Les Nuits #2014: tUnE-yArDs

Nicolas Alsteen
© Agenda Magazine
06/05/2014
(© Holly Andres)

Avec son orchestre de poche et un nom en montagnes russes, tUnE-yArDs secoue la pop dans tous les sens. Âme vivante et cœur battant du projet, Merrill Garbus fait tomber les frontières entre les genres musicaux et esquisse Nikki Nack, un troisième album en forme de fable moderne : une danse au pays des merveilles.

Femme indépendante et décidée, Merrill Garbus a pris son temps pour façonner son monde parallèle entre les minuscules et les majuscules de tUnE-yArDs. En 2009, l’Américaine laissait éclater au grand jour son génie légèrement décalé sur BiRd-BrAiNs, premier disque décomplexé, bricolé entre un ukulélé et une panoplie d’idées chipées dans la musique folk, le blues africain et la culture hip-hop. Deux ans plus tard, elle se donnait les moyens de ses ambitions atypiques en poussant les portes d’un véritable studio. Mieux produit, moins touffu mais toujours tout fou, l’album W h o k i l l imposait définitivement le nom de tUnE-yArDs sur la mappemonde de la pop moderne. Ambassadrice d’une musique alternative totalement dévouée à l’innovation, Merrill Garbus se pose aujourd’hui sur une nouvelle collection de chansons passionnantes et extraverties. Avec Nikki Nack, l’artiste s’aventure sur les traces de sa propre histoire en y injectant une bonne dose de fantaisie. Habité d’une folie douce, parsemé de tubes bariolés (Water Fountain, Wait for a Minute, Time of Dark), ce troisième volet nous transporte dans un univers coloré où soul, funk, hip-hop et R’n’B ne font qu’un. Entre folklore électronique et futur organique, la magie se renouvelle ici à chaque écoute.

Votre musique se balance entre soul, R’n’B, rock, folk, gospel et hip-hop. À quel style faut-il rattacher vos chansons ?
Merrill Garbus : Honnêtement, j’éprouve du plaisir au contact de tous les genres musicaux. Le grand paradoxe, c’est que je ne me sens à l’aise avec aucun style en particulier. Quand je commence à travailler sur un morceau, je n’ai généralement aucune idée de sa forme finale. Rien qu’en termes de rythmiques, je peux trouver de l’inspiration dans les musiques caribéennes, congolaises et guinéennes, mais aussi dans le R’n’B et le hip-hop. Mes chansons se situent toujours au carrefour de nombreuses influences dont je ne perçois plus forcément les contours. Quand quelqu’un me demande de décrire mon univers, j’explique souvent que c’est… compliqué à expliquer. (Sourire) C’est de la musique pop expérimentale, un truc très dansant avec des influences africaines et beaucoup de rythmiques dedans.
Votre nouvel album s’intitule Nikki Nack. Qui est-ce ?
Garbus : C’est un personnage de la chanson Left Behind. J’ai pris énormément de plaisir en écrivant ce morceau. Il symbolise bien l’esprit du disque. Pour le reste, Nikki Nack est une fille un peu mystérieuse. Son nom s’inspire d’une comptine pour enfants que j’avais l’habitude de chanter quand j’étais petite. Je pense que ça rencontre bien les intentions de l’album.

Le disque s’apparente souvent à un conte de fée fluorescent et hyper dansant. La narration joue d’ailleurs un rôle essentiel dans la cohésion de Nikki Nack. C’est voulu ?
Garbus : Tout à fait. Une bonne partie du disque renvoie à d’anciennes représentations de moi-même. Quand j’avais 9, 13 ou 19 ans. J’ai grandi en jouant dans des pièces de théâtre et en manipulant des marionnettes. C’était un univers paradoxal où le rêve côtoyait le réel. Et puis, je suis passionnée par les récits de Roald Dahl : des histoires avec des enfants confrontés au monde cruel des adultes. Pour moi, il est important de laisser grandir les petits dans un univers fantastique, de ne pas les confronter trop vite à la réalité. Même dans une vie d’adulte, il faut se donner les moyens d’échapper aux contraintes du quotidien.

Avant de vous lancer dans la musique, vous avez étudié le théâtre à l’université. Retrouve-t-on une trace de cette expérience dans vos chansons ?
Garbus : Après mes études, j’ai aussi bossé comme marionnettiste. J’ai donc appris pendant des années à créer des mondes imaginaires, des lieux régis par une histoire et des personnages fantaisistes. Par extension, j’ai appliqué ce savoir-faire à ma musique. Sur le nouvel album, par exemple, Find a New Way ou Stop That Man sont fortement influencés par ces techniques. Créer une atmosphère et façonner tout un univers autour, c’est quelque chose qui m’est familier. Parfois, quand des mots sont difficiles à exprimer dans un morceau, j’adopte une distanciation théâtrale et ça sort tout seul. Sur scène, c’est aussi plus facile pour moi de me projeter, de me glisser dans la peau des personnages chantés. Dans ces moments, je ne suis plus Merrill Garbus, je deviens quelqu’un d’autre.
Avec Nikki Nack, la palette sonore de tUnE-yArDs est plus large que jamais. Avez-vous changé de méthode de travail ?
Garbus : Quand j’ai commencé, je composais la plupart des chansons au ukulélé. Le point de vue était folk, naïf et expérimental. Avec W h o k i l l, mon deuxième album, j’ai évolué en cherchant à confronter l’approche artisanale de mes morceaux à la rigueur d’un studio. J’ai transplanté mon univers dans un autre contexte. Jusqu’alors, je filtrais systématiquement mes instruments acoustiques via une boîte à rythmes. Cette fois, j’ai voulu prendre le contre-pied de cette approche. Sur Nikki Nack, j’ai utilisé des machines, mais en essayant de les éloigner au maximum de leurs sonorités électroniques. J’avais envie d’infuser des émotions humaines dans des corps mécaniques.

Une fois encore, vous assurez la production de l’album. C’est un souci d’indépendance ?
Garbus : Sans défendre un engagement féministe radical, je trouve qu’il y a peu de femmes dans le milieu de la production musicale. Pourtant, la vision féminine, à travers ses sensibilités et son approche esthétique, apporte quelque chose de différent. Pour mes productions, je cherche d’abord à éviter les « trucs et astuces » traditionnellement consacrés dans les studios de production. Mon approche est instinctive. C’est du ressenti. C’est ce que je revendique. Pour produire Nikki Nack, j’ai confronté pour la première fois ma vision des choses à celles de véritables producteurs. J’ai ainsi collaboré avec Malay (John Legend, Frank Ocean, NDLR) et j’ai confié la production du morceau Water Fountain à John Hill. Par le passé, il a notamment travaillé avec Shakira, M.I.A. et Santigold. C’est un spécialiste du crossover. Il envisage toujours ses productions au croisement de la culture occidentale et des sonorités du monde. D’une certaine façon, sa vision s’ajuste parfaitement à ma musique.

tUnE-yArDs • 16/5, 19.00, €20/23, Koninklijk Circus/Cirque Royal, www.botanique.be

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