Spirou : le rouge est de mise

Gilles Bechet
© Agenda Magazine
23/04/2013
Spirou, le personnage créé en 1938, fête ses 75 ans avec une grande exposition qui revient sur les 22 auteurs qui l’ont animé. Yann et Olivier Schwartz, auteurs d’une série parallèle située dans les années 40, pensent que le héros peut se réinventer en se confrontant au passé. Yann, scénariste d’un autre hors-série contemporain, est certain que Spirou peut mûrir sans perdre le public des enfants.

Le 21 avril 1938 paraissait le premier numéro du Journal de Spirou, emmené par un groom à l’uniforme rouge. 75 ans plus tard, le personnage qui s’est réinventé sous les plumes et les pinceaux de pas moins de 22 auteurs est une icône de la BD franco-belge. À l’occasion de la grande expo qui revient sur ce parcours hors normes, rencontre avec le scénariste Yann et le dessinateur Olivier Schwartz, deux auteurs qui évoquent le futur et le passé réinventé de l’ancien groom du Moustic Hôtel.

Comment voyez-vous Spirou ?
Yann : À la base, c’est un personnage assez simple, il est droit, dégourdi et prêt à rendre service, un peu l’incarnation de l’esprit scout. Franquin m’a dit qu’il le voyait comme une savonnette vide. Ce qui l’intéressait, c’était surtout le graphisme par lequel il a essayé de lui insuffler un esprit joyeux et bondissant. Il est comme un gant de marionnette. Chaque dessinateur peut mettre sa main dedans et en faire ce qu’il a envie, à condition qu’il reste bondissant avec son costume rouge et son calot.

Olivier Schwartz : Mon Spirou est un garçon dynamique, qui n’a pas renoncé à sa carrure, celle que lui faisait Franquin dans les années 40. C’est un personnage qui se cherche encore. Il n’est pas encore le jeune garçon droit, au cœur pur, qu’on va connaître par après. C’est pour ça qu’il est vert-de-gris et qu’il accepte de travailler dans l’hôtel réquisitionné par la Gestapo.
Pensez-vous que c’est un personnage qui appartient définitivement au passé ?
Yann : Pas du tout. À côté de la série avec Schwartz, qui revient sur les années 40, j’ai beaucoup de plaisir à travailler avec Dany sur un scénario qui se passe de nos jours, avec des portables et les préoccupations de notre époque. Cela s’appellera La Gorgone bleue et Spirou y affrontera un groupe de femmes extrémistes écologistes qui ont installé leur repère sur un sixième continent, fait de déchets plastiques au milieu du Pacifique. Ça permet d’explorer d’autres univers, de glisser de la psychologie, de la sociologie et même du questionnement existentiel. Spirou est un personnage qui a une pureté et une naïveté que rien n’altère, c’est pour ça que c’est intéressant de l’amener ailleurs.

Un ailleurs qui se découvre aussi dans les années 40 ?
Schwartz : C’est l’époque qui a vu naître le personnage mais il n’y a pas vécu les aventures qu’il aurait dû vivre. Il n’a pas croisé l’Histoire parce que les auteurs préféraient s’en détacher. Le réalisme n’est intervenu que plus tard quand Spirou est devenu plus adulte. À travers les yeux de Spirou, le contexte de la guerre devient quelque chose de complètement neuf. Il avait un univers sans nuage, c’est donc intéressant de le mettre sous les bombardements et les scènes de torture de la Gestapo.

Y a-t-il des limites au-delà desquelles Spirou ne serait plus Spirou ?
Yann : Ce sont celles du sexe, de la pornographie et de la scatologie. On ne peut pas bousiller ce que les autres auteurs ont fait. À la base, c’est un personnage destiné aux enfants. Ce qui est excitant quand on a eu la chance de le lire gamin, c’est d’essayer de retrouver l’émotion et la magie que l’on a soi-même ressenties.

Avez-vous peur de décevoir le public ou les fans ?
Yann : J’ai toujours écrit des histoires avant tout pour moi-même et pour le dessinateur, avec qui je peux avoir de vraies disputes. Si on se fait confiance, c’est la meilleure manière de pas décevoir le public.
Schwartz : Quand j’ai repris le personnage, j’ai trouvé ça assez lourd. On se sent observé par tous les auteurs qui nous ont précédé. Même s’ils sont morts, je les sens penchés sur mon épaule et j’espère qu’ils ne rient pas de mon travail.
Votre spin-off balance entre nostalgie et pastiche, où placez-vous le curseur ?
Yann : Je n’y vois pas de pastiche mais de vraies aventures au premier degré. Maintenant, on doit aussi s’adresser à plusieurs générations de lecteurs. Comme dans les films Pixar, j’essaie de proposer plusieurs niveaux de lecture. On glisse parfois des allusions pour adultes que les enfants ne voient pas s’ils n’ont pas les références, mais Franquin faisait déjà ça en glissant dans les affiches publicitaires des allusions à ses copains comme Morris.
Schwartz : Dans Le Groom vert-de-gris, je trouve que la multiplication des allusions et références détournait le lecteur du plaisir au premier degré. Pour La Femme-léopard, on passe à l’immédiat après-guerre, un contexte historique plus vierge en BD. Ce sera une vraie aventure qui fera voyager Sprirou, Fantasio et Spip entre Paris, Bruxelles et le Congo belge.

Peut-on aujourd’hui encore traiter Spirou comme on le faisait à l’époque de Franquin ?
Schwartz : J’aurais tendance à penser qu’il faut préserver sa naïveté et sans cesse la réinitialiser pour qu’à chaque fois, il reparte avec la poésie et l’insouciance de ses grands albums. Quand je le revois, au début de Spirou et les Héritiers, jouer dans son bain avec un savon, je trouve ça à tomber par terre, mais je sais que c’est une mission difficile, voire impossible.

Spirou de main en main • 23/4 > 6/10, di/ma/Tu > zo/di/Su 10 > 18.00, BELGISCH STRIPCENTRUM/CENTRE BELGE DE LA BANDE DESSINÉE, Zandstraat 20 rue des Sables, Brussel/Bruxelles, 02-219.19.80, visit@cbbd.be, www.cbbd.be

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