Sounds of (R)evolutions aux Halles

Gilles Bechet
© Agenda Magazine
15/03/2013
Les Halles proposent un panorama artistique sur un monde arabe en pleine (r)évolution. Parmi les différents rendez-vous, les trois volets de la série No time for art, où la metteuse en scène égyptienne Laila Soliman confronte les témoignages des victimes de la violence policière aux images de la télévision d’État.

Basé sur les témoignages de victimes, No time for art de Laila Soliman met en question la justice et la répression policière en Égypte. Active dans le mouvement citoyen, l’artiste cairote ne craint pas la censure officielle mais plutôt la censure individuelle.

La révolution a-t-elle changé votre manière d’aborder le spectacle et la mise en scène ?
Laila Soliman : Je fais du théâtre politique depuis mes débuts, en 2004. Ce n’est donc pas comme si j’avais monté des comédies musicales avant de me tourner vers le théâtre politique. Je n’ai pas changé de sujets. Avec la révolution, j’ai plutôt continué à creuser certaines questions qui m’obsèdent. Quand un de mes amis a été arrêté, j’ai voulu travailler sur la justice militaire, ce qui est le point de départ de la série No time for art. Par contre, dans le processus de création, j’ai dû intégrer un rythme plus soutenu. Tout se passe très vite, il faut développer des formes d’expression qui peuvent s’adapter à la succession des événements.

Pouvez-vous aujourd’hui montrer votre travail sans contraintes en Égypte ?
Soliman : Il n’y a rien qui a changé sur ce plan-là. Ce n’est ni mieux ni pire qu’avant. Nous n’avons accès qu’à un nombre limité de lieux non-institutionnels. Pour se produire dans des lieux institutionnels, il faut se plier à certaines procédures bureaucratiques et politiques, ce qui ne me plaît pas. C’est plus compliqué et on y est plus exposé à la censure, celle qui vient des gens qui y travaillent. Les règles qui fixent la censure n’ont pas été adaptées depuis la révolution. On doit donc travailler dans une sorte de vide juridique qui est un des problèmes de la transition. Ceci dit, je ne pense pas que les artistes connaissent un problème de liberté d’expression en Égypte. La censure est d’abord liée à des réactions individuelles. Celui qui aborde dans la rue les questions de la liberté sexuelle ou met en cause la religion sera vite pris à partie par des centaines de gens agressifs, pas parce qu’ils ont été envoyés par quelqu’un mais parce qu’ils sont eux-mêmes convaincus.

Le constat que vous posez avec vos spectacles est dur. Qu’est-ce qui pourrait amener un changement ? Quel rôle pourrait jouer la société civile ?
Soliman : La société civile, comme souvent, est divisée. C’est un des éléments qui nous plongent dans une situation encore plus confuse, où différentes parties de la population ont des attentes différentes. Si tout le monde se mettait d’accord pour réclamer la liberté, la justice sociale et du pain, ce serait plus facile pour passer à l’étape suivante de la concrétisation. Même si les choses sont compliquées et ne sont pas unifiées, il y a un mouvement qui se transforme en contre-pouvoir. Les manifestations qui se sont poursuivies depuis janvier 2011 jusqu’à maintenant se sont renforcées. Et aujourd’hui, plusieurs villes et quartiers du Caire sont entrés en désobéissance civile, ce qui est une première dans l’histoire. Bien sûr, les médias officiels n’en parlent pas beaucoup parce qu’ils ne veulent pas donner des idées à d’autres....
La révolution a-t-elle encouragé l’émergence d’une nouvelle génération d’artistes ?
Soliman : Absolument, surtout dans les arts urbains. Alors qu’ils étaient peu présents et peu médiatisés, ils occupent aujourd’hui le devant de la scène. Et ils sont en voie d’être récupérés. Ainsi, le rap ne serait jamais passé à la télévision il y a quelques années. Tous ces musiciens qui travaillent dans leurs sous-sols ont maintenant la possibilité de devenir de vraies stars. C’est la même chose avec le graffiti. Avant la révolution, on en voyait peu et l’art était peu présent dans l’espace public. De nombreux artistes qui réalisent des graffitis se sont fait connaître, que ce soit en Égypte ou dans le reste du monde. La force du graffiti, c’est qu’il peut porter l’expression d’une réaction collective. Ça peut commencer par deux ou trois artistes qui réalisent une peinture murale qui, par la suite, sera adoptée par une centaine de gens du quartier. Cela signifie que s’il est effacé, ces gens descendront dans la rue pour aider à le repeindre.

No Time for Art 1, 3 & 021/3, 20.30, €10/14, Hallen van Schaarbeek/Halles de Schaerbeek




ÉCHOS DU PRINTEMPS
À la télé, à la radio, dans les journaux, les échos des révolutions printanières qui balaient les pays arabes apparaissent et disparaissent. De jeunes artistes tunisiens, égyptiens, syriens, libanais et belges viennent nous faire partager l’urgence de leur regard et de leur sensibilité sur ces événements majeurs.
(Kawa © Jef Rabillon)

Un danseur émerge d’un amas de tasses de café blanches comme on entame une journée avec la première gorgée de l’amer et brûlant breuvage. C’est le début de Kawa. Chorégraphié par Hafiz Dhaou et Aicha M’Barek, ce spectacle s’inspire d’un texte du poète palestinien Mahmoud Darwich sur les rêveries d’un buveur de café à une terrasse (20/3, Les Halles). Entre danse et acrobatie, Rayahzone de Ali et Hèdi Thabet nous emmène sur la place d’un village. Un unijambiste, crâne de dromadaire sur la tête, arrive avec ses béquilles. Au son des mélopées et des percussions soufies, il est rejoint par deux autres danseurs pour se métamorphoser en une créature à cinq jambes qui se fait et se défait en un accord imparfait et fragile (25 & 26/3, Les Halles).
(Rayahzone © Dan Aucante)

De leurs voyages en Tunisie après 2011, les artistes Céline Rallet et Sarah Antoine ont ramené des échos sonores. Avec la participation de jeunes comédiens de Redeyef, elles recréent les frémissements et les élans de la foule tunisienne, à laquelle le public est invité à se joindre pour un cortège festif et révolutionnaire qui entre en résonance avec la réalité bruxelloise. Se soulever, c’est déjà se lever (Comment faire est la question des enfants sans noms 21 > 29/2, Maison des Cultures de Molenbeek). Pour clôturer en beauté et en musique, des artistes venus de tous les pays foyers de la révolution se retrouveront pour un concert mêlant musique classique orientale, hip-hop, performances, danse et graff (29/3, Flagey).

Sounds of (R)evolutions • 20 > 29/3, Hallen van Schaarbeek/Halles de Schaerbeek, Maison des Cultures de Molenbeek, Pianofabriek, Flagey, 02-218.21.07, www.halles.be

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