Simon Vansteenwinckel: 'Chaque matin, je partais en reportage à Wuhan depuis mon salon'

Sophie Soukias
© BRUZZ
19/11/2020

En réponse au concours international lancé par le Hangar Art Center en plein confinement, le photographe Simon Vansteenwinckel embarquait au mois d'avril dernier pour Wuhan, foyer de l'épidémie en Chine … depuis son salon en Belgique.

"Beaucoup de photographes étaient déjà occupés à photographier l'intimité de leur confinement avec brio. J'ai eu envie de tenter autre chose", dit le photographe et graphiste Simon Vansteenwinckel (Nosotros, Platteland) dont le studio de graphisme, Studio Dirk, est niché au cœur des Marolles.

Au printemps 2020, alors que le secteur de la photographie contemporaine – ses expositions, ses festivals, ses rencontres, ... – avait sombré dans la paralysie, le Hangar Photo Art Center, basé à Bruxelles, se proposait de remettre les photographes européens au travail par l'intermédiaire d'un concours international. Le pitch ? Présenter son confinement tel que vécu de l'intérieur, à travers un prisme positif.

Simon Vansteenwinckel

Séduit par la proposition, Simon Vansteenwinckel n'hésite pas à prendre le contre-pied de l'exercice imposé en s'envolant pour un voyage virtuel à l'autre bout du monde. "La photographie a toujours été pour moi une façon d'être curieux et d'aller vers l'autre. Cela me manquait pendant le confinement, j'avais envie de continuer à aller voir ailleurs."

Wuhan, ça n'est pas que des statistiques et un virus. Je voulais montrer la ville dans la normalité de son quotidien.

Simon Vansteenwinckel

Une expédition aussi improbable que fascinante rendue possible par la technologie, plus précisément par Photo Sphere de Google Maps. Puisque le logiciel immersif conçu par le géant américain permet à n'importe quel internaute de balader son regard dans des photographies couvrant un angle de 360°, prises par des usagers aux quatre coins de la planète.

ILLUSTRE VILLE INCONNUE
Alors que le monde s'offre visuellement à lui, Vansteenwinckel fait le choix radical de jeter l'ancre à Wuhan, foyer de l'épidémie du coronavirus, ville la plus maudite de ce début de XXIe siècle. "Tout le monde pointait Wuhan du doigt, on tenait ses habitants, ces 'mangeurs de pangolins' pour responsables de la catastrophe, alors qu'au fond, personne ne connaissait cette ville. Moi non plus. C'est ce qui m'a donné envie d'aller y faire un tour."

Simon Vansteenwinckel

Confortablement installé devant l'écran de son ordinateur, le photographe parcourt jour après jour chaque recoin de Wuhan, figeant d'un clic de son appareil photo des tranches de vie de ses habitants: une famille profitant d'un bain de soleil à la plage, un groupe d'amis au restaurant, des visages solitaires, ... "Wuhan, ça n'est pas que des statistiques et un virus. Je voulais montrer la ville dans la normalité de son quotidien."

Alors que la pandémie bat son plein, les images que le photographe explore sur Photo Sphere, antérieures pour la plupart à la quarantaine, traduisent la nostalgie d'un monde pré-apocalyptique: un Wuhan où les sourires n'étaient pas dissimulés derrière des masques chirurgicaux et où les foules d'êtres humains n'étaient pas un souvenir lointain.

Simon Vansteenwinckel

La nostalgie, renforcée par le choix de l'argentique, le noir et blanc et la texture granuleuse et évanescente des images – Vansteenwinckel s'en remet à des films Washi F, utilisés originellement pour des radiographies médicales destinées à détecter les maladies pulmonaires – se heurte poétiquement au médium futuriste de Google Sphere. Les ratés du logiciel – un visage à moitié mangé par les pixels, des pieds dépossédés de leur corps – et les coups de flash irradiants réfléchis par l'écran de l'ordinateur du photographe, achèvent de faire basculer le spectateur dans l'irréel. Comme un clin d'œil désabusé au torrent de théories complotistes qui se déversent sur le web.

Gagnant, parmi 26 autres lauréats européens, de l'appel à projet lancé par le Hangar en avril dernier, la série Wuhan Radiography de Simon Vansteenwinckel est à découvrir dans le très bel ouvrage collectif dérivé du concours : The World Within. En attendant une exposition ambitieuse dans le cadre du PhotoBrussels Festival au Hangar reporté à janvier 2021, pandémie oblige.

THE WORLD WITHIN
Ed. Hangar, 312 p., www.hangar.art

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