Brussels Short Film Festival : coupez court

Gilles Bechet
© Agenda Magazine
22/04/2014
Avec plus de 300 courts métrages belges et étrangers, une compétition nationale et une internationale, une section off, des activités jeune public, des rencontres et des soirées événements, le Brussels Short Film Festival ouvre ses écrans dans la capitale. Dix jours de découvertes pour un concentré de cinéma dans lequel nous avons sélectionné quatre pépites.


Solo Rex
de François Bierry
Bûcheron bourru, Erik promène sa carcasse et sa tronçonneuse avec sa vieille jument depuis qu’on lui a retiré son permis. Au détour du comptoir d’un bistrot de village, il croise Kevin, le jeune conducteur d’une fanfare cycliste trop timide pour déclarer sa flamme à la jolie clarinettiste. Venu il y a dix ans en Belgique pour suivre des études à l’IAD, le Français François Bierry a travaillé sur des émissions de divertissement et à l’écriture de séries pour la RTBF. Pour son premier court métrage de fiction, il jette un regard tendre sur son pays d’adoption en lançant deux personnages improbables dans les paysages bucoliques du Hainaut. « J’ai eu l’occasion de parcourir la Wallonie en tournant des émissions de tourisme et de gastronomie, j’y ai rencontré des gens extraordinaires et des éléments de folklore surprenants et attachants que j’ai eu envie de mettre dans ce film ».
Le casting joue sur le contraste entre la présence massive de Wim Willaert (Quand la mer monte, HH, Hitler à Hollywood) et les frêles ados qui ont encore tout à apprendre de la vie. Face à ce type revenu de tout, il y a le jeune puceau qui a envie de croquer la vie mais qui est bloqué par ses émotions. Tourné dans le format du western, le cinémascope, le film progresse en plans-séquences sur les pas de ses deux héros à la parole rare. « Ma première envie était d’écrire une histoire d’amour avec une tronçonneuse dans une comédie racontée comme un western teinté d’absurde. J’ai évité les gros plans pour garder une distance avec mes personnages. J’avais envie de lenteur, mais pas de longueurs, c’est pour ça que j’ai coupé dix minutes au montage et qu’il y a pas mal d’ellipses ». Baigné par les films d’Aki Kaurismäki et d’Elia Suleiman, François Bierry distille un burlesque inscrit dans le quotidien où l’humain est une horloge dont le cœur tourne à contretemps.
27/4, 22.30, Flagey & 1/5, 20.00, Vendôme


Osez la Macédoine
de Guérin van de Vorst
Dany s’enfile des canettes de pils et balade une poussette vide pour approcher les petites vieilles dans les parcs et leur piquer leur portefeuille. Elle n’a pas le choix, elle est en guerre pour survivre. L’irruption d’un clandestin macédonien, aussi solaire qu’elle est butée, ouvre une brèche dans son quotidien sans perspectives. Écrit en collaboration avec son épatante actrice principale, Ingrid Heiderscheidt, le film de Guérin van de Vorst ne fait pas de politesses. Tourné en 16 mm dans un noir et blanc organique, il est brut et rugueux, comme le montage son, très cut lui aussi. Par facilité plus que par volonté de réalisme, il a tourné son film à Saint-Gilles, dans le quartier où il vit. Il ne cherche pas pour autant à hisser les couleurs locales car la précarité n’a pas de frontières. Déjà auteur d’un docu sur les sans-abris et de quelques courts métrages sur les laissés-pour-compte de la société, Guérin se défend d’esthétiser le dénuement. « Je ne trouve pas la misère belle mais je crois que les marginaux détiennent une espèce de vérité. J’ai souvent l’impression que les marginaux volontaires sont des rêveurs ».
Pour étouffer dans l’œuf tout soupçon de réalisme social, le réalisateur trempe son récit dans une bonne dose d’autodérision nourrie tant par les films de Jarmusch et de Harmony Korine que par la lecture de BD. Fils de comédiens, Guérin est passé par l’ULB pour une licence en philosophie qu’il a vite délaissée pour le cinéma. « J’étais frustré d’être dans les bouquins, j’avais envie d’une confrontation plus réelle avec le monde ». Perfectionniste jusqu’au bout de ses pellicules, il n’a pas besoin de hasard pour créer des films vibrants d’une énergie jubilatoire. Après une poignée de courts, il se sent prêt à développer son projet de long métrage, un road-movie entre la Belgique et Gibraltar. Pour approfondir sa rencontre avec le monde.
26 & 30/4, 20.00, Vendôme


