Rero : totalement barré

Estelle Spoto
© Agenda Magazine
09/04/2014
Parallèlement à la sortie d’une riche monographie, Rero, artiste parisien aux messages multicouches, investit la totalité de la somptueuse galerie Paris-Beijing. L’expo Umwelt - le « monde propre », la manière dont nous percevons notre environnement avec nos sens - offre un panorama de son travail en intérieur et en extérieur. Les deux aspects s’équilibrant pour lui dans « une balance vitale ».

Quand je suis arrivé à Paris, vers 13 ans, et que j’ai découvert le graffiti, je pensais que c’était un code. Comme du morse, un abécédaire particulier. J’ai été hyper déçu d’apprendre que ces mecs, en fait, écrivaient juste leur nom ». S’il s’est dans un premier temps engouffré dans le mouvement en copiant comme beaucoup l’imagerie et les attitudes américaines du graff, Rero (né en 1983) n’a aujourd’hui plus besoin de mettre son nom sur les murs : l’épaisse barre recouvrant ses lettres lui suffit comme signature. Une barre qui annule ou une barre qui met en évidence ? Le message écrit est-il nié ou pas ? « Je joue avec cette ambivalence », explique le Parisien. « Parfois, je veux vraiment dire ce qui est écrit, et parfois c’est l’inverse. Cette barre me permet cette ambiguïté. Je peux dénoncer des choses que je n’aurais pas pu sans ça ».
« La plus pauvre »
Autre caractéristique récurrente des œuvres de Rero : l’utilisation de la police Verdana, créée en 1996 pour Microsoft. « C’est la plus simple, celle qui a le moins de connotations. La Helvetica, par exemple, fait un peu fashion. La Comic Sans MS, les graphistes trouvent que c’est la plus moche... La Verdana, c’est la plus lisible et la plus utilisée sur Internet. C’est la police la plus pauvre, parfaite pour mon travail qui est assez pauvre plastiquement. Ce qui est intéressant, c’est la confrontation du texte avec un support, une matière, un contexte ». Et chez Rero, les supports peuvent être très divers : un champ en pleine nature, de vieilles assiettes fleuries (où il reprend les slogans des grandes chaînes de fast-food), des planches du test de Rorschach, du linge suspendu dans les rues de Rome, le corps du performeur mimétique chinois Liu Bolin, des panneaux publicitaires en jachère, les escalators extérieurs menant aux collections du Centre Pompidou (avec le fameux « Do not cross the line ») ou les murs de bâtiments à l’abandon, portant visiblement les cicatrices du passage du temps.

Tempus edax
La thématique du temps qui s’écoule et la question de la transmission à travers les générations transpirent de l’exposition à la galerie Paris-Beijing. Rero y détourne de vieilles horloges, des photographies de famille jaunies par les ans, des livres anciens qu’il immortalise dans de la résine. Un panneau de bois brûlé porte la mention latine « Tempus edax, homo edacior », « les temps est destructeur, l’homme encore plus ». Dans le white cube à l’arrière de l’Hôtel Winssinger, le message « clear browser history » (« effacer l’historique de navigation ») s’affiche sur une bibliothèque en plâtre. À côté, une série de copies d’un buste de l’époque classique - perruque à boucles comprises - se décline en fonction des messages d’erreur qui y sont appliqués : flou pour « low resolution », le visage sectionné pour « error 404 », complètement détruit pour «l’application a quitté inopinément »... Une installation qui agrège avec humour le passé et un présent où tout se dématérialise. « Le lien de l’ensemble de mon travail, c’est WYSIWYG : What you see is what you get (‘ce que vous voyez est ce que vous obtenez’), la connexion entre le virtuel et le réel, l’écart entre ce qu’on voit à l’écran et ce qu’on voit en vrai ». Mais Rero n’est pas pour autant un anti-progrès : « Je ne suis pas rétrograde, j’utilise Internet, j’ai un portable... Mais avec l’informatique, c’est la première fois qu’une génération a pris le dessus sur la génération précédente. Elle n’avait pas encore la connaissance de cet outil, donc elle ne pouvait pas éduquer la génération suivante. Et il y a eu des maladresses. Ma manière d’utiliser cet outil n’est pas forcément la plus saine pour ma vie. Je pense que la machine doit permettre de gagner du temps, mais on ne doit pas être aliéné par elle. C’est vraiment une question d’éducation. Mais quand je reprends le message « the system has failed », l’informatique, c’est seulement le premier niveau de lecture. Le message est ambigu et peut être ouvert à toute la société ».
All images © Rero - Courtesy Galerie Paris-Beijing

RERO: UMWELT • 10/4 > 7/6, di/ma/Tu > za/sa/Sa 11 > 19.00, gratis/gratuit/free, Galerie Paris-Beijing, Hôtel Winssinger, Munthofstraat 66 rue de l’Hôtel des Monnaies, Sint-Gillis/Saint-Gilles, 02-851.04.13, www.galerieparisbeijing.com

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