Renée Lorie, tous les sens sont en éveil. Presque trop. Quand on s’attarde sur certaines images qui jalonnent le voyage de Noctuary, on se surprend à entendre le vent chatouiller les herbes hautes, à sentir à travers nos doigts la texture lisse et ondulée d’un manteau de soie. « C’est à la fois beau et douloureux d’être à ce point sensible », dit Renée Lorie. « Parfois un rien peut vous sembler terriblement dramatique. En contrepartie, un moment de bonheur est vécu avec intensité. C’est très excitant de parvenir à saisir ces moments brûlants avec un appareil photo. »

Avec le temps, la douleur causée par la perte de l’être aimé se transforme, la photographe aussi. « Vous êtes si seule lorsque vous traversez un deuil. J’avais envie de sortir de cette solitude via un travail social qui permettrait de connecter les gens entre eux ». Pendant quatre ans, Renée Lorie s’engage à la Huis van het Nederlands (la « Maison du Néerlandais ») où elle travaille, entre autres, avec des migrants: « Pour encourager les gens, les aider à se rencontrer. » En parallèle, l’artiste multiplie les projets de quartier. « La photographie est un moyen incroyable de créer du lien. »

La puissante fragilité qui habitait déjà les photographies de Renée Lorie se déplace sur le terrain bruxellois. « Travailler avec les gens, c’est travailler avec la vulnérabilité. C’est parvenir à établir une connexion sincère, et sans filtre. Je me montre vulnérable, pour que l’autre puisse être vulnérable à son tour ,» dit Renée Lorie. « Dans mon travail photographique, je recherche cette même pureté. Il s’agit d’un état d’esprit. » Pas de hasard non plus si l’artiste opte sans exception pour un rendu en noir et blanc. « Les couleurs empêchent le regard de se concentrer sur l’essentiel. » L’utilisation de l’argentique embrasse cette même méfiance à l’égard de l’artificiel. « Les choses sont montrées telles qu’elles sont. »

MANCHESTER BY THE SEA
Pendant le confinement, Renée Lorie se lance avec l’artiste Erien Withouck dans un projet participatif du côté de la rue de Manchester à deux pas du canal, où le centre d’art Recyclart a pris ses quartiers depuis 2018. Cherchant à faire ressusciter les notions de voyage et d’ailleurs à une époque où la planète tout entière était assignée à résidence, les deux artistes sont allées à la rencontre des habitant.e.s du quartier pour leur demander de réactiver leurs plus beaux souvenirs de vacances : par les mots, les images, les cartes postales et tout autre medium capable d’évoquer la nostalgie du sable chaud et de la sieste de l’après-midi.

Cet été, le projet sera décliné sous forme de grandes serviettes de plage et exposé sur le site du Recyclart. « Les gens étaient si isolés et manquaient de belles histoires. Il ne se passait rien. Les souvenirs de vacances sont un excellent prétexte pour commencer à discuter et rencontrer les gens du quartier. Parler d’un voyage, c’est déjà voyager un peu. »

C’est à la fois beau et douloureux d’être à ce point sensible

Renée Lorie

PERSONNE N'EST UNE ÎLE
Dans sa pratique photographique, Renée Lorie quitte progressivement l’introspection du voyage intérieur pour prendre le large et rejoindre les territoires intensément poétiques et fantasmagoriques que sont les îles. D’abord les îles Shetland avec le projet Shelter, exposé avec Noctuary au FOMU d’Anvers à l’occasion des 33 days of .TIFF, une vitrine pour la jeune photographie belge contemporaine.

Et puis, direction le soleil brûlant de La Palma, île espagnole des Canaries, avec Skipper, can I cross the river ?. À voir en ce moment sur le site de Tour & Taxis dans le cadre de Photocity – « La plus grande expo photo d’Europe en plein air », en collaboration avec la galerie L’Enfant Sauvage. « Les îles me fascinent pour tellement de raisons », dit Renée Lorie. « On y trouve ce contraste entre l’isolement et la solitude d’une part, et le lien et la communauté de l’autre. Quand la photographie parvient à connecter ces deux états d’esprit, ce qui se passe est alors purement magique. »

PHOTOCITY: SKIPPER, CAN I CROSS THE RIVER?
> 12/9, Tour & Taxis, www.photocity.be
FROM MEXICO TO MANCHESTER
30/7, Recyclart, www.recyclart.be

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