D Festival : la vision du monde de Clément Thirion

Nurten Aka
© Agenda Magazine
31/05/2013
([weltanschauung])

En juin, Clément Thirion investit le Théâtre Marni et la place Flagey pour le D Festival, tandis qu’à la Balsamine, il officie dans le cadre du Festival Les Laboréales. Au menu: [weltanschauung], un voyage cosmique, The Blast Dance, une chorégraphie à la façon des flashmobs, et un ballet mathématique avec FRACTAL...

Formé au Conservatoire de Mons, féru de science, le comédien Clément Thirion s’amuse au fil de ses créations, proches de la perfomance hybride. Drôle et sérieux à la fois, son premier spectacle [weltanschauung] est né d’une résidence d’artiste au Théâtre de L’L. Ce spectacle « cosmique-allumé » réunit deux bipèdes – Clément Thirion et Gwen Berrou – à la recherche de la Création, où, non sans humour, Total Eclispe de Klaus Nomi résonnent sur fond d’Adam et Eve chassés du Paradis du peintre expressioniste Emil Nolde. Thirion part aussi explorer la vie extraterrestre dans FRACTAL, un work in progress à découvrir à la Balsamine. Enfin, ce comédien-danseur investira en outre la place Flagey avec une méga-chorégraphie collective et citoyenne, The Blast Dance. Clément Thirion (à peine 30 ans), pose de grandes questions dans des formes faussement déjantées.

[weltanschauung], un titre imprononçable. C’est fait exprès ?
Clément Thirion : Ce mot allemand signifie « vision du monde » et sonne mieux que paradigme, son équivalent français. Ce titre imprononçable, issu de la philosophie romantique allemande, m’amusait.

Parler du « monde », c’est un peu « grand » pour un comédien ?
Thirion : Le spectacle s’amuse de cette ambition impossible. [weltanschauung], c’est l’histoire de deux bipèdes qui veulent sauver l’humanité en se reconnectant à notre énergie primale !

Sous l’humour, la catastrophe ? Pourquoi ?
Thirion : Depuis ma naissance (1984), on ne nous parle que d’impuissance face aux désastres: crash financier, sida, cancer, énergie nucléaire. Ma génération a grandi dans un monde sans politique/idéologie/vision du monde. En même temps, tout va bien : aucune guerre et presque le cul dans le beurre, avec Mac et iPod. Parfois, on se sent mal à l’aise à vouloir changer le monde comme créateur artistique. Je voulais effleurer ce paradoxe dans une sorte d’auto-dérision par rapport au monde.

Quelles sont tes sources ?
Thirion : Très variées : cela va du chanteur new wave Klaus Nomi au peintre expressionniste Emil Nolde, en passant par la neurobiologiste Jill Taylor. Et toute une littérature sur la création du monde, des références aux années 80, le pop, la mythologie Superman, des chansons humanitaires comme We Are the World. Une matière impossible qui s’est glissée dans un spectacle sur cette création impossible. Une forme hybride s’est imposée pour le spectacle entre danse, théâtre, perfomance, musique et vidéo.

Quid de The Blast Dance ?
Thirion : The Blast Dance est issu de [weltanschauung]. Je voulais terminer le spectacle sur une chorégraphie explosive : on va tous mourir et se faire atomiser en dansant sur un truc débile. Avec Edith Depaule et Thomas Coumans, on a fait des essais de danse dans la ville, avec des citoyens-danseurs de tous horizons, pour investir festivement l’espace public. Avis aux amateurs, on répète les 15 et 16 juin.

Tout se lie, avec le monde extraterreste dans FRACTAL ?
Thirion : Avec FRACTAL, un «chantier», j’ai envie d’explorer une chorégraphie mathématique avec l’aide d’un informaticien et de vingt interprètes. Chaque danseur suivrait sa propre géométrie fractale comme un choux fleur ou des vaisseaux sanguins, qui se séparent en deux, puis encore en deux. Le même schéma se multiplie à l’infini, à différentes échelles. J’ai aussi envie d’explorer cette vieille obsession de la vie des extraterrestres, une image de soi projetée sur l’infini.

La science, le cosmos, l’extraterrestre : c’est de la fiction ?
Thirion : La forme est artistique mais ce qui est dit dans les spectacles vient de sources qui existent. Je lis plus de livres de science que de littérature. Mais on n’est pas pour autant dans un cours de science ! J’essaie d’éveiller l’imaginaire, de créer des images, des conflits de sens, des frottements entre la science et l’art et d’ouvrir ainsi des bulles de rêves.

D Festival: [weltanschauung], 19 > 21/6, 20.00, Théâtre Marni & The Blast Dance, 21/6, 18.30, place Flageyplein
Festival Les Laboréales: FRACTAL, 12 & 14/6, 20.00, Théâtre de la Balsamine



Le système D Festival
Le D Festival du Marni a fait renaître de ses cendres, en plus petit, le  Danse Balsa Marni qui prenait le pouls de la danse contemporaine en juin, à Bruxelles.
(© Oskar Henn)

Pour sa troisième édition, le Théâtre Marni collabore avec le Théâtre les Tanneurs en accueillant deux reprises de la chorégraphe brésilienne Maria Clara Villa-Lobos : XL, Because size does matter (2000) et M, une pièce moyenne (2003). Deux chorégraphies burlesques sur nos mœurs contemporaines, toutes en mouvements dansés, autour de la jouissance consommatrice, symbolisée par le caddie de supermarché dans lequel les danseurs s’installent. Côté Marni, le poumon du festival, la programmation est hétéroclite, allant de la chorégraphie pour enfants à la danse collective dans l’espace public (voir ci-contre) sur la place Flagey ! Côté créations, on découvrira le nouvel opus du danseur-chorégraphe Giovanni Scarcella (ex-Cie Giolisu), avec sa nouvelle collaboratrice, Raffaella Pollastrini. Ensemble, ils créent Forbidden Destination, une tentative osée de croiser la danse et la B.D. en « sautant d’une page à l’autre, en effaçant ses dernières traces, dans un environnement qui se dissout peu à peu, parlant du corps même de la B.D. ». Un univers intrigant, à l’instar de celui de Stay on the Scene, première chorégraphie de l’excellent danseur-acteur Harold Henning (interprète chez Pierre Droulers, Miet Warlop, Cie SOIT, Les Ballets C de la B, etc.) qui nous offre un trio dansé sur la mémoire, où trois corps se raniment « quand des lumières se rallument après le fin d’un spectacle ». Tel est le début d’une pièce qui fonctionne comme une chorégraphie à rebours sur l’éloignement de ce qui a été. Au total donc, une belle programmation, hétéroclite, pointue et populaire, marquée par un sens de l’accueil festif avec concert jazz et resto sympa…

D Festival • 5 > 21/6, Théâtre Marni, rue de Vergniesstraat 25, Elsene/Ixelles, 02-639.09.82, www.theatremarni.com & Théâtre Les Tanneurs, Huidevettersstraat 75-77 rue des Tanneurs, Brussel/Bruxelles, 02-512.17.84, www.lestanneurs.be, www.dfestival.be

Fijn dat je wil reageren. Wie reageert, gaat akkoord met onze huisregels. Hoe reageren via Disqus? Een woordje uitleg.

Read more about: Events & Festivals

Iets gezien in de stad? Meld het aan onze redactie

Site by wieni