Sophie
de Cédric Bourgeois
Des filles comme Sophie, on en croise tous les jours. Seulement on les oublie aussitôt que notre regard les effleure, parce qu’elles ont le visage fermé, parce qu’elles baissent la tête. Le film de Cédric Bourgeois, écrit pour la comédienne Mathilde Rault, ne va pas lâcher cette anonyme, collant au plus près de son angoisse mutique générée par un boulot abrutissant au rayon boucherie d’un supermarché. « Dans les premières versions, le scénario était trop bavard puis en pensant aux films d’Alan Clarke, j’en ai fait un film quasiment sans dialogues ». Tourné rapidement, Sophie tient du trip claustrophobique filmé partiellement dans un Bruxelles méconnaissable. Venu de Clermont-Ferrand il y a dix ans, le jeune homme pose sur la Belgique un regard distancié. « Le métro et la Gare du Midi sont des lieux que je fréquente quotidiennement, on y sent une pression qui participe au malaise que je voulais créer chez le spectateur ».
D’autres scènes ont été tournées en Wallonie dans des lieux qu’il a découverts en tournant le documentaire Dream Catchers, co-réalisé avec Xavier Seron et consacré aux catcheurs amateurs et à leurs rêves d’Amérique. Cédric Bourgeois a décidé de réaliser Sophie en auto-production. « En passant par les circuits de production classiques, la réalisation du film aurait pris deux ans. À force de réécrire les scénarios pour des commissions ou des financements, on en vient à un lissage généralisé. Le court métrage n’y échappe pas ». Cédric n’en revient pas d’être arrivé là où il est sans rien céder et est impatient de s’attaquer au long métrage de fiction qu’il compte tourner dans la région de Charleroi, un film fidèle à son univers qu’il voit aussi comme un cadeau de remerciement à ce que la Belgique lui a donné. « Entre des décors géniaux et des acteurs complètement barrés, j’ai juste à poser ma caméra ».
28/4, 20.00, Vendôme & 1/5, 22.30, Flagey


Partouze
de Matthieu Donck
Trois couples se retrouvent dans une villa de banlieue pour une soirée échangiste. L’entrain n’y est pas vraiment et la chair est triste mais quand faut y aller, faut y aller. Il y a du Ozon dans cette comédie grinçante tournée dans un soyeux noir et blanc. Après avoir signé son premier long métrage, Torpedo, en 2012, Matthieu Donck revient au court avec soulagement. « J’ai deux projets de longs métrages en développement mais j’avais envie de retrouver un espace de liberté. J’ai fait Partouze pour me faire plaisir. J’avais envie de raconter cette histoire-là, avec ces comédiens-là. Et puis le métier d’un réalisateur, c’est de tourner pour acquérir de l’expérience, autant que possible ».
Sans réel enjeu économique, le court métrage donne aussi l’occasion d’expérimenter. « Pour Torpedo, tout était millimétré, on ne pouvait pas se permettre d’extra. Ici, j’ai pu tourner des plans pour essayer des choses sans être certain de les garder au montage ». Le scénario s’inspire de ces soirées où l’on propose des sex-toys sur le modèle des soirées Tupperware. « J’ai juste poussé le curseur un peu plus loin en glissant des éléments de comédie bien ancrés dans la réalité. Je voulais parler de l’intime, de ce qu’il en reste et de ce qu’on en fait aujourd’hui ». Dans un long métrage, il aurait sans doute été plus difficile d’imposer le noir et blanc. Riche et profond, surtout dans les scènes d’extérieur, le noir apporte une distance. « Cela me semblait nécessaire, avec un sujet et un titre pareil, d’apporter de l’élégance et du sérieux à l’histoire ». Avec Partouze, Matthieu est allé jusqu’au bout de son projet sans dévier de l’idée initiale. « Cela m’a confirmé que pour réussir un projet, il ne faut pas se censurer. Au cinéma, où il y a une multiplicité d’intervenants, on a souvent tendance à s’autocensurer bien plus qu’on ne censure ».
24 & 29/4, 20.00, Vendôme


BRUSSELS SHORT FILM FESTIVAL • 23/4 > 3/5, €6 (séance)/€30 (Pass), Verschillende locaties/Divers lieux/Various locations, 02-248.08.72, www.bsff.be

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