The Yellow Side of Sociality : art à l’italienne

Estelle Spoto
© Agenda Magazine
04/09/2014
(Marinella Senatore, ROSAS - Movie Set, 2012 - Courtesy Peres Projects, Berlin - Photo © Hans-Georg Gaul)

La présidence italienne du Conseil de l’Union européenne est une belle occasion pour Bozar de mettre à l’honneur la culture riche et rayonnante de la Botte. Avec l’expo The Yellow Side of Sociality, c’est sa scène artistique contemporaine qui est mise en avant, à travers des représentants qui se sont installés temporairement ou définitivement ailleurs et qui développent une démarche participative.

On connaissait « the bright side of life », entonné par les crucifiés dans La Vie de Brian des Monty Python. Bien avant cela, il y a eu « the sunny side of the street », dans une chanson réconfortante composée en 1930, juste après la grande dépression, et interprétée notamment par Louis Armstrong et Billie Holiday. Voici à présent « the yellow side of sociality » (« le côté jaune de la sociabilité »), titre énigmatique d’une exposition ambitieuse - et gratuite ! - sur l’art contemporain italien, considéré ici dans ses caractéristiques nomades et participatives. Nicola Setari, commissaire de l’exposition, dévoile les grandes lignes du projet.

Que signifie The Yellow Side of Sociality ?
Nicola Setari : Un des stéréotypes qui revient souvent autour de l’Italie, c’est qu’on y trouve une vitalité sociale très forte, une manière de vivre ensemble qui cultive la socialisation et dans laquelle l’art et la culture ont toujours joué un rôle. J’ai voulu trouver une couleur qui puisse l’exprimer. Le jaune est associé au soleil, au plaisir, au bien-être, mais d’un autre côté, la couleur jaune est utilisée en Italie pour catégoriser toute une tradition littéraire de romans policiers, sombres et mystérieux, et le genre cinématographique qui en découle : il giallo. Or on sait que l’Italie a souffert d’une présence forte de la criminalité dans sa dimension sociale, et même politique. Le jaune, par ces différentes significations, permet de mettre en évidence ce double aspect de la socialisation en Italie. Le but de l’expo est de mettre en avant le côté positif, tout en reconnaissant aussi l’existence de ce côté plus négatif. Concrètement, l’exposition rassemble plusieurs générations d’artistes italiens proposant des pratiques artistiques socialement engagées, qui invitent les visiteurs à passer d’une dimension passive à une dimension active. Le fil rouge est comment l’art peut devenir un instrument de socialisation.

Vous parlez de plusieurs générations. Quelle est la tranche d’âge couverte ?
Setari : L’artiste le plus âgé est Michelangelo Pistoletto (lire ci-contre), né en 1933, un des grands représentants de l’Arte Povera (« art pauvre », mouvement né à Rome et Turin dans les années 60, qui met l’accent sur le geste créateur et privilégie l’utilisation de matériaux pauvres, NDLR). Il est présent dans le projet à travers trois œuvres, dont une - Third Paradise - est exposée au sein du bâtiment Justus Lipsius, le siège du Conseil de l’UE. Les artistes les plus jeunes de l’expo, comme Nico Angiuli et Renato Leotta, ont eux à peine entamé la trentaine. La fourchette d’âge est donc grande. Mais il faut signaler aussi - et pour moi c’était très important - la présence dans l’expo de toute une série de revues italiennes d’art contemporain développées par une génération très jeune - des gens qui ont moins de 30 ans - et qui offrent une visibilité à des artistes émergents. Certaines de ces revues sont distribuées dans le monde entier. L’exposition ne réunit qu’une quinzaine d’artistes mais à travers ces revues, on peut avoir un point de vue sur une scène beaucoup plus large.

Pourriez-vous donner des exemples d’œuvres participatives présentées ?
Setari : Je peux citer Eppur si muove (« Et pourtant elle tourne ») de Luca Vitone, un divan en forme de roue à seize rayons - symbole qui figure sur le drapeau du peuple rom - où l’on peut s’asseoir et discuter. Il y a aussi les visites guidées de Cesare Pietroiusti (lire ci-contre). Mais l’exemple le plus éclatant, c’est ROSAS - Movie Set de Marinella Senatore (photo), une artiste italienne extraordinaire, basée à Berlin et qui vient de gagner le prix le plus important dans le domaine de l’art contemporain en Italie, le prix MAXXI. Toute sa démarche est centrée sur la recherche de nouvelles pratiques participatives du public, pour transformer le musée d’art en un lieu d’inclusion et non d’exclusion. Elle présente ici une installation qui est un vrai plateau de tournage avec tout ce qu’il faut pour faire un film : fumigènes, lumières, une caméra semi-professionnelle... Le public peut s’inscrire et réserver cet espace pour un tournage, ou pour y organiser une séance photo, un cours de chant... Ce projet a rencontré un succès incroyable là où il a déjà été présenté. On espère que ce sera aussi le cas à Bruxelles.



Du matériel à l’immatériel
Deux grands maîtres présents dans l’exposition jouent le rôle de figures tutélaires pour les jeunes générations : Michelangelo Pistoletto et Cesare Pietroiusti. « Ils représentent deux trajectoires distinctes, deux pôles forts », explique Nicola Setari. « Pistoletto, c’est une tradition dans laquelle l’objet et sa matérialité sont très importants comme instruments d’engagement social et politique. Pietroiusti appartient à une tradition davantage liée à une immatérialité, une position polémique par rapport au monde de l’art. En 1992, il a présenté une visite silencieuse de la Serpentine Gallery à Londres, qui passait non dans les espaces officiels, mais dans les bureaux, les réserves... C’était une expérience assez radicale : tout à coup, la mystique de l’espace d’art se déconstruisait. À Bozar, le principe sera le même : un parcours dans des espaces normalement inaccessibles. C’est une petite violence faite à l’institution. L’artiste joue sur une mise en échec des systèmes de défense de l’institution mais aussi sur un risque de déception du visiteur puisqu’il n’y a pas d’œuvre à voir. C’est une stratégie énigmatique mais puissante, je trouve, qui a ensuite été reprise souvent par d’autres ».


THE YELLOW SIDE OF SOCIALITY • 10/9 > 18/1, di/ma/Tu > zo/di/Su 10 > 18.00 (do/je/Th 10 > 21.00), gratis/gratuit/free, Bozar, rue Ravensteinstraat 23, Brussel/Bruxelles, 02-507.82.00, www.bozar.be

